Un vieux routier de la politique française En politicien organisé, il prépare méthodiquement la primaire à droite qui aura lieu en novembre 2016 et, pour cela, il vient rencontrer les 20 622 Français inscrits, fin 2013, au consulat de France à Alger. Après avoir repoussé sa visite, au lendemain des attentats de Paris, le 13 novembre 2015, l'ancien Premier ministre français du président Jacques Chirac, Alain Juppé, candidat à la primaire des Républicains pour la présidentielle de 2017, arrivera demain à Oran, première étape d'une tournée algérienne qui durera jusqu'au 2 février. Le maire de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, entamera cette visite par la capitale de l'Ouest algérien pour la bonne et simple raison qu'un jumelage existe entre Bordeaux et Oran depuis une quinzaine d'années. Le candidat à la primaire des Républicains vient en Algérie avec un objectif précis: s'assurer d'un apport de voix conséquent, grâce au travail de l'homme d'affaires Laurent Stefanini, installé depuis plusieurs années en Algérie, où il est son représentant quasi officiel après avoir été son directeur de cabinet lorsqu'il était Premier ministre. Pour les néophytes ou ceux dont la mémoire est fantasque, Alain Juppé est, depuis 2012, le maire de Bordeaux mais auparavant il avait occupé les portefeuilles de la Défense, puis des Affaires étrangères, sous la présidence de Sarkozy, au plus fort de la guerre menée par l'Otan contre certains pays arabes comme la Libye. En politicien organisé, il prépare méthodiquement la primaire à droite qui aura lieu en novembre 2016 et, pour cela, il vient rencontrer les 20.622 Français inscrits, fin 2013, au consulat de France à Alger, dont 4100 Français depuis moins d'un an et 5085 depuis plus de 5 ans. Ajoutés aux immatriculés des autres consulats, ce sont autant de voix qu'il faut convaincre, à défaut de les séduire, et le travail de Stefanini est de lancer la campagne avec une rencontre prévue à Alger avec cette communauté. Grand favori de cette primaire du parti Les Républicains, Alain Juppé sait que rien ne sert de courir et qu'il faut juste partir à point. Son rival, Nicolas Sarkozy, est au plus mal dans les sondages et ses efforts pour rivaliser en termes d'anathèmes et de surenchères avec le Front national achèvent de le disqualifier. Comme il y ajoute sa petite dose de fiel, pour s'assurer le soutien du Makhzen, il se retrouve dans une situation de plus en plus problématique. C'est ce contexte qu'Alain Juppé veut s'efforcer d'exploiter au mieux, s'employant d'ailleurs à marquer de plus en plus sa différence avec son concurrent. Sur les thèmes de l'immigration, de la déchéance de nationalité, de l'espace Schengen, Juppé multiplie les arguments contraires face à un Sarkozy désemparé qui appréhende l'impact grandissant d'un discours pédagogue, éminemment chiraquien, et davantage ancré dans les valeurs d'une France héritière de la doctrine gaulliste. Les discussions que le maire de Bordeaux aura avec les responsables algériens, au troisième jour de sa visite, seront sans nul doute consacrées aux enjeux des relations bilatérales et notamment de l'impact des échéances électorales françaises sur cette coopération devenue sereine grâce aux efforts des présidents des deux pays. Comme il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à la hauteur des ambitions et surtout des opportunités réelles de ce partenariat qu'on veut exceptionnel mais dont les contours demeurent encore et toujours tributaires des approches mercantiles, pour l'essentiel, le projet qu'incarne Alain Juppé sera sûrement entendu avec beaucoup d'intérêt et les perspectives ouvertes par sa candidature éventuelle appréciées à l'aune des engagements réciproques. Quand il sera reçu par le président Bouteflika, le vieux routier de la politique française aura bien sûr à l'esprit l'accueil qui fut réservé à Jacques Chirac et les horizons dévoilés par cette indicible communion entre le dernier gaulliste de la France et le peuple algérien. Il comprendra alors combien on attend toujours, de ce côté de la rive méditerranéenne, que l'amitié soit au moins aussi honorée que peut l'être la relation marchande. Ni plus ni moins.