Tous les étudiants algériens gardent en mémoire les deux suicides de mars 2015 qui ont bouleversé la communauté algérienne de France. Le suicide de deux étudiants à Paris en 2015 est un drame qui a révélé la situation accablante d'une partie des étudiants algériens en France, victimes d'une législation discriminante à leur égard, certains d'entre eux vivant dans des conditions de précarité extrême. Selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur, publiés par Le Monde, le nombre de «visas étudiants» délivrés par le consulat français en Algérie a augmenté, à l'instar de tous les autres pays (5,4% en 2015). «Nous sommes donc 26.000 jeunes Algériens venus poursuivre nos études supérieures dans des universités françaises avec la volonté de réussir», indique dans une contribution, Réda Merida, étudiant de deuxième année en sciences politiques, université de Lille 2. Il écrit dans Le Monde que contrairement aux autres étrangers résidant en France, «nous autres Algériens ne dépendons pas du droit commun appliqué aux étrangers, mais des accords franco-algériens du 27 décembre 1968, communément appelés «accords de 1968», qui réglementent la circulation, l'emploi et le séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France». Si ceux-ci offrent certaines facilités, notamment pour l'exercice d'une activité commerciale et l'acquisition du titre de séjour de 10 ans, ils sont une véritable entrave dans la vie quotidienne des étudiants. De fait, en plus de l'impossibilité d'avoir un titre de séjour pluriannuel, la principale contrainte est l'impossibilité d'exercer une activité salariée, ne serait-ce que de quelques heures par mois. Ces difficultés, parmi d'autres, ont été évoquées par leurs proches pour expliquer le geste des deux étudiants qui ont mis fin à leurs jours en mars 2015. Car travailler est souvent une nécessité pour les étudiants qui ne bénéficient ni de la bourse ni d'aucune autre aide financière de leur pays d'origine. Ceux qui souhaitent décrocher un job restent soumis à l'autorisation préalable de travail. L'obtention de ce sésame se fait après une procédure administrative lourde et lente, ce qui rend les patrons réticents à l'embauche d'Algériens. Il est ajouté qu'à chaque modification de ces accords, les voix des mouvements et des syndicats étudiants s'élèvent pour réclamer la suppression de cette formalité. Mais elles n'ont pas été entendues car derrière cette situation, se cache la volonté de l'Algérie de limiter la fuite de ses jeunes cerveaux. L'interdiction de travailler ne figurait pas dans le texte de 1968, c'est un avenant ajouté en 2001 à la demande d'Alger. En multipliant les obstacles pour les étudiants intéressés par la mobilité internationale (non-reconnaissance des diplômes étrangers, suppression des bourses, etc.), l'Algérie espère les dissuader de quitter le pays. Et en interdisant à ses ressortissants de travailler en France, elle sait que la majorité d'entre eux n'auront pas les moyens de partir étudier dans l'Hexagone, en raison de la dépréciation du dinar algérien et du difficile accès aux devises étrangères en Algérie. Selon Réda Merida, cet étudiant à Lille, la condition principale pour entrer en France est de disposer de 120 euros par jour durant tout le séjour. Il ajoute que les Algériens constituent la troisième communauté estudiantine étrangère après les Marocains et les Chinois. Aujourd'hui, beaucoup d'entre eux n'envisagent le passage par les universités françaises que comme un tremplin pour partir ailleurs une fois diplômés: au Canada, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis principalement. Les autres pays l'ont bien compris: pour capter la matière grise algérienne, des salons leur sont consacrés partout en Algérie, ajoute encore Réda Merida.