Abou Mazen s'engage d'ores et déjà dans le difficile pari de sécuriser les territoires et de faire la paix avec Israël. Ni Israël, qui a décidé de «geler» tout contact avec les Palestiniens, suite à l'attentat suicide de Karni, ni les mouvements islamistes, Hamas et Jihad islamique, n'ont jugé de bonne politique d'accorder à Mahmoud Abbas la traditionnelle période de grâce dont bénéficie tout nouvel élu. Le nouveau président palestinien doit donc faire avec les conditions que lui imposent Israël et les mouvements de résistance islamiques. Toutefois il semble bien que les Israéliens forcent sur leur intransigeance habituelle en prévenant Mahmoud Abbas que la «période de grâce» qu'Israël «lui a accordée» est «finie» comme le déclarait hier le conseiller pour les médias d'Ariel Sharon. Ainsi, avant même d'avoir été investi à la présidence de l'Autorité palestinienne Abou Mazen est déjà responsabilisé par Tel-Aviv de ce qui se passe dans les territoires. Plus, faisant peu cas de sa position de président palestinien, Israël a accusé hier le président Abbas «de savoir qui a commis l'attentat» qui a coûté la vie à six Israéliens vendredi. Finalement, Sharon n'a pas beaucoup changé sa politique et reconduit avec Abou Mazen le même diktat qu'il a voulu imposer au défunt président Arafat. Les Israéliens veulent des résultats sans donner ni le temps ni les moyens, pour ce faire, à l'Autorité palestinienne de se réorganiser, de restructurer les services de sécurité et de se redéployer sur des territoires palestiniens. On oublie trop facilement, que Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est se trouvent sous l'occupation israélienne, que les policiers palestiniens qui n'ont pas le droit d'être armés sont mis par Israël elle-même dans l'incapacité de lutter efficacement contre le désordre et l'insécurité. Durant les quatre dernières années, Israël s'est acharnée sur les institutions et infrastructures palestiniennes (Autorité palestinienne, services de sécurité, responsables politiques et sécuritaires) cibles privilégiées de l'armée israélienne. C'est si vrai, que le secrétaire d'Etat sortant américain, Colin Powell, a déclaré dans une interview, appelant la présidence palestinienne à sévir contre les groupes islamistes revanche: «Nous allons aider (les Palestiniens) à reconstruire leurs forces de sécurité mais au bout du compte ceci doit être fait avec le concours des responsables et du peuple palestinien». Mais encore faut-il donner à ces responsables et à ce peuple de s'organiser, ce que ne veut pas Israël, impatient à faire plier les choses à ses conditions. Hier, six Palestiniens ont été tués par l'armée israélienne à Rafah dans une vaste opération de représailles contre les Palestiniens suite à l'attentat de Karni. Les groupes islamistes Hamas et Jihad islamique ne semblent pas décidés non plus à donner au nouveau président palestinien le bénéfice d'une période de grâce. Ainsi, le porte-parole de Hamas, Samir Abou Zahri a déclaré hier à propos de l'éventualité d'un cessez-le-feu que «cette question ne devrait être soulevée avec l'ennemi israélien que lorsqu'il aura mis fin à ses agressions. Le peuple palestinien pourra alors examiner ses choix et décider si c'est de son intérêt». Même son de cloche du côté du Jihad islamique dont l'un des responsables, Mohamed Al-Hindi, a indiqué: «Nous confirmons l'importance du dialogue entre Palestiniens et nous sommes prêts à l'engager avec M.Abbas mais nous réaffirmons que la résistance armée est liée à l'occupation». Mahmoud Abbas se trouve ainsi sur une corde raide entre l'intransigeance d'Israël et les exigences des mouvements islamistes. Toutefois, dans son discours d'investiture, Abou Mazen tend la main aux uns et aux autres en déclarant notamment: «Nous resterons engagés vis-à-vis du choix stratégique de l'OLP : le choix de parvenir à une paix juste et de réaliser nos objectifs nationaux par des négociations» soulignant: «La paix peut seulement être obtenue en travaillant ensemble pour parvenir à une solution pour un statut permanent qui traite des questions en suspens, qui permettra de tourner une nouvelle page sur la base de deux Etats voisins». M.Abbas insistera s'adressant directement à Israël: «D'ici, je dis aux dirigeants israéliens et au peuple israélien : nous sommes deux peuples destinés à vivre côte à côte et à partager cette terre entre nous», prévenant cependant que «la seule alternative à la paix est la poursuite de l'occupation et du conflit. Commençons par appliquer la ‘'Feuille de route'' et dans le même temps commençons à discuter des questions liées au statut permanent, afin de mettre fin, une fois pour toutes, au conflit historique qui nous oppose». La réponse d'Israël a été hier, le gel des contacts avec les Palestiniens et des représailles sanglantes contre les Palestiniens à Rafah. Ainsi, au rameau d'olivier tendu par Mahmoud Abbas, Israël a répondu une nouvelle fois en privilégiant la force au dialogue. Les perspectives de paix dans les territoires restent lointaines alors qu'Abou Mazen a du pain sur la planche dès l'entame de son mandat présidentiel.