Abou Ammar est parti sans avoir pu exaucer son rêve de prier à Al-Qods Al-Charif. Une terre, un homme, évoquer l'un sans parler de l'autre, est aujourd'hui un non-sens dans le cas de Yasser Arafat, qui redonna à son peuple le sens de la lutte pour le droit du peuple palestinien d'ériger son Etat indépendant et de la Palestine, le plus vieux pays du monde, un pays biblique dont les territoires ont été spoliés par une diaspora juive venue de tous les points du monde pour s'établir sur un territoire qui avait un peuple, et un peuple qui avait son territoire : la Palestine. Une symbiose extraordinaire s'est ainsi établie entre ce militant de la première heure et cette terre qui vit naître les prophètes. La vie de cet homme hors du commun s'est confondue en vérité avec l'histoire moderne et tumultueuse du XXe siècle et plus fondamentalement avec celle de la Palestine. Mohammed Abdel Raouf Arafat Al Kidwa Al Husseini a eu une destinée singulière, lui qui a vu le jour en 1929 sur une terre d'exil, déjà, au Caire (d'autres biographies situent sa naissance à Jérusalem, il reste vraisemblable toutefois qu'il soit né au Caire où sa famille s'était installée pour fuir les exactions de l'occupant britannique) pour mourir à Paris loin de la terre pour laquelle il a tout sacrifié, sa fortune et sa carrière. Il avait 17 ans quand les Arabes subirent l'humiliante défaite contre un Etat qui venait juste de naître. Il restera marqué toute sa vie par l'amère défaite de 1947-1948 qui verra son peuple s'exiler en masse à l'étranger. Ses études achevées, à peine s'est-il donné le temps de se constituer un petit pactole, le jeune Arafat brûle les étapes et fonde son propre mouvement de libération, le Fatah, avec des compagnons aussi engagés que lui, tels que Farouk Kaddoumi et Mahmoud Abbas. Arafat se lancera alors corps et âme dans l'entreprise de faire réapproprier par le peuple palestinien sa terre et la résurrection de la Palestine. Une Palestine indépendante dont il rêvera sa vie durant, et pour laquelle il avalera toutes les couleuvres et acceptera toutes les humiliations. Très rapidement cependant, cette forte tête ne plaisait plus aux têtes «couronnées» du Moyen-Orient qui n'apprécient pas le ton libre et déterminé du jeune Palestinien qui aura plusieurs accrochages avec les dirigeants arabes. De fait, ce ne sera pas le dernier accrochage qu'aura Arafat avec les dirigeants arabes trop infatués de leur propre importance pour saisir toutes les implications de la détermination d'une jeunesse palestinienne qui voyait les choses autrement. Dès 1964, il devient Abou Ammar et décide d'abandonner tout autre occupation que celle de libérer la Palestine, cause à laquelle il allait se consacrer totalement, les quarante dernières années de sa vie. Son opiniâtreté, son entregent, son sens de la communication sortiront peu à peu le dossier palestinien de l'impasse où l'ont enlisé les Arabes. En janvier 1965, le mouvement d'Arafat, le Fatah, entre dans l'action et la lutte armée. Un nouveau palier dans la prise de décision sur le dossier palestinien par les Palestiniens venait ainsi d'être franchi et induira une nouvelle donne dans la problématique proche-orientale. Cette nouvelle orientation prendra toute sa signification en 1969, lorsque Arafat sera élu à la tête du Comité exécutif de l'OLP, instance suprême de la lutte du peuple palestinien. Il venait ainsi de remplacer l'inconsistant et falot Ahmed Choukeiri totalement inféodé à l'Egypte et fidèle exécutant des directives du Caire. L'Histoire se souviendra que cet homme qui est venu à l'ONU avec un olivier à la main proposer la paix aux Israéliens, - qui ont ignoré ses sollicitations - a été l'artisan de l'éveil de la conscience nationale du peuple palestinien. En cela les hommes et l'Histoire auront à en témoigner, d'autant qu'un Arafat mort servira encore mieux la cause de son peuple qui l'identifie aujourd'hui à la Palestine.