Photo : S. Zoheir Par Hasna Yacoub Après la réalisation d'un million de logements durant le quinquennat 2004-2009, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a programmé la réalisation d'un autre million d'ici fin 2014. Autant de logements construits mais sans que les Algériens voient réellement le bout du tunnel. Autrement dit, la crise du logement dans laquelle se débat le pays est loin de connaître son épilogue. La raison ? Elle semble évidente : la cupidité de certaines personnes, à tous les niveaux et échelons de la société, fait que le partage de la richesse immobilière est inéquitable. Sinon comment expliquer que des super-citoyens acquièrent une dizaine de biens entre logements et terrains alors que d'autres n'arrivent même pas à avoir un toit étanche pour se protéger des pluies de l'hiver qui est à nos portes. Un simple tour à Alger, à l'instar d'autres wilayas, permet de voir des dizaines d'immeubles, portes et fenêtres closes, en décrépitude totale. Pourtant, il s'agit de nouvelles constructions qui n'ont jamais été distribuées. Abandonnées aux aléas climatiques, des cités entières -qui auraient d'ailleurs pu réduire la longue liste d'attente d'attribution de logements– nécessitent aujourd'hui une rénovation. Ce qui s'assimile à une expression, bien de chez nous, celle de «jeter l'argent par la fenêtre». Parce qu'en plus du fait que ces cités ne sont plus habitables dans l'état où elles se trouvent actuellement, elles ont été également victimes de vandalisme : robinets, tuyauterie, poignets de portes ou encore câbles électriques ont été volés. Donc, des milliards de dinars sont dépensés pour la construction d'immeubles auxquels doivent s'ajouter aujourd'hui d'autres milliards pour la rénovation et des sommes importantes qui sont déboursées, depuis 2003 pour certaines cités, pour la rétribution des sociétés de gardiennage. Ce qui impose une question : Pourquoi un tel gâchis ? Qui est responsable d'une gestion aussi chaotique ? D'aucuns, il est appris que beaucoup de passe-droits ont eu lieu. Mieux, ces logements sociaux-locatifs auraient même été attribués à des personnes grâce à leurs «connaissances» ou encore leurs «postes de travail» A Aïn Naadja, non loin de la Cité des 720 logements, neuf immeubles représentant au moins 140 logements sont abandonnés depuis la livraison de ce projet en 2000. Trois des neuf immeubles sont la propriété de l'ex-EPLF (Entreprise de promotion du logement familial) alors que le maître d'ouvrage des cinq autres est le Fonds national de péréquation des œuvres sociales (FNPOS). Selon des témoignages, l'EPLF n'a réussi à vendre qu'une partie de son projet à l'APC d'Alger-centre. «Le reste ne pouvait pas être vendu, non pas à cause du prix élevé proposé par l'EPLF mais plutôt en raison des magouilles qui existaient.» «Les citoyens ne pouvaient acquérir ces logements qu'en ‘‘deuxième main''», raconte un citoyen. Quant aux logements du FNPOS, censés être construits pour les travailleurs (des assurés sociaux), il n'y a aucune explication satisfaisante à une non-distribution de ces logements. Sauf celle liée à la «difficulté» de la confection d'une liste peut-être «sur mesure». Il faut signaler qu'après les multiples actes de vandalisme dont ont été victimes ces immeubles, les propriétaires ont fait appel à des sociétés de gardiennage et s'acquittent des prestations depuis déjà 6 ans ! Autre lieu, autre risque de décrépitude. Bordj El Kiffan, à la cité Mokhtar Zerhouni, 980 logements construits par l'OPGI d'Hussein Dey n'ont connu qu'une livraison partielle de 300 unités. Cette cité a été réalisée en deux parties. Une première qui a été inaugurée par le président de la République en 2004 et une seconde partie inaugurée en 2008. La cité est très bien tenue, elle est aussi bien gardée même si, là aussi, certains vols sont commis. «Nous surveillons de jour comme de nuit car tout est sujet au vol, même ces arbustes», confie un gardien qui reconnaît que certains actes de vandalisme sont commis malgré le fait que les portes des cages d'escaliers soient cadenassées. Non encore attribués, ces logements sont au cœur de nombreuses convoitises mais autant d'indiscrétions. D'aucun, il est appris que beaucoup de passe-droits ont eu lieu. Mieux, ces logements sociaux-locatifs auraient même été attribués à des personnes grâce à leurs «connaissances» ou encore leurs «postes de travail». Les racontars assurent même que les bénéficiaires ne sont pas originaires de la wilaya. «Il y a quelqu'un qui a, grâce à l'institution où il travaille, eu une décision d'attribution pour son cousin et une autre pour lui», soutient-on. Des interventions de hauts cadres sont sur toutes les lèvres font chauffer àblanc des citoyens dans le besoin et qui n'ont que «leurs yeux pour regarder», faute d'avoir «le bras long». Pourtant, éviter les racontars est chose facile. Il suffit de suivre la réglementation dans l'attribution de logements sociaux-locatifs. Les premières rumeurs ont fait état de l'octroi de ce site pour les cadres d'un ministère. D'autres ont fait état de l'accaparement de ces logements par l'une des plus puissantes institutions de l'Etat Sujet des plus grandes conversations et racontars, les 1 500 logements qui apparaissent de l'autoroute Ouest, au niveau de Chéraga (wilaya d'Alger), animent toutes les discussions. Il s'agit, rappelons-le, d'un don koweïtien aux victimes du séisme. La réalisation de ce projet qui a été confiée à la Société algéro-égyptienne pour le développement de l'urbanisme est pratiquement finie. «Il ne reste que la clôture et quelques détritus à ramasser», est-il soutenu sur les lieux où il est précisé aux visiteurs «l'interdiction absolue» d'accéder à l'intérieur. Sur ce site dont il est formellement interdit de s'approcher, de magnifiques immeubles colorés en beige jaune et rose, apparaissent de loin. Cette réalisation attise toutes les convoitises. D'ailleurs et pour une première étape, il faut savoir ces logements, ne seront plus attribués à leur destination première. Secundo et c'est le plus important, personne ne connaît leur destination. De fait, il y a eu «virtuellement» de nombreuses attributions. Les premières rumeurs ont fait état de l'octroi de ce site aux cadres d'un ministère. D'autres ont fait état de l'accaparement de ces logements par l'une des plus puissantes institutions de l'Etat. D'aucuns affirment qu'il y aurait même un litige entre le ministère de l'Habitat et une institution de l'Etat pour l'appropriation de ce site. D'ailleurs, il est précisé que «les 1 500 logements n'ont pas été construits entièrement à cause du litige. L'institution en question a demandé juste la construction d'une clôture». Les logements ont été construits avec l'argent d'un don koweïtien et sont donc la propriété de l'Etat. Ils doivent être gérés par le ministère de l'Habitat qui est seul habilité à les attribuer. Pour l'instant, rien n'a filtré mais qui attendra verra. A la Cité des 300 logements de Sebbala, l'OPGI d'Hussein Dey a réalisé de très jolis appartements dont la majorité a été attribués dans le cadre du social-locatif. Une soixantaine reste fermée et selon des responsables du site, ce quota est celui de la commune de Sidi M'hamed dont la liste des bénéficiaires n'a toujours pas été communiquée ! Du côté des logements promotionnels, le même problème se pose même s'il est exposé d'une autre façon. L'OPGI d'Hussein Dey a prévu la réalisation de 134 logements promotionnels au niveau d'Apreuval (Kouba) en 2006 pour un délai de 18 mois. En octobre 2009, seulement 48 logements ont vu le jour. Pour le reste, le sol n'a même pas été excavé. Si les bénéficiaires des 48 logements réalisés attendent la fin du chantier, ils risquent d'attendre longtemps même si l'entreprise choisie pour reprendre le site est chinoise.