Fils d'un chauffeur d'autobus et d'une couturière pakistanaise, la vie de Sadiq Khan, qui caracole en tête des sondages, ressemble à un conte de fées moderne. Le candidat travailliste à la mairie de Londres, Sadiq Khan, creusait son avance hier dans les sondages, confortant ses chances de remplacer le conservateur Boris Johnson et de devenir le premier maire musulman d'une grande capitale occidentale. Né en octobre 1970 dans une famille pakistanaise récemment immigrée au Royaume-Uni, il a grandi en HLM avec ses six frères et soeurs à Tooting, quartier populaire du sud de Londres, et il est musulman. Qui aurait pu croire que 45 ans plus tard, dans un pays où la politique reste l'apanage d'une certaine élite, il briguerait la mairie de Londres, s'interroge Doreen Lawrence, son amie et membre de la chambre des Lords. Mais ce passé modeste sert le candidat dans une capitale dont le coeur penche à gauche, qui pose la diversité en marque de fabrique et aime par dessus tout les belles histoires de réussite. Sadiq Khan rappelle régulièrement que son père était chauffeur de bus et sa mère couturière. A la veille du scrutin et après une campagne marquée par les polémiques, notamment concernant la religion de M.Khan et ses fréquentations lorsqu'il était avocat des droits de l'Homme, le fils d'un conducteur de bus pakistanais affichait une avance de plus de 10 points sur le candidat conservateur, le milliardaire Zac Goldsmith. Un sondage Opinium publié hier par le quotidien Evening Standard lui donne ainsi 35% des intentions de votes de première préférence, contre 26% pour Zac Goldsmith. En allouant ensuite les votes de deuxième préférence (c'est-à-dire le candidat pour lequel les électeurs se prononcent en seconde position), le candidat travailliste conforte davantage son avance avec 57% des intentions de vote contre 43% pour le conservateur. Un deuxième sondage, réalisé par ComRes pour la télévision ITV et la radio LBC, donne 45% des votes de première préférence à M.Khan contre 36% à M.Goldsmith. Après allocation des voix de deuxième préférence, le travailliste monte à 56% et le conservateur à 44%. Soucieux de voir les électeurs se déplacer dans les bureaux de vote aujourd'hui, Sadiq Khan a toutefois appelé à la prudence, estimant que tout dépendrait du taux de participation. Pour Tony Travers, professeur à la London School of Economics (LSE), «on ne peut pas dire que les jeux sont faits». «La plupart des gens pensent que plus il (le taux de participation) sera faible, plus ce sera positif pour Zac Goldsmith», a-t-il déclaré dans le journal Evening Standard. La campagne a été marquée par les attaques contre Sadiq Khan du camp conservateur, qui a l'accusé d'affinités avec les extrémistes islamistes, ce qu'il a vivement dénoncé. M.Khan a dû également prendre ses distances avec les propos jugés antisémites de certains membres du Labour, qui ont conduit à une crise dans ses rangs. Une cinquantaine de membres du parti ont été suspendus dont une députée et l'ancien maire de Londres, Ken Livingstone, tandis que le patron du parti, Jeremy Corbyn, a décidé de lancer une enquête au niveau national. En dehors de ces polémiques, les Londoniens se disent surtout préoccupés par la question du logement, de plus en plus inabordable, et des transports, surpeuplés alors que la capitale britannique a gagné 900.000 habitants depuis l'élection de Boris Johnson en 2008 et compte aujourd'hui 8,6 millions d'habitants.