Abdelaziz Belkhadem, figure de proue du FLN et non moins coordinateur national du vieux parti, a passé en revue dans cette interview qu'il nous a accordée, les questions d'actualité et celles qui concernent sa formation, étant convaincu que celle-ci a traversé, sans coup férir, la crise qui la minait depuis le septième congrès. Il affirme que le FLN sera inexorablement le parti du président de la République pour mieux l'accompagner dans son programme économique tout en oeuvrant à la réalisation et à l'accomplissement du projet de réconciliation nationale qu'il porte à bras-le-corps et dont un texte de loi, nous a-t-il révélé, sera bientôt soumis à l'approbation du parlement bicaméral. Il s'est exprimé sur les questions internes au pays sans ambages en apportant des éclaircissements notamment sur la révision de la Constitution, l'amnistie générale et sur le rôle que devra prendre son parti dans l'étape suivante, cruciale au demeurant de la transition. L'Expression: A quelques jours de la tenue du fameux congrès rassembleur, peut-on dire que les choses sont rentrées dans l'ordre et que la tension entre les deux ailes qui composent le FLN s'est apaisée ou n'est-ce qu'un moment de répit? Abdelaziz Belkhadem: Nous pouvons affirmer que rien n'entravera la tenue du congrès et qu'il n'y a pas deux ailes, mais un seul FLN. Il y a eu plusieurs reports du congrès, peut-on dire que cette fois-ci la date du 25 janvier est maintenue? Oui la date est maintenue. Nous comptons organiser notre congrès les 26, 27, et 28 du mois courant. Les préparatifs vont bon train. Nous avons envoyé sur place les superviseurs avec une instruction qui fait de ces derniers des intermédiaires entre le mouhafedh et le coordinateur national de manière à faire participer l'ensemble des militants de la base. Vous avez imputé les différents reports du congrès à des problèmes purement techniques, cependant certains pensent que des parties occultes auraient tout intérêt à voir le FLN mis au placard, d'où la revendication de certaines organisations de le mettre au musée? Personne ne pourra mettre le FLN au placard. Il y avait des problèmes techniques et d'autres contraintes aussi. Je ne nie pas non plus qu'il y a effectivement des courants qui n'aimeraient pas voir notre parti revenir en force. Quels sont ces courants que vous évoquez? Pouvez-vous les nommer? Je préfère ne pas les nommer. Je ne nie pas leur existence. Vous reconnaissez donc l'existence de courants qui restent inconnus qui veulent l'amenuisement et l'affaiblissement du FLN, je reformule ma question : à qui profite la crise du parti? Elle profite à ceux qui sont contre la pratique démocratique au sein du parti, à ceux qui n'ont pas suffisamment d'assises militantes et elle profite surtout à ceux qui veulent voir le FLN, absorbé par ses problèmes pour pouvoir se positionner sur la scène politique nationale. Quelle est la position du président de la République par rapport à la crise que traverse votre parti? Vous a-t-il interpellé à ce sujet sachant qu'il se revendique et de la famille révolutionnaire et du FLN? Vous a-t-il exprimé son inquiétude sur cette situation? Le président Bouteflika a été un cadre du FLN. Il a siégé au comité central pendant très longtemps. Il a été membre du conseil de la révolution, une structure qui a dirigé à la fois l'Etat et le parti. Bien sûr, la crise qui traverse notre parti l'inquiète plus que tout autre. Notre formation détient la majorité au Parlement comme dans les instances élues. Il est normal que nous soyons interpellés par le président. On parle de changement radical du parti pour être en adéquation avec les nouvelles orientations politiques et économiques. Qu'est-ce qui va concrètement changer? Le changement interviendra sûrement mais cela dépend de la volonté des congressistes qui débattront des textes auxquels les cadres ont introduit des amendements et que la base militante a enrichis avec des propositions allant dans le sens de ce changement. L'adoption de la loi de finances 2005 par l'Assemblée populaire nationale dont le FLN est majoritaire a suscité des interrogations notamment concernant certaines dispositions allant à contre-courant des engagements internationaux telles l'importation des véhicules de moins de trois ans et l'interdiction de l'importation des boissons alcoolisées. Certaines sources avancent que le président de la République n'a pas apprécié cette attitude et pourrait décider de la dissolution de la première chambre. Qu'en pensez-vous? Non, le président n'a pas l'intention de dissoudre l'Assemblée d'abord parce que la majorité parlementaire le soutient très fortement, ensuite ce qui a été proposé découle du programme du gouvernement lequel découle essentiellement du programme du président. Il y a quelques différenciations au niveau de l'appréciation des élus qui composent les deux chambres mais en aucun cas, on ne peut les interpréter comme une opposition aux orientations du président. Reconnaissez quand même que le président a manifesté sa désapprobation par rapport au vote de ces amendements. Ce sont des dispositions techniques qui ont fait l'objet de débats pas seulement cette année mais même au cours des années précédentes. Mais cette année est qualifiée d'année charnière pour les accords que l'Algérie est en passe de ratifier, citons l'adhésion à l'OMC prévue dans les mois à venir. Ne pensez-vous pas qu'il faut un minimum de cohérence entre les institutions? Concernant ces dispositions, elles peuvent être corrigées par le truchement de la loi de finances complémentaire. Vous confirmez donc qu'il y aura une loi de finances complémentaire? Probablement dans les deux mois qui viennent. Votre formation fait partie de l'Alliance présidentielle qu'on qualifie déjà comme un échec... Pourquoi un échec? Ce n'est pas le cas. Vos partenaires parlent de blocage dû à la crise que traverse votre parti d'autant plus que jusqu'à présent il n'y a pas eu la tenue de ce fameux sommet qui devait regrouper votre formation avec le RND et le MSP. Ne peut-on pas parler dans ce cas-là d'échec? Le FLN est sorti de sa crise, il est en voie de tenir son congrès pour élire une direction légitime. L'Alliance présidentielle se porte très bien. Nous allons poursuivre la constitution des structures qui institutionnalisent cette alliance. De prochaines réunions seront tenues entre les directions du RND, du MSP et bien entendu la direction qui sortira du congrès rassembleur. Vous porterez-vous candidat à la direction du parti? Ce sont les militants qui décideront et je ne pourrai que me plier à leur volonté. Il semblerait que la réconciliation nationale soit l'une de vos priorités. Votre parti est décidé à faire campagne pour ce projet qui reste, faut-il le rappeler, inconnu. Il n'existe pas de texte rendu public qui l'explique ou qui définisse ses contours. Sur quelle base allez-vous mener votre campagne? La réconciliation est définitivement notre priorité. Il suffit que l'on parle de réconciliation globale et de dire aux Algériens de dépasser les moments douloureux qu'ils ont connus durant les années de tragédie nationale. Tout ce qui va dans le sens de la réconciliation quel que soit son contenu ne peut que nous réjouir. Nous aimerions qu'elle soit pleine, entière et totale et qu'elle permette de tourner la page sans pour autant la déchirer. Le président de la République a parlé d'amnistie générale. Qui va-t-elle concerner? Il faut attendre le texte de loi qui sera soumis à référendum et à l'approbation du Parlement. Peut-on connaître la date à laquelle il sera soumis au Parlement? Au cours des quelques prochains mois. Cela ne saurait tarder. Que signifie pour vous amnistie générale? C'est l'absolution pendant une période donnée de certains actes. Vous parlez de la décennie de terrorisme? Je ne peux anticiper sur un texte de loi. La révision de la Constitution est-elle à l'ordre du jour? Absolument. La révision du texte fondamental doit mettre en adéquation le système institutionnel du pays avec la volonté populaire. Il n'est pas normal que le peuple élise un président sur la base d'un programme et en même temps choisisse une majorité sur la base d'un autre programme. C'est le programme adopté par le peuple qui doit être mis à exécution. Nous allons d'une démocratie semi-parlementaire à un système présidentiel où il y aura une représentation parlementaire qui viendrait conforter le programme sur lequel a été élu le président. Est-ce que le FLN se propose d'être cette force majoritaire qui accompagne le président dans son programme? Absolument, le FLN a cette ambition de rester la première force du pays et d'être le support des réformes qu'envisage de mettre en oeuvre le chef de l'Etat. C'est une question de temps et vous organisez votre congrès réunificateur, le président de la République a-t-il un siège à occuper au sein de votre parti? Le poste de président du FLN est pour Bouteflika. Nous serions honorés qu'il accepte notre offre.