lorsque le hasard est volonté fondamentalement humaine et procure le bonheur de donner du bonheur, le monde apprend vraiment à quoi sert d'être intelligent. Avant d'évoquer le souvenir brillant et encore vivant de l'ami et regretté Youcef Sahraoui, le cinéaste total, intrépide caméraman, impeccable directeur de la photographie, spontané figurant essentiel, réalisateur plein d'humilité, j'ai une pleine et pieuse pensée à sa mémoire. Il a quitté ce monde le 30 juillet 2000, à l'âge de 61 ans, aussi subitement qu'il n'a eu le temps d'exercer sa discrétion coutumière pour ne faire souffrir personne, ni sa famille (son épouse, ses deux filles, son fils et ses petit-fils), ni ses proches parents, ni ses amis intimes, ni ses collègues du cinéma et de la télévision. Il y a déjà quinze ans! En l'évoquant, sous le titre «Youcef, l'artiste de la lumière», un an après qu'il s'en est allé, j'ai mesuré comme beaucoup combien «l'hommage et la célébrité ont en commun cet étrange paradoxe: faire connaître un homme connu à ceux qui ne le connaissent pas...» (Lire L'Expression du mercredi 8 juillet 2001, p. 21). Riche d'une très longue expérience professionnelle (caméraman, chef opérateur, directeur de la photographie, formateur de jeunes cinéastes, directeur des services techniques à l'Entreprise Nationale de Production Audiovisuelle (ENPA) et surtout contributions diverses aux importantes productions cinématographiques ou télévisuelles de Badie, Farès, Haddad, Hilmi, Bouamari, Benamar, Lakhdar-Hamina, Bakhti, Laskri, Such, Bouchareb, Belouad, Chamoun,...), Youcef Sahraoui a réalisé en 1976 son premier long métrage d'après mon premier roman Le Silence des cendres, écrit entre 1960 et février 1962, paru chez Subervie en France, en 1963, traduit en chinois et publié à Pékin, en 1965, par les Editions des Ecrivains Chinois, réédité en langue française, en 1966, à Colombo (Sri Lanka) par le Bureau des Ecrivains afro-asiatiques. À noter qu'il existe une traduction en arabe du Silence des cendres par le regretté Hanafi Benaïssa; elle a été publiée en feuilleton, en 1964, dans le quotidien national de langue arabe, Al-Chaab. Le Temps de... l'hommage L'hommage que l'Office National des Droits d'Auteurs et Droits Voisins (ONDA) et l'Association «Les Amis de la rampe Louni Arezki - Casbah (Alger) ont conjointement organisé pour moi samedi 9 janvier dernier et accueilli à la Bibliothèque nationale Le Hamma à Alger, a ranimé en moi, si j'ose dire sincèrement, la joie de vivre en mon pays et, plus fortement encore en moi, celle de ceux qui partagent avec tout le peuple, la fière conviction têtue que l'Algérie est historiquement une valeur physique, historique, morale et culturelle, - ce que nos devanciers n'ont jamais cessé de construire et de nous apprendre à construire. Il faut que l'on sache que toute caresse honnête aplanit les montagnes de désespérance... Il faut que l'on sache profondément et définitivement que l'Algérie est un immense chantier où chaque Algérien volontaire éduqué et instruit peut prouver et éprouver son talent et s'épanouir à l'aise. De même, on doit reconnaître que des hommages brillants, émouvants, chaleureux, ont été organisés dans le passé, mais très rarement nous avons eu le plaisir d'observer le contentement et d'entendre la voix de celle ou de celui que le hasard est venu hélas trop tard honorer. En ce qui me concerne, j'ai reçu avec piété et telle une revivification les échos bienfaisants de toutes les amitiés qui se sont, de nouveau, une fois de plus, exprimées publiquement dans le plus beau et le plus seyant lieu de culture qu'un homme épris de littérature - du Livre Algérien - puisse jamais rêver y être accueilli. Oui, je l'ai déclaré et je renouvelle ma déclaration: «Même en rêve, je n'aurais pu imaginer un aussi chaleureux hommage dans un lieu aussi magnifique que la Bibliothèque Nationale d'Alger, entouré d'une Dame de culture immensément généreuse Djoher Amhis-Ouksel, d'hommes militants du Livre Algérien, MM. Sami Bencheikh El Hocine, Lounis Aït Aoudia, Gana Yasser Arafat, Youssef Saïah, Djamel Soufi, Rabah Haouchine, en présence de ma famille. Mon petit-fils Anys Mezzaour, jeune écrivain, retenu par ses études à l'étranger a confié la lecture de son message d'affection à sa grand-mère qui l'a lu avec une émotion qui a saisi l'assistance comprenant des amis et des sympathisants anonymes, des autorités et des personnalités, tous venus des institutions culturelles nationales d'Alger et d'El Qaçba, zemân la Cité ineffable de mes aïeux. Certains de l'étranger sont venus (Waciny Laredj) ou ont adressé des messages (Yasmina Khadra), beaucoup d'autres sont venus de plusieurs villes de mon pays (Constantine, Bejaïa, Tizi Ouzou, Sétif, Blida, Médéa,... Bouira, chef-lieu de wilaya (représentée par M. El Hachemi Bouhaïred), Soûr El Ghouzlâne - ma ville natale - représentée par deux présidents d'APC, le tout premier à l'indépendance (M. Mohamed Amar) et l'actuel (M. Abderrazzak Saad), accompagnés de Ahl es-Soûr m'apportant des messages de Dirah, le Mont protecteur du Rempart des Gazelles. À cette «Noce culturelle» et conviviale ont également pris part avec conscience des écrivains (Amin Zaoui; Abdelmadjid Merdaci, Kamel Bouchama, Omar Boudjerda,...), des universitaires, des responsables de l'Education, de l'édition, de la presse écrite et de l'audiovisuel, mes anciens élèves et tous mes médecins. Tour à tour, ils m'ont exprimé leurs doux et précieux sentiments. Les cadeaux des organisateurs et des amis ont heureusement surchargé mes bras et mes épaules bien fragiles à l'âge de 82 ans. Le Silence des cendres Cet hommage a appelé une sorte de suite conçue par Amir Nebbache, fertile et très cordial animateur de l'émission «Ciné-Thématique» réalisée avec scrupule par Rafik Selloum. Cette émission a été diffusée jeudi 28 janvier en fin de soirée sur Canal Algérie. L'objectif était de motiver nos jeunes pour que, d'une part, ils prennent connaissance de la substance de notre glorieuse Lutte de Libération Nationale contre le colonialisme, d'autre part, pour qu'ils s'assimilent l'idéal glorieux du peuple algérien par l'observation et l'analyse de toute oeuvre qui la représente, notamment dans le rapport littérature et audiovisuel, d'où l'intitulé de l'émission en question et d'où la rediffusion du film Le Silence des cendres. Autrement dit il s'agit d'instruire nos jeunes consciences et les éveiller au devoir et à la possibilité, pour chacun d'eux, de contribuer au développement constant de son pays par l'évolution régulière et soutenue de ses propres progrès dans la recherche et la création et dans l'exigence stricte de la sécurité de sa patrie. Avant la diffusion du film cité, l'animateur Amir Nebbache s'est entretenu avec l'auteur du roman Le Silence des cendres. Le romancier a essayé, compte tenu du temps dont il a disposé et de l'importance du sujet abordé, de répondre aux questions tout en étant bref et clair. Il a rappelé ses débuts en écriture et en littérature, sa première oeuvre La Dévoilée écrite entre 1951 et septembre 1954, mais éditée en 1959, ses rencontres avec de grands auteurs français tels que Albert Camus et Emmanuel Roblès et de grands auteurs algériens, dès les premières semaines d'indépendance: Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Moufdi Zakaria, Cheikh Mohamed Laid Khalifa, Malek Haddad, Ahmed Azeggagh,... il a évoqué son parcours à l'Education nationale: enseignant, inspecteur, ses activités audiovisuelles dans l'enseignement à distance au CNEG et à la direction de cet établissement, puis sa fonction de conseiller (1991-1994) à la communication éducative au ministère de l'Education où il a fondé la revue «El Madrasa ghadann, L'Ecole demain». Toutefois, comme il a été demandé par l'animateur, l'écrivain Kaddour M'Hamsadji a plutôt centré ses souvenirs sur le sujet de l'émission «Ciné-thématique» dont l'intérêt a porté sur le film «Le Silence des cendres» réalisé par Youcef Sahraoui d'après le roman éponyme de son invité. L'histoire raconte des moments de vie, de résistance, de combats de guerre de libération, d'espoir et de lutte continue et surtout la volonté populaire algérienne empreinte de nationalisme et d'héroïsme authentique dans les maquis ainsi que dans la société toute prête au sacrifice suprême pour la libération du pays. Dans ce film, les rôles principaux sont tenus par de nombreux acteurs, parmi les plus célèbres et parmi les jeunes aux promesses certaines, à l'époque: Warda Amal, Chafia Boudraa, Sabah Essaghira Ali Meguellati, Omar Tayane, Ahmed Benaïssa, Abdelkader Tadjer, Amar Maarouf, Farouk Mezouane, Osman Ben-Cheïkh,... Scénario et dialogues Kaddour M'Hamsadji, directeur de la photographie et réalisation Youcef Sahraoui, assistant réalisateur Tayeb D'Bichi, chef opérateur de prise de vues Chérif Abdoun, chef opérateur de prise de son Mohamed Bousbaa, monteur Rachid Djoumaï, musique originale Ahmed Malek, On retiendra évidemment les messages et particulièrement les symboles qui jalonnent ce film réalisé avec des moyens matériels et techniques simples à petit budget et, par contre, tourné avec passion et professionnalisme dans des lieux devenus mythiques pour les populations de Soûr El Ghouzlâne (la ville et les environs), Dirah, Tikjda (près de Bouira), Hammam Ksanna,... Ce film dense et pédagogique mériterait d'être montré dans les établissements scolaires, mais «Le cinéma éducateur» qui existait autrefois à l'ex-rue Barnave (auj. rue Akli Essaïd) à Alger, n'est plus, - peut-être faudrait-il le ressusciter en l'occurrence.