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Les USA et les arabes, quel avenir?
BARACK OBAMA S'INSTALLE À LA MAISON-BLANCHE
Publié dans L'Expression le 25 - 01 - 2009

L'arrivée de Barack Hussein Obama comme président des Etats-Unis d'Amérique, suscite des interrogations au sein des peuples arabes qui ont subi de manière violente la politique aventuriste de Bush. Il est nécessaire de tenter de répondre a quelques-unes de ces questions, liées à l'avenir.
1-Comment apprécier le changement à la tête des USA?
Les Américains ont vécu mardi 20 janvier un moment d'Histoire. Un de ces moments rares qui porte l'espoir d'un autre avenir pour eux et le monde. Un jeune Afro-Américain à la Maison-Blanche démontre que la démocratie est le voeu le plus cher des peuples. Même si tout système prévoit et cadre tout accès au pouvoir et qu'il n'y a pas de démocratie exemplaire, ni de monopole de cette pratique des pouvoirs, ce qui vient de se passer aux USA est un grand événement. En Bolivie, au Venezuela, au Brésil, en Turquie et en Afrique du Sud, des hommes du peuple ont aussi réussi à accéder au plus haut niveau de l'Etat de manière démocratique. Mais cette fois, il s'agit de la première puissance mondiale. Face à cet événement, ceux qui sont privés, comme les peuples arabes, de cet acquis mobilisateur qu'est la démocratie, méditent la leçon. Même si les observateurs avertis savent que les centres de décision aux USA ont préparé et favorisé ce changement intelligent.
2-Quelles sont les conséquences pour le monde musulman?
Ce n'est pas par hasard que la seule communauté dans le monde qui fut expressément citée par Barack Hussein Obama est celle des musulmans. Vu de l'extérieur, le monde musulman, notamment au Moyen-Orient, fait peur et pose problème. Après huit années de présidence catastrophique de Bush, marquées par l'invasion de deux pays musulmans - l'Afghanistan en 2001 et l'Irak en 2003- et un soutien sans faille à Israël, le discours d'investiture du nouvel hôte de la Maison-Blanche a été apprécié par les observateurs. Le ton mesuré adopté par Barack Hussein Obama, qui a promis de nouvelles relations avec le monde musulman, fondées sur le respect mutuel et l'intérêt commun, a été bien accueilli. C'est en effet un discours qui reflète un esprit nouveau, apparemment favorable au dialogue et opposé au choc des civilisations. C'est une nouvelle orientation, au moins sur la forme, qui change de celle qui prévalait depuis 1989, suite à la chute du Mur de Berlin. En outre, la référence d'Obama aux musulmans américains, partie intégrante de la population des Etats-Unis, environ 8%, est rare dans le discours politique américain. Le fait qu'il ait mentionné les musulmans revêt une signification de rupture. Mais je reste préoccupé, car la politique américaine en direction du monde musulman ne changera que si les pays musulmans changent eux-mêmes. De plus, la situation est incertaine car on ne perçoit pas de la part des puissances dominantes dans le monde la volonté de négociations avec les pays arabes.
3- Avec Obama est-ce un changement de politique étrangère?
Il est trop tôt pour se prononcer. Apparemment, seule la méthode diffèrera, si les forces attachées au droit dans le monde ne coordonnent pas leur action pour ramener les USA au multilatéralisme. L'approche d'Obama donne un peu d'espoir, c'est une rupture symbolique, qui rend compte que l'on ne peut pas combattre frontalement un milliard cinq cent millions de musulmans dans le monde. Mais les faiblesses criantes des pays arabes font que les grandes puissances risquent de dicter leur volonté. Même s'il y a un début de prise de conscience que l'on ne peut assimiler l'Islam au fanatisme. Auparavant, des Occidentaux parlaient de supériorité de leur modèle, de confrontation, et d'axe du mal. Ce racisme s'appelle islamophobie. Il met en avant le nucléaire iranien comme péril, occultant les 300 bombes nucléaires israéliennes, il assimile le chaos irakien à la culture locale, il met l'accent sur le croissant chiite comme risque, il entretient l'idée de risques de guerre civile dans les pays arabes comme au Liban, il refuse l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et confond résistance face à l'occupant et terrorisme. Sans discerner les causes, il dope la liste des conflits mythiques ou idéologiques: Occident contre Orient, Modernité contre Tradition, Religieux contre Laïcs, Sunnites contre Chiites. L'invention sournoise ou déclarée d'un nouvel ennemi, a atteint son summum lors de l'agression contre Ghaza.
4-Peut-on parler de la fin de la doctrine du choc des civilisations?
Il faut rester prudent, car les préjugés et les graves dérives contre les Arabes sont toujours là. Obama est élu pour défendre les intérêts des USA et redorer le blason. A décrypter la nature de l'équipe d'Obama, on se rend compte que la plupart sont des acteurs politiques qui ont démontré leur ignorance du monde musulman et leur alignement sur la politique de l'entité sioniste, à commencer par la Secrétaire d'Etat. Cependant avec George W.Bush, Israël disposait d'un chèque en blanc, ce qui ne sera plus le cas avec son successeur. Certes, avant son élection, Barack Obama n'avait pas manqué d'exprimer son soutien «indéfectible à la sécurité» de l'entité sioniste et il continue à le répéter. C'est un axe majeur de la politique des USA. Mais il vient de préserver sa marge de manoeuvre pour la région avec la nomination plutôt positive de George Mitchell, expert en négociations, comme envoyé spécial au Moyen-Orient. Cet ancien sénateur est connu pour un rapport qu'il a rédigé en 2001 après le déclenchement de la deuxième Intifada. Ce document préconisait un gel total de la colonisation israélienne dans les Territoires palestiniens. De plus, le général James, Jones, conseiller à la Sécurité nationale, et Robert Gates, le secrétaire d'Etat à la Défense, ne sont pas considérés comme des «proches inconditionnels» de l'entité sioniste. Dans ce contexte, tout n'est pas perdu. Mais si les Arabes n'aident pas Obama, ne s'unissent pas, et si les sociétés arabes ne bougent pas, les courants racistes et les puissances étrangères influentes, forts de leur suprématie et de leur bras armé l'Otan, chercheront à liquider la question palestinienne, et à recoloniser la région sous des formes nouvelles. Ainsi l'avenir est préoccupant, mais pas désespéré. C'est aux Arabes de saisir l'opportunité Obama pour tenter d'empêcher que des plans démentiels continuent de s'appliquer.
5-Quelle politique attendre d'Obama et son équipe?
Il s'agit principalement de trois points décisifs, même si la prééminence de la première puissance mondiale n'est pas contestable: passer de l'unilatéralisme au multilatéralisme, de la politique du deux poids, deux mesures à l'équité, de la loi du plus fort au droit international. Au centre du malaise mondial: la question palestinienne. C'est sur ce dossier que le nouveau président des USA sera jugé. Personne, ou presque, pour le moment, ne doute des bonnes intentions de Barack Obama, ni de sa volonté de tourner la page de l'ère Bush, notamment sur le plan des relations avec le monde musulman; mais chacun connaît les contraintes. Des intérêts politiques, économiques et culturels sont en jeu. Dans la vision étroite de certains en Occident, l'entité sioniste a pour tâche de dominer la région, contrer tous les pays arabes qui voudraient être vraiment souverains et les empêcher de disposer d'une économie indépendante, notamment de par les richesses énergétiques dont ils disposent. La politique sioniste fait partie d'un projet de domination du Nord sur le Sud, dans une région géostratégique majeure.
6-Pourtant Obama a promis le changement et la solidarité avec les autres peuples?
En effet, un espoir réel est né dans le monde. L'élection d'Obama a été bien accueillie partout dans le monde, comme signe d'une volonté de changement exprimée par la population américaine. Tout un chacun espère y voir la fin de l'approche unilatérale et violente. Ces dernières années, Washington a cherché à se substituer de manière arrogante aux objectifs et aux activités des organisations internationales en usant abusivement de son droit de veto au sein du Conseil de sécurité de l'ONU. Aujourd'hui, les peuples espèrent que les Américains respectent le droit international et changent d'attitude envers le monde arabe et musulman.
7-Comment favoriser ce changement?
Il faut donner l'exemple, favoriser le changement en le réalisant de l'intérieur. Au sujet de la plupart des régimes arabes, la question de fond qui se pose est celle du changement de leur nature, d'illégitimes à légitimes, de gérontocratie au rajeunissement. La question qu'il faut se poser est de savoir si les Arabes ont cette volonté politique pour réaliser des réformes, de nouvelles alliances et saisir l'opportunité. Ce n'est un secret pour personne que les Américains demeurent, même s'ils sont occasionnellement critiqués, les soutiens de la vaste majorité des régimes en place, dépendants des Américains. Les intérêts économiques américains dans ces pays sont majeurs. Malgré la docilité des régimes arabes, les Américains ne cessent de clamer, Démocrates et Républicains confondus, et surenchère oblige, leur support inconditionnel à la politique d'Israël. La triste preuve: la complicité face à la destruction de Ghaza, en toute impunité. Le monde arabe a besoin des USA démocratiques, et non d'USA arrogants, mais il doit donner l'exemple et se réformer pour défendre sa juste cause. L'avenir dépend du mouvement des sociétés, pas seulement de l'aide de la première puissance. Les Américains, dans l'intérêt réciproque, comme le laisse entendre Obama, devraient écouter la voix des peuples arabes, étudier la culture musulmane et ne pas se laisser intoxiquer par les lobbys sionistes.
8-Les lobbys sionistes sont-ils si forts?
L'influence des lobbys sionistes aux USA n'est pas une fiction, même s'il faut nuancer. Le puissant Aipac, l'American Israel Public Affairs Committee, créé il y a 50 ans à Washington, chargé d'influencer le Congrès, est considéré par les observateurs comme l'instrument qui a forgé pendant des décennies la politique étrangère américaine au Proche-Orient. Des cercles, animés par des chercheurs comme Samuel Huntington, auteur de la théorie fumeuse du choc des civilisations, ont souvent inspiré la stratégie à mener. Le système militaro-industriel américain ayant besoin d'un épouvantail pour tenter de dominer le monde, a inventé le concept du nouvel ennemi. Le soutien des Etats-Unis à Israël n'est pas fondé sur des raisons stratégiques objectives, mais s'explique par la pression des lobbies sionistes, des groupes chrétiens fondamentalistes et des néoconservateurs favorables aux idées du «Grand Israël». C'est cela que l'on doit dénoncer, et le démontrer au peuple américain ami. D'autant qu'il existe des juifs américains qui soutiennent certes Israël et son «besoin» de sécurité, mais aussi autant le droit des Palestiniens à un Etat souverain, et veulent deux Etats vivant côte à côte en paix. Ils considèrent notamment que la décision d'envahir l'Irak était une erreur, que les menaces à l'encontre de l'Iran sont contreproductives, et prônent un accord de paix entre Israël et la Syrie.
Même si ces voix mesurées restent rares et que les lobbys sionistes contrôlent une grande partie du Congrès américain, les Etats arabes et la société civile doivent redoubler d'efforts pour tenter de se faire entendre.
9-Sur quelles bases repose ce déséquilibre, y a-t-il un espoir de changer le rapport de force?
Alors que la libération de la Palestine est une question politique et non point raciale ou religieuse, le soutien à Israël découle de l'exploitation du traumatisme de l'Holocauste nazi, et de l'idée mensongère que toute critique d'Israël serait de l'antisémitisme et que sans appui, l'entité sioniste serait en danger. Mais malgré la mainmise sur nombre de secteurs clés par des sionistes, notamment des médias et des centres financiers, un nombre croissant d'Américains et de juifs aujourd'hui pensent que la menace d'élimination de l'Etat d'Israël, surarmé, est nulle, et critiquent sa politique coloniale. Il est important de renforcer les courants ouverts pour corriger la politique déséquilibrée. Car l'aide financière américaine à Israël a atteint 4 milliards de dollars par an en subventions et plus de 3 milliards en termes de prêts, et le soutien militaire, encouragent la politique belliciste de l'entité sioniste. C'est le plus fort chapitre du budget de la coopération extérieure des USA. Le nouveau souffle venu de l'Ouest sera salutaire si on compte sur nous-mêmes, sans se fermer. La cruauté de l'agression contre Ghaza, terre symbole des opprimés, doit servir de signal d'alarme sur les faiblesses des Arabes et ce qui se profile. «Les preuves de violations des règles fondamentales du droit international humanitaire sont si accablantes qu'elles doivent faire l'objet d'une enquête internationale indépendante», a estimé le rapporteur de l'ONU sur les droits de l'homme, juriste américain. Il y a des êtres justes, tout n'est pas perdu. Chacun doit se mobiliser pour tenter de changer le rapport de force.
(*) Professeur en relations internationales
www.mustapha-cherif.net


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