Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur de prétendues tensions entre l'ANP et la présidence de la République. Le portefeuille de la défense demeure entre les mains du chef de l'Etat, avec la grande nuance cette fois, au terme du dernier remaniement, c'est que le département est doté d'un ministère délégué, campé par un général à la retraite. En effet, homme fort de l'ANP, pour avoir campé le rôle de chef d'état-major de l'armée, Abdelmalek Guenaïzia est sorti à la retraite en 1993, pour réapparaître avec l'avènement de Bouteflika à la tête du pays. En 2000, il est nommé ambassadeur en Suisse, reprenant ainsi une fonction officielle en tant que civil. Sa nomination en tant que ministre délégué à la Défense nationale a constitué la surprise de ce remaniement, puisque les observateurs avaient parié sur l'actuel ministre de l'Intérieur et homme de confiance du président de la République, Nourreddine Yazid Zerhouni, pour occuper un poste resté vacant depuis 1994. Il faut savoir en effet, qu'une tradition s'est imposée en Algérie qui veut que le chef de l'Etat cumule les fonctions de premier magistrat du pays et de ministre de la Défense. En tout et pour tout, le poste de ministre de la Défense a été pourvu trois fois en Algérie en 43 ans d'indépendance. Houari Boumediene, Khaled Nezzar et Liamine Zeroual sont en effet, les seules personnalités locataires du ministère de la Défense. L'histoire immédiate de l'Algérie indépendante permet de constater que deux sur trois, à savoir Liamine Zeroual et Houari Boumediene ont, par la suite, été élus à la présidence de la République. Certes, les deux hommes sont parvenus au pouvoir dans des contextes totalement différents, mais la coïncidence a été relevée par nombre d'observateurs qui n'ont pas manqué de faire le parallèle entre les deux carrières, apportant ainsi de l'eau au moulin de ceux qui défendent la thèse donnant l'armée comme véritable détenteur du pouvoir en Algérie. Aussi, à l'arrivée de Bouteflika à la tête de la République, l'on avait déjà senti un vent de changement réel dans l'attitude de l'ANP par rapport à l'exercice du pouvoir. En effet, le chef de l'Etat est le premier civil à accéder à ce niveau de responsabilité dans la pyramide du pouvoir en Algérie. Les spéculations s'étaient faites insistantes sur les relations entre la présidence de la République et l'état-major de l'armée. Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur de prétendues tensions qui ont émaillé le premier mandat de Bouteflika entre les deux institutions. Ce dernier criant à qui voulait l'entendre qu'il refusait d'être un trois-quarts de président, a fini par avoir le dernier mot quelques semaines seulement après sa réélection à la magistrature suprême, en opérant des changements significatifs à la tête de la grande muette. Le départ à la retraite du général Mohamed Lamari a signé la fin d'une époque et le début d'une autre où le caractère civil du pouvoir en Algérie est clairement affirmé. Le président de la République est entré en pleine possession de tous les leviers du pouvoir. Cet épisode important dans la vie institutionnelle du pays a relancé de plus belle la polémique sur l'éventuelle nomination d'une personnalité civile à la tête du ministère de la Défense. Un seul nom circulait dans les salons feutrés de la capitale. Tous les observateurs de la scène politique nationale voyaient en la personne de Nourredine Yazid Zerhouni, la compétence avérée pour gérer l'institution militaire avec, en prime, la loyauté de l'actuel ministre de l'Intérieur acquise au chef de l'Etat. Au dernier remaniement, le président de la République a encore surpris son monde en coupant la poire en deux. Un ministre civil de la Défense a été bel et bien nommé par le président, mais ce n'est pas un ministre à part entière. Guenaïzia demeure toujours sous l'autorité directe du chef de l'Etat qui conserve le portefeuille de la défense. Cela dit, la «trouvaille» de Bouteflika donne un sérieux coup aux idées reçues qui font qu'un ministre de la Défense ne peut être qu'un officier de l'armée, appelé à devenir président de la République.