Dans un important discours prononcé dimanche à Ramallah, le président palestinien, Yasser Arafat, est revenu sur un certain nombre de points, tout en réitérant la nécessité de reprendre les négociations. Par quelque bout que l'on prenne la problématique proche-orientale, on reste confondu par le fait que la communauté internationale (entendre par là, essentiellement l'Occident) continue de demander aux Palestiniens de cesser leurs opérations contre l'armée d'occupation israélienne sans, en parallèle, exiger de l'Etat hébreu d'arrêter d'user d'un armement lourd contre un peuple désarmé. Lorsque le gouvernement israélien concentre ses efforts à délégitimer son seul interlocuteur, le président palestinien Yasser Arafat, à détruire l'Autorité autonome, et ses forces de sécurité. Tout cela, en exigeant des Palestiniens qu'ils fassent cesser la violence alors que les Israéliens font tout, depuis un an, pour affaiblir Yasser Arafat, l'Autorité autonome et la police palestinienne. C'est ce que le président palestinien a expliqué dans son discours, dans le même temps ferme et ouvert. Le président Arafat est revenu sur une vérité que, par frilosité sinon par lâcheté, la communauté internationale refuse de prendre en compte: Israël fait la guerre au peuple palestinien. Ce que relève Yasser Arafat quand il affirme: «Le gouvernement de Sharon mène une guerre farouche contre l'Autorité palestinienne, ses institutions, sa police, ses services de sécurité et ses infrastructures (...) ainsi que contre nos citoyens, nos propriétés, nos écoles, nos hôpitaux, nos champs, nos mosquées, nos églises», soulignant: «C'est une guerre contre le peuple palestinien, son Autorité, ses ressources et sa sécurité sociale et économique, ainsi que contre son rêve légitime de bâtir un avenir sans occupation, répression et humiliation.» Aussi indique le président palestinien «Israël doit mettre immédiatement fin aux graves mesures prises contre notre peuple et qui ne font que compliquer davantage la situation et éloigner la sécurité, la paix et la stabilité dans la région». Cela étant, il renouvellera son appel à l'arrêt de toute opération anti-israélienne. « J'appelle (...) à l'arrêt total de toutes les opérations, notamment les attaques suicides que nous avons toujours condamnées, et leurs commanditaires et leurs planificateurs auront à répondre de leurs actes» Aussi, indique-t-il «je réitère aujourd'hui la nécessité de mettre fin, totalement et immédiatement, aux opérations armées». Après avoir ainsi rétabli les faits dans leur contexte véritable, le président palestinien n'en réaffirme pas moins que «les négociations sont l'unique moyen de résoudre le conflit». S'adressant directement aux Israéliens, Yasser Arafat déclare: «Je renouvelle mon appel au peuple israélien, ses forces politiques, ses institutions et son gouvernement pour un retour immédiat à la table des négociations», poursuivant: «Nous ne demandons pas l'impossible et ne présentons pas un danger pour l'existence d'Israël. Nous voulons recouvrer notre terre qui a été occupée en 1967 dont Jérusalem-Est.» Pour ce faire, le président Arafat exige «un retrait des forces israéliennes de ces territoires, y compris les colonies», concluant: «Nous voulons un véritable Etat palestinien, un Etat au vrai sens du mot, avec Al-Qods comme capitale aux côtés d'Israël.» «La victoire couronnera notre patience», termine Abou Ammar! Dans son discours de Ramallah, le président de l'Autorité palestinienne a ainsi fait le tour de la question rétablissant notamment les enjeux qui sont ceux de l'actuelle guerre qu'Ariel Sharon livre au peuple palestinien. Car, comme le souligne M.Arafat, le point nodal du problème proche-oriental demeure celui de savoir ce que veut exactement le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, lorsque celui-ci s'est mis en tête de détruire la réalité du processus de paix en détruisant son symbole que constitue l'existence de l'Autorité autonome palestinienne et celle de son président, Yasser Arafat. Le premier ministre israélien, qui s'est toujours opposé au processus de paix et à sa conclusion logique l'érection de l'Etat palestinien, veut, au contraire, parquer les Palestiniens dans des sortes de «bantoustans» sous contrôle de l'armée israélienne. C'est ce à quoi il s'est employé, sans relâche, depuis son accession à la tête de l'Etat hébreu en février dernier. Pourtant, ce sont les Palestiniens que la communauté internationale avait mis, durant ces mois, sur la défensive, lorsque Sharon est ostensiblement reçu à la Maison-Blanche, quand le président américain, George W.Bush, refuse de recevoir l'autre partie au contentieux représentée par Yasser Arafat. Ce qui donna libre court à Sharon dans ses exactions contre le peuple palestinien. Reste maintenant à savoir les suites que la communauté internationale compte donner au discours de M.Arafat. S'il fut bien accueilli, notamment par les Européens qui soulignent la fermeté de ton de Yasser Arafat, demeure le fait que c'est encore et toujours aux Palestiniens que l'on demande de consentir des efforts ou de montrer des gages de leur bonne volonté, quand rien de tel n'est exigé de l'Etat hébreu, qui outre le fait d'occuper les territoires palestiniens, réprime les Palestiniens en donnant contre eux son armée. En exigeant des combattants palestiniens l'arrêt des opérations, le président palestinien a fait le geste attendu de lui. Sharon saura-t-il saisir la perche qui lui est ainsi offerte, pour qu'à son tour il prenne des décisions qui contribuent à l'apaisement? Cependant, on peut douter qu'un homme qui s'est totalement investi ces derniers mois à délégitimer le président palestinien et à détruire l'Autorité autonome trouvera matière a travailler avec Yasser Arafat pour arriver ensemble à concrétiser les espoirs des deux peuples palestinien et israélien à vivre en paix. Yasser Arafat a fait le pas vers les Israéliens, la balle est maintenant dans leur camp. A eux de faire le pas suivant afin de ne pas dilapider, par leur refus, les dernières chances qui s'offrent de rétablir la paix au Proche-Orient.