L'Etat entend se réapproprier la gestion des communes. Faut-il faire autant de victimes, causer beaucoup de bruits et brûler plus de pneus pour loger les citoyens sous un toit digne? L'attribution du logement social en Algérie, qu'elle soit orchestrée par les élus ou mise entre les mains de l'administration, n'aura été, si l'on tient compte de la propagation à travers le pays de la contestation sociale, qu'une duperie de plus. Les citoyens de Boussaâda «exclus» des 860 logements sociaux et réprimés ensuite par les forces de l'ordre, ne se font plus d'illusion. Népotisme, intérêts étroits, «beniaâmmisme» restent, à ce jour, les règles du jeu. Inébranlables. Blousés par les élus, boudés par les pouvoirs publics, les citoyens proscrits de ce programme, n'ont, par conséquent, que deux voies de recours pour faire entendre leur voix : la rue et la violence. Pourtant, les pouvoirs publics dont la politique du logement a connu, depuis quelques années, un sursaut appréciable, ont décidé, cette fois-ci, de reprendre en main le sort des 55.000 logements qu'ils ont recensés jusqu'en septembre dernier. Un conseil des ministres réuni le 13 octobre 2004 a tranché, en effet, cette épineuse question : sous l'instigation du ministère de l'Intérieur, le transfert de l'étude des dossiers et l'affectation des logements ont été remis à une commission présidée par le chef de daïra. Finie donc l'époque où cette mission relevait exclusivement du domaine des élus de la commune, celle du président de l'APC en particulier. «La décision a pour objet de résorber les contraintes, les insuffisances et les lenteurs qui caractérisent le traitement des dossiers», a-t-on alors avancé pour expliquer les motifs de cette nouvelle stratégie. Toutefois, si le souci des pouvoirs publics est de rendre l'accès au logement social plus facile, le succès d'une telle politique -en cours depuis plus d'un mois - n'est pas a priori garanti. L'opacité et les problèmes - administratifs notamment - qui entourent, habituellement, la distribution des logements sont tels qu'il est très difficile d'imaginer une solution, du moins à court ou moyen terme. Mais au-delà des raisons invoquées pour accréditer cette approche, se profile la volonté de l'Etat de faire main basse, coûte que coûte, sur la gestion des communes et de réduire, par là même, les prérogatives des élus à leur plus simple expression, quitte à égratigner, d'une manière ou d'une autre, la législation en vigueur. Cette entreprise, pour complexe qu'elle soit, a été, semble-t-il, confiée au ministère de l'Intérieur. Jeudi 16 décembre, Yazid Zerhouni, en réunissant les secrétaires généraux de l'ensemble des APC du pays a, en effet, levé un pan sur la nature de la réforme du code communal que son département est en train de peaufiner. Il s'agit de l'intention du gouvernement de faire d'eux la cheville ouvrière du fonctionnement de l'APC. «Le SG sera l'élément de la pérennité du service public au niveau des communes», avait alors indiqué M.Zerhouni, annonçant ainsi le désaveu de l'Etat à la gestion des élus à la tête des communes. Petit à petit, tout porte à croire que c'est vers la centralisation de la législation que se dirigent les efforts du gouvernement. D'autant plus qu'aucune opposition plus ou moins manifeste n'a été, à ce jour, manifestée par les partis politiques. Sur du velours certes, mais le département de Zerhouni, en dépit des motivations explicitées ici et là, omet de dire qu'il s'agit dans ce cas de figure, d'une démarche qui s'inscrit en porte-à-faux de l'essence même de la Constitution dont la décentralisation en est l'épine dorsale. Simple omission ou plutôt un signe avant-coureur d'une révision constitutionnelle? Le président Bouteflika lui, n'a jamais caché son animosité envers la Constitution actuelle. Il n'a cessé, depuis sa première investiture en 1999, à revendiquer plus de prérogatives dans le cadre d'un régime «super présidentiel», duquel il mettra sous le coude tous les centres de décision. La commission Sbih sur la réforme des missions de l'Etat avait annoncé la couleur. Zerhouni, l'homme lige du chef de l'Etat, en a, quant à lui, actionné le moteur.