Bien qu'il arrive que l'on retire encore quelques cadavres des décombres, aucune morgue à Alger n'abrite les corps des victimes des dernières intempéries. Seule celle d'El-Alia reste opérationnelle. Aux CHU algérois, même les cadavres sous X ne sont plus dans les chambres froides. Ce que nous avons constaté à l'hôpital Maillot de Bab El-Oued, où l'on n'a pas recueilli de dépouille mortelle depuis une semaine. Idem pour El-Kettar, Beni Messous et Birtraria. A l'entrée de la morgue de l'hôpital Maillot, seule une forte odeur de désinfectant frappe le visiteur. Nous quittons alors les murs froids de ce sas d'outre-tombe. A l'extérieur, les camions continuent de décharger le produit des déblaiements du Front de mer, non loin de l'avenue Mira, encore couverte par une couche de boue. A l'hôpital Mustapha-Bacha, le responsable de la morgue certifie que tous les corps ont été lavés, recouverts de linceuls et mis dans des cercueils et que toutes les démarches pour l'inhumation ont été faites au niveau de son service. En règle générale, tout corps dont les empreintes ont été relevées et photographiées peut être enterré dans les quarante-huit heures, une fois l'autorisation d'inhumer délivrée par le procureur de la République. Des 600 ou 700 corps que contenait la morgue d'El-Alia, il n'en reste qu'une trentaine. Bien que des corps en provenance de Bab El-Oued y soient encore admis. Selon M.Taouchichet, directeur général de l'établissement de gestion des Pompes funèbres et des cimetières de la wilaya d'Alger, les corps sont identifiés au fur et à mesure de leur acheminement, aucune inhumation sous X n'étant admise. Selon ce responsable, la morgue d'El-Alia est une infrastructure qui accueille et conserve les corps tout le temps nécessaire pour leur identification. Signalons que les employés des Pompes funèbres ont effectué un travail de titan, dès le premier jour de la catastrophe, spécialement la première semaine où ils avaient effectué le plus gros de la tâche. En identifiant les victimes avec l'aide des habitants de Bab El-Oued et avec celle de la Protection civile, particulièrement en leur remettant des photos agrandies de ceux qui ont péri dans la boue. La cadence de déterrement des corps était telle que le nombre des récupérés est passé de 70 le premier jour, à 150 le deuxième jour. Durant tous ces moments de douleur et dans des conditions particulières, le public était reçu dignement avec toute l'assistance nécessaire. M.Taouchichet se rappelle ces moments difficiles où aucune condescendance administrative n'était affichée à l'égard des citoyens. Bien au contraire, seule une atmosphère de fraternité et de solidarité régnait. Et le procureur de la République se déplaçait chaque jour pour faciliter les enterrements. Comme au début, à la morgue d'El-Alia, le dispositif n'est pas encore levé, des équipes s'y relayent 24h/24h. Quelques autres corps vont certainement y être admis dans les dix ou quinze jours prochains. Les dépouilles qui y sont encore appartiendraient à des familles habitant des endroits enclavés de l'intérieur du pays et qui ne sont peut-être pas encore au courant du drame. Plusieurs autres scénarios sont encore possibles pour tous ces «oubliés». Mais «après l'Aïd, les gens vont se manifester», affirme M.Taouchichet. L'enterrement sous X restant formellement interdit, une fetwa serait-elle à l'étude pour lever cette interdiction?