Le reclassement de l'Algérie en A4 par la Coface constitue, à n'en pas douter, un geste significatif. Le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy est attendu à Alger dans trois semaines. C'est ce qu'ont révélé à L'Expression des sources dignes de foi. Cette visite intervient au lendemain d'une série de déclarations des officiels français, à leur tête Jacques Chirac qui, dans une série de messages envoyés au président de la République, a vivement souhaité un renforcement des relations entre les deux pays. Le président français a évoqué, en termes très optimistes, la prochaine signature du Traité d'amitié algéro-français. Une annonce d'ailleurs faite en même temps que celle relative à la réécriture de l'article 4 de la loi glorifiant le colonialisme. Ce point d'achoppement des rapports entre les deux pays a, rappelons-le, fait l'objet d'un certain nombre de déclarations de responsables politiques français qui, après la confirmation par l'Assemblée nationale de ce pays, du maintien du fameux article, ont multiplié les gestes de bonne volonté en direction d'Alger. Ainsi, après l'installation de deux commissions d'historiens sur la question de la colonisation, le président du Parlement français, Jean-Louis Debré a révélé la décision de refonte dudit article dans le courant du mois de février. La même personnalité a déclaré, pas plus tard qu'hier:«Ce n'est pas à la loi de porter un jugement sur l'Histoire.» C'est d'ailleurs la même phrase qui revient au sein du sérail français pour amener les députés ultras à «mettre de l'eau dans leur vin». Cependant, dans une déclaration à l'APS, faite en marge d'une conférence de presse qu'il a animée hier, Jean-Louis Debré a affirmé qu'il «n'était pas certain que le nouveau texte sera déposé à l'Assemblée en février prochain». Selon le président de l'Assemblée nationale française, «cela dépendra du cours et de la teneur des discussions». Cela dit, il apparaît dans les propos de Debré une réelle volonté d'apaisement. «Les certitudes d'un groupe, fût-il majoritaire, ne l'emportent pas automatiquement sur celles des groupes minoritaires», a-t-il soutenu. Tenant compte de cette sortie médiatique du premier responsable du pouvoir législatif en France, l'annonce de la visite du ministre des Affaires étrangères de ce pays en Algérie sonne comme une détermination de l'Etat français à dépasser coûte que coûte «l'obstacle de l'histoire» aux fins de donner une nouvelle dynamique aux relations entre les deux pays. Il est certain que le ministre français abordera avec les responsables algériens l'épineuse question de la loi glorifiant le colonialisme, mais il est également admis que Philippe Douste-Blazy sera porteur de propositions concrètes du président français, quant au processus devant mener à la signature du Traité d'amitié algéro-français. Cette question sera, affirment des sources sûres, au coeur de la visite de l'officiel français. Il s'agit, en effet, pour l'Elysée d'élever, pour des raisons stratégiques que l'on devine, les relations entre les deux nations à un niveau d'excellence. Il va sans dire que l'Algérie, de son côté aussi, a un intérêt stratégique dans la refondation de ses rapports avec la France. Et pour cause, lors de la visite d'Etat effectuée par Jacques Chirac à Alger, au printemps 2003, une déclaration politique commune donne un aperçu fort avantageux pour l'Algérie Les engagements de la France En effet, au terme de ladite déclaration, l'on retient notamment que la France s'engage à renforcer la coopération bilatérale dans le cadre de la mise en place des instruments des réformes en Algérie. Ces réformes sont évidemment de nature économique, mais il est aussi question du système judiciaire, de l'administration et de l'école. Autant de chantiers ouverts par Bouteflika et qui nécessitent un apport concret de savoir-faire. Sur ce chapitre, la France, qui a été jusqu'ici frileuse, adopte une position autrement plus intéressante en décidant, à la lecture de la déclaration commune, de prendre une part active dans le soutien des réformes engagées en Algérie. Un état de fait qui tranche avec les hésitations de l'Elysée durant toute la décennie 90. Autre hésitation, qui sera, selon toute vraisemblance, levée, est l'approfondissement des relations économiques entre les deux nations. En effet, dans le document que signeront les deux chefs d'Etat, il est clairement établi une volonté d'aller vers des relations économiques approfondies. Le problème des visas, à maintes reprises posé par l'Algérie, n'a suscité que de timides réactions de l'Hexagone qui, à l'occasion d'un petit réchauffement, assouplissait quelque peu les formalités d'établissement du précieux document, pour ensuite, revenir à des comportements pour le moins humiliants à l'encontre des nationaux algériens désireux se rendre en France. Un point nodal, du point de vue algérien, dans le Traité d'amitié, dont les termes seront sans doute «défraîchis» à l'occasion de la visite de Douste-Blazy en Algérie. Il faut tout de même souligner que le fait d'avoir abordé la question des visas dans la déclaration commune constitue, en soi, une petite révolution dans les relations entre les deux pays. Il est important de souligner, en effet, que la circulation des Algériens en France, principal pays d'accueil de notre émigration, a de tout temps été la pierre d'achoppement de toutes les tentatives de rapprochement algéro-français. Pour de nombreux observateurs, en acceptant de traiter sans complexe cette question, les autorités françaises donnent le gage le plus important de leur bonne volonté, au sens que le flux des nationaux vers la France ne sera plus considéré comme une gêne pour le pays d'accueil, mais plutôt comme une source d'enrichissement sur tous les plans. Les mêmes observateurs insistent sur le fait que la seule ouverture de ce dossier traduit la sincérité de la France sur les autres volets de coopération abordés par la déclaration de politique commune. Des signes positifs La visite du ministre des Affaires étrangères français à Alger intervient également dans un contexte économique dont le moins qu'on puisse dire, est qu'il est très favorable. Le reclassement de l'Algérie en A4 par la Coface constitue, à n'en pas douter, un geste significatif de la sphère des hommes d'affaires français, quant à une disparition progressive des a priori qu'ils nourrissaient en direction du marché algérien. Cette évolution positive n'est pas étrangère aux multiples visites mutuelles de ministres français et algériens. Le ministre des Finances André Breton a, rappelons-le, effectué une visite très remarquée en Algérie. De plus, Mourad Medelci s'est rendu à Paris où il a rencontré des représentants des banques et de la Fédération française des sociétés d'assurances. Comme il a animé, en début de soirée, une conférence-débat au siège de l'ambassade d'Algérie à Paris. L'on a également enregistré de nombreux déplacements en France du ministre des Participations Hamid Temmar qui a eu à plaider la cause de l'économie nationale devant les patrons du Medef. Ainsi, le séjour de Douste-Blazy à Alger va-t-il relancer la machine et donner un contenu politique plus appuyé de la volonté des deux Etats à pousser plus à fond leurs relations. Le traité d'amitié dépendra certes du pouvoir législatif de l'Hexagone, au sens où c'est à l'Assemblée française de «régler le problème» de la loi glorifiant le colonialisme, mais l'on sent tout de même une volonté de fer de la part de l'Exécutif français.