La Médina n'est plus ce qu'elle était La visite était suivie par des professionnels, associations et amis de la Casbah. Nombreux étaient les participants à la visite guidée et organisée mardi dernier par la dynamique «Association des Amis de la rampe Louni Arezki» de la Casbah d'Alger qui a voulu ainsi célébrer la «Journée nationale de la Casbah d'Alger». Parmi les invités figuraient des universitaires, des membres d'associations culturelles diverses, nombre de citoyens originaires de la vieille cité, des journalistes et d'autres curieux intéressés par cette «escapade» culturelle au coeur de la citadelle où chaque bâtisse était gorgée d'histoire, ancienne et récente. L'on comptait également plusieurs fonctionnaires de divers ministères comme notamment ceux de la Communication ou de la Culture parmi les nombreux visiteurs, ou encore le frère du P'tit Omar Yacef qui mourut aux côtés de Ali la Pointe et Hassiba Ben Bouali lors du dynamitage par les forces armées colonialistes, de la cache où ils s'étaient réfugiés. Ce lieu a été visité également avec recueillement et émotion. La tournée a débuté par un bref passage au mausolée du Patron d'Alger, Sidi Abderrahmane Ettaâlibi avant de se diriger vers d'autres lieux historiques tel que l'école Mohammed Ben Cheneb qui jouxte le mausolée. Cette école porte le nom de ce professeur, (1869-1929), né à Médéa et mort à Alger où il devint professeur titulaire à la faculté des lettres d'Alger. Accoutré dans sa tenue algérienne, cet écrivain et essayiste a effectué plusieurs visites à la Sorbonne (Paris) où il a présenté ses ouvrages. Cette personnalité de la mémoire d'Alger prônait une ouverture universaliste pour ancrer à ses disciples le devoir d'enseigner «l'algérianité» du peuple algérien dans toute sa dimension, une pensée qu'il fallait, et qu'il faut aujourd'hui encore «transmettre à tous nos enfants», a insisté le président de l'association organisatrice, Lounis Aït Aoudia. Ce fils de la Casbah, conduisait la visite de façon magistrale, ponctuée par des anecdotes historiques, véridiques, pleines d'émotion, qui enchantaient un auditoire intéressé et toute ouïe qui se pressait autour de lui. Sa prodigieuse mémoire provient de ses recherches documentaires et d'articles de presse axés sur la genèse de cette thématique qui lui est si chère tout comme le sont son amour et sa passion pour la Casbah et son histoire. Une petite halte nous mena à la place du «2ème» près de laquelle, dira Aoudia, l'OAS, de triste mémoire, avait garé en 1962 des camions citernes pleins d'essence pour brûler la Casbah conformément à son diabolique plan de la «terre brûlée». L'on ne pouvait s'empêcher de pénétrer dans le vestibule de l'immeuble où habite Ramdane Boutria, dit Didou, figure charismatique de la Casbah avant de nous rendre à la place ex-Rabbin Abraham Bloch, connue jadis sous le nom de «Sahet Errebi» et devenue aujourd'hui place Farès de la mosquée éponyme. Les juifs priaient en toute quiétude Une place toutefois plus connue par le lambda, lors de l'époque du colonialisme, comme «Djamâa Lihoud» car elle fut, avant l'indépendance du pays, une synagogue où les juifs allaient prier en toute quiétude au sein d'une population musulmane dans sa totalité, expliquait Aoudia qui insistait sur la promiscuité de paix qui régnait alors entre les deux communautés religieuses dont la vie sociale s'entremêlait entre coutumes et autres habitudes qu'elles partageaient naturellement ensemble «chaque jour que Dieu faisait». D'aucuns ont fait remarquer que le célèbre acteur français Roger Hanin, avait habité à la rue Abderrahmane Arbadji (ex-Marengo) et où son beau-frère, le président Miterrand, lui rendait visite. Nous ne saurons omettre de parler du moment où l'on s'était arrêté à la rue Tombouctou, dans la placette qui fut l'emplacement de la maison même où naquit le 21/5/1907, le chantre de la musique chaâbie, El Hadj M'Hamed El Anka. D'autres haltes historiques s'imposaient d'elles-mêmes comme la maison où fut imprimé l'un des premiers journaux algériens, «L'Action algérienne», et à la rédaction duquel avait contribué Asselah Hocine. Cette maison, sise au 18 rue Mokrane Yacef (ex-d'Anfreville) et qui appartenait à Sid Ali Abdelhamid fils d'un fameux pâtissier, abritait une imprimerie clandestine où était confectionné le journal «L'Action algérienne», une publication qui était, bien sûr, distribuée sous le manteau à l'époque. Une balade mémorielle... Saurait-on oublier de mentionner également le bref passage à «Bir Djebbah» (Puits de l'apiculteur), quartier de hauts faits historiques qui connut le premier attentat meurtrier à la bombe à Alger commis par la sinistre OAS à la rue de Thèbes qui ébranla toute la Casbah. La Zone autonome d'Alger (ZAA), que dirigeait Yacef Saâdi, avait alors décidé de répondre avec les mêmes méthodes à cette agression contre des civils algériens. C'est ainsi que furent décidés, expliquait Aoudia, les attentats à la bombe des militants du FLN contre le Milk Bar, l'Otomatic, le Coq hardi... et d'autres encore comme celui du stade d'El Biar dont l'auteur fut le moudjahid Rahal Boualem, qui fut guillotiné, près de la maison duquel on avait fait une courte halte mémorielle. Enfouis dans ces souvenirs de hauts faits d'armes pour la libération du pays, les visiteurs ont quand même eu le plaisir de «flâner» un tant soit peu entre les ruelles de la citadelle gorgées de faits historiques et de souvenirs pour ceux qui y sont nés, y ont vécu et connu. Merci Lounis Aït Aoudia pour cette balade mémorielle à plusieurs titres... En parallèle à cette balade, il semblerait que les autorités publiques ont pris conscience de la nécessité impérative de restaurer et réhabiliter ce haut lieu de civilisation et de lutte. En effet, l'annonce, pleine d'espoir, faite dimanche dernier à Alger par le président de la «Fondation Casbah», Belkacem Babaci, le confirme. Lors d'une conférence de presse dans laquelle il annonçait qu'un «projet de réhabilitation de près de 200 douirate (petites bâtisses qui forment la Casbah) sera bientôt lancé afin de mettre fin à la dégradation des habitations» de la citadelle. Babaci, qui s'exprimait ainsi à l'occasion de la «Journée de la Casbah» célébrée mardi dernier, a indiqué que la Casbah comptait actuellement 62.000 habitants contre à peine 36.000 en 1990 abrités dans un tissu urbain de quelque 1800 bâtisses. Selon Abdelouahab Zekagh, directeur de l'Office de gestion et d'exploitation des biens culturels (Ogebc), la vieille cité compte 615 douirate ainsi que 1200 constructions coloniales à réhabiliter dans ce secteur classé patrimoine mondial par l'Unesco en 1992. La médina tombe de plus en plus en décrépitude malgré les tentatives de restauration engagées par l'Etat qui semble, déplorent les Casbadjis, manquer de «volonté politique» pour ce faire. Après les opérations menées depuis les années 1980 pour reloger les «squatteurs» qui défilent dans ces lieux dans le seul but de bénéficier d'un logement, il faut reconnaître et admettre qu'il y a une mauvaise gestion de la cité. Le plan «permanent» de sauvegarde et de mise en valeur, adopté en grande pompe en 2012, n'a rien apporté malgré un budget consistant de pas moins de 900 millions de dollars.