Deir Ezzor, la prochaine cible de l'armée syrienne Deir Ezzor reste l'ultime carte sans laquelle la défaite serait totale et le repli sur l'Irak une véritable Bérézina. Encore un nouveau revers en Syrie pour Daesh. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (Osdh), qui dispose d'un large réseau d'informateurs sur le terrain, les combattants de l'EI ont été contraints d'abandonner la localité et les environ d'Al-Raï, dans le nord de la province d'Alep. Or cette localité se situe à la frontière entre la Syrie et la Turquie et joue donc un rôle crucial pour l'organisation et l'intendance du groupe jihadiste. La perte d'Al-Raî représente un revers aussi important pour le groupe Etat islamique que le fut récemment la perte de Palmyre et d'Al Qaryatayn, Al Raï étant l'un des principaux points de passage que Daesh utilisait jusqu'à ces deux derniers jours, entre la Syrie et la Turquie. Désormais, il ne lui reste que le poste de Halwaniyé et celui de Jarabouls alors que l'Observatoire syrien indique une utilisation nettement moindre de ces lieux de passage par les éléments de Daesh et une menace grandissante du poste de Jarabouls actuellement soumis aux attaques des combattants kurdes syriens. Le groupe de l'Etat islamique est bien en mauvaise posture et risque même de perdre totalement ses derniers accès à la frontière turque, ce qui ne manquerait pas de compliquer gravement sa tentative de sauvegarder au moins un bastion au nord de la Syrie, Deir Ezzor restant l'ultime carte sans laquelle la défaite serait totale et le repli sur l'Irak une véritable Bérézina. Depuis plusieurs jours, l'EI essuie revers sur revers et l'accélération des pertes face à l'armée syrienne ainsi que dans le nord-est du pays contre les Kurdes syriens a déjà le relent d'une situation militaire qui empire de jour en jour, inquiétant du même coup les éléments qui contrôlent encore Raqqa. D'ailleurs, la prise de Palmyre par l'armée syrienne aura constitué un coup fatal au groupe de l'EI dans la mesure où elle lui permettait d'acheminer aisément des renforts vers son fief de Mossoul. Selon les experts militaires, Palmyre a un rôle de verrou pour les axes de communication et Daesh va vite se trouver asphyxié sur ce plan stratégique. L'inversion des rapports de force, depuis l' intervention russe en septembre 2015, aux côtés de l'armée du régime syrien, déjà soutenue par des officiers iraniens et des miliciens du Hezbollah libanais, aura permis de renforcer Damas aussi bien sur le terrain des combats que sur celui des négociations. Auparavant, la donne était complexe et les troupes du président Bachar Al Assad partout sur la défensive. En trois mois à peine, l'an dernier, Damas ne contrôlait plus la province d'Idleb, une bonne partie de celle de Lattaquié, la cité antique de Palmyre et la région méridionale de Deraâ. Pis encore,la capitale elle-même faisait face à des attaques de plus en plus menaçantes, il est vrai conjuguées par les forces hostiles des rebelles syriens autant que par celles de Daesh. Mais en moins de cinq mois, la donne a complètement changé. Soutenue par une centaine de bombardiers et d'hélicoptères de combat russes à partir de la base de Hmeimim, dans les environs de Lattaquié, réapprovisionnée en matériel de haute technologie (chars T90, RPG multitubes, missiles air-sol à guidage laser, systèmes de communications de dernière génération, etc, etc...), l'armée syrienne est repartie à l'assaut sur tous les fronts, libérant plus de 250 villes et villages, telle l'ensemble de la province de Lattaquié, étouffant les rebelles dans la ville d'Alep, balayant ses ennemis à Deraâ, Palmyre (Centre), Cheikh Meskin (Sud) Salma et Rabia (Ouest) Kweires à l'est d'Alep, Al Qaryatayn et d'autres localités moins emblématiques. L'état-major syrien, épaulé par les alliés russe, iranien et chiite libanais, a engrangé vite fait bien fait les bénéfices de cette résurrection au plan de la diplomatie, abordant les négociations de Genève avec la ferme volonté de préserver les intérêts du peuple syrien. Le processus de Vienne avait laborieusement préparé le terrain aux véritables négociations qui doivent aboutir à une phase de transition elle-même axée sur une révision de la Constitution et la praparation d'une élection présidentielle transparente. Mais les manoeuvres du Haut comité des négociations, présidé par un certain Riyad Hijab (éphémère Premier ministre) et drivé par l'Arabie saoudite et les autres pays du Golfe risquent de compromettre cette démarche imposée par la Russie, avec un cessez-le-feu convenu à Washington, au moment même où les troupes de Damas s'apprêtaient à lancer l'ultime assaut sur Alep. Ragaillardi par ces gains obtenus contre toute attente, Wafd Riyad, la délégation de Riyad, comme s'amuse à le qualifier la presse arabe, allusion à sa sujétion à Riyadh, capitale de l'Arabie saoudite, fait dans la surenchère pour arracher le maximum dans ce processus politique, faute d'avoir pu obtenir une quelconque victoire sur le terrain militaire. Il n'est pas le seul car Daesh en profite tout autant. Les deux superpuissances semblent convenues de favoriser une carte fédérale, la Russie encourageant manifestement les Kurdes syriens du nord du pays à composer un des maillons du futur Etat. Mais en la circonstance, rien n'indique que cette option soit avérée car deux pays s'y opposent de façon véhémente, certes, pour des motifs différents. Ankara et Téhéran ne veulent pas entendre parler d'une Syrie fédérale tandis que Damas ressasse à l'envi que le sort du président Bachar Al Assad constitue «une ligne rouge à ne pas franchir». La reprise des pourparlers ayant été reportée entre le 13, date des élections législatives programmées par le président Bachar Al Assad, et le 15 avril, la paix risque d'attendre encore quelque temps pour entrer enfin en Syrie.