Des bâtiments ont été marqués d'un X rouge et évacués. Toutes ces bâtisses, soit des milliers, seront démolies. Cette décision prise au terme d'une véritable hécatombe humaine en appelle à une réflexion profonde. En fait, combien y a-t-il de bâtiments à démolir dans tout Alger? Des centaines. Tous les quartiers populaires de Belcourt, Bab El-Oued, Hussein-Dey, El-Harrach, etc. ont subi et subiront encore des dommages énormes aux premières fortes intempéries. Toutes les constructions qui ont dépassé «l'âge de raison» doivent être revues, réévaluées et, éventuellement, détruites ou rénovées. Il faut faire un tour du côté des cités d'urgence, les Baranes Dessolier, Bel Air et autres quartiers de la périphérie, pour s'assurer que vu leur précarité, certains d'entre eux menacent aujourd'hui ruine. Près de 3.000 bâtisses sont à raser, selon les estimations des experts de Bab El Oued, tandis que Mohamed Ameziane Mohamed Cherif, le directeur général de l'organisme technique de la construction du centre (CTC), estime que 2.790 bâtisses sont classées rouge. Cela fait au total près de la moitié des bâtisses des zones sinistrées, 45% plus précisément. Selon un haut responsable de l'Aménagement et grand connaisseur de la ville d'Alger, la capitale accuse réellement des «déficits naturels» à repenser. «Bâtie en dégradé sur les versants des collines alentour, Alger, contrairement à beaucoup d'autres capitales du monde construites sur du plat, suit une courbe descendante des montagnes vers la mer, propice à toutes sortes de cataclysmes naturels», estime-t-il. La ville n'a pas connu une réelle et forte catastrophe naturelle, et si cela arrivait un jour, dans les conditions actuelles de la ville, le résultat serait, alors, une épouvantable hécatombe humaine. Les 752 morts de la catastrophe du 10 novembre seraient insignifiants à côté. Nous n'en sommes pas encore là, et c'est tant mieux. Cela laisse au moins le temps à la ville de se refaire. Les bâtisses et mansardes, qui sont venues se greffer à la ville depuis 1962, ont été construites, dans une large mesure, dans «l'irrespect total des normes de la construction, de l'urbanisme et de la civilisation». Alors, raser, reboiser ou reconstruire? Peut-être les trois à la fois. Le reboisement de toutes les collines qui entourent la capitale s'impose comme une urgence, quelles que soient les décisions qui seront prises. Le bois est l'unique solution pour éviter de nouvelles vagues de boue et d'érosion du sol. Le déboisement des collines a précipité la mort de plusieurs centaines d'Algérois. Il est établi que les arbres auraient évité au moins une grande partie de la catastrophe. Car, convenons-en, c'est surtout la boue - et non les eaux - qui, dévalant des hauteurs de Bouzaréah, ont écrasé Triolet, Trois-Horloges et Bab El-Oued jusqu'à El-Kettani. Ce qu'il faut créer rapidement aujourd'hui, c'est certainement une cellule de réflexion au niveau de la wilaya d'Alger, qui prendrait en compte les spécificités de la ville, ses reliefs et sa pédologie pour la «recréer» en quelque sorte, avant qu'un séisme de forte intensité, ou «un autre 10 novembre en plus hard» ne viennent l'engloutir pour de bon!