Bouteflika en personne aurait l'intention de mener une tournée dans les pays concernés en faveur de la réussite du sommet de ce mois de mars. L'Algérie a retiré son projet de réforme du secrétariat de la Ligue arabe prévoyant l'élection d'un secrétaire général tournant, a annoncé hier à la presse, le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem. «Nous avons convenu que le texte de la Charte (de la Ligue arabe) est suffisant, étant entendu que le secrétaire général sera élu par les pays membres après un consensus politique sur le candidat», a-t-il dit, à la suite d'un entretien avec Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue. Amr Moussa a pour sa part indiqué que le «dossier du secrétariat général tournant est clos et ne sera plus rouvert». Le retrait de son projet par l'Algérie, intervient à la veille de l'ouverture, ce matin, de la réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères arabes consacrée à la réforme de l'organisation. «Notre projet n'était pas dirigé contre le secrétaire général», a ajouté M.Belkhadem. Même s'il est encore trop tôt pour épiloguer en disant que «tout est bien qui finit bien», il semble que la lettre adressée par Bouteflika à son homologue égyptien Moubarak ait eu pour effet immédiat d'amener les deux Etats à trouver une position consensuelle. Ainsi, s'il n'est plus question de présidence tournante, il n'en demeure pas moins que l'élection se fera sur la base des compétences des candidats dont les noms seront connusultérieurement. Les affrontements à fleurets mouchetés se poursuivent plus fort que jamais. Ainsi, l'Egypte a-t-elle introduit un mémorandum écrit en réponse aux réformes salutaires formulées par l'Algérie. C'est ce que rapporte le journal Al-Ahram dans son édition d'hier, qui souligne que son pays a indiqué que «la révision des statuts devait aller moins vite et de manière plus pondérée». Quant à la proposition d'aller vers un secrétariat général tournant entre les pays membres, alors que celui-ci échoit quasi systématiquement aux Egyptiens, notamment d'anciens chefs de la diplomatie de ce pays, le Caire, dans son mémorandum, fait savoir que «les statuts ne prévoient aucunement une pareille mesure mais seulement le plus de compétences chez le secrétaire général choisi». Adroite esquive s'il en est, à ceci près qu'elle ne règle rien du tout, puisque les «compétences» en question existent aussi au sein des autres pays, notamment en Algérie dont la diplomatie, revenue en force sur le devant de la scène mondiale, a prouvé son efficacité et sa grande force face aux capitales occidentales les plus incontournables et les plus intransigeantes qui soient. Une autre manoeuvre est apparue, puisqu'il est de plus en plus difficile de contrer les propositions algériennes sans risquer de se faire condamner par toute la communauté mondiale au moment où les réformes «imposées» par les USA aux pays musulmans et arabes font peser sur l'ensemble de ces Etats et monarchies, de très sérieuses menaces dont la gravité, en quelque sorte, peut se mesurer à l'aune de ce qui est en train de se passer en Irak, ou même du martyre que subit au quotidien le peuple palestinien. Elle consiste à tenter de «noyer» les propositions révolutionnaires algériennes dans d'autres, nombreuses, afin d'amener les débats à s'éterniser, avant que les prises de décisions ne soient reportées pour une autre rencontre, lorsque l'Egypte aura repris entre ses mains les commandes de la Ligue. C'est ainsi que nous apprenons que pas moins de sept autres pays ont formulé des propositions, ce qui est «étonnant», puisqu'elles interviennent toutes à la suite de celles de notre pays. Les Etats et monarchies concernés sont l'Egypte, la Libye, l'Arabie Saoudite, le Qatar, le Soudan et le Yémen. Pour revenir aux propositions algériennes, à propos desquelles des sources diplomatiques nous ont fourni quelques détails, il s'agit, outre l'instauration d'un secrétariat général tournant, de la mise en place d'un parlement arabe, d'un conseil de sécurité et même d'une cour de justice, le tout afin de rendre la Ligue plus crédible et démocratique aux yeux du reste du monde, mais aussi de lui donner les moyens et les instruments d'amener ses Etats-membres à appliquer l'ensemble de ses résolutions. Le retrait algérien, donc, constitue une décision très sage visant avant tout à éviter que les rangs ne se dispersent en attendant que le degré de maturité nécessaire soit atteint pour que les réformes algériennes voient enfin le jour. De son côté, nous apprend-on de mêmes sources, le président Bouteflika a l'intention de mettre le paquet afin que le Sommet d'Alger soit une totale réussite. C'est pourquoi, nous dit-on, il aurait l'intention d'entamer une tournée dans les principaux pays concernés afin d'inviter personnellement les présidents et les monarques afin qu'il n'y ait aucune défection et que les représentations des 22 Etats membres se fassent au plus haut niveau. Le message d'Alger est en fait, on ne peut plus clair, même s'il se drape des euphémismes diplomatiques de mise : changer ou disparaître.