L'ancien mouvement de redressement a décroché la part du lion au sein de la nouvelle commission exécutive. Finalement, c'est pendant la nuit de mardi à mercredi que tout a été finalisé dans le but évident d'éviter que toute manoeuvre future ne vienne contrecarrer le fantastique travail réalisé tout au long de ce congrès de trois jours, et bien avant celui-ci. Alors que l'élection du secrétaire général, comme c'est de coutume, ne devait pas se faire avant une semaine ou deux lors de la première réunion du tout nouveau Conseil national, composé de pas moins de 550 membres, celui-ci a décidé de brusquer les choses en tenant une séance de travail durant la nuit avant que ne soit proclamée la clôture de ce congrès franchement pas comme les autres. Mais avant cela, la lecture du message de Bouteflika a tenu en haleine l'ensemble des participants pendant cinq bonnes heures puisque les travaux de ce mardi n'ont pas repris avant 19h passées. Outre l'attente de la lettre du président, a-t-on pu apprendre auprès des coulisses bien introduites de ces assises, la raison de cet énorme retard a trait au fait que «pas moins de quatorze wilayas ont posé d'énormes problèmes dans le cadre de l'élection de leurs quotas respectifs au sein du Conseil national». Les choses ont eu beau se dérouler dans une grande discrétion au niveau des hôtels, et les quotas revus nettement à la hausse, cela n'a pas suffi à atténuer les divergences et dissensions entre anciens redresseurs et pro-Benflis au sein de ces mouhafadhas. C'est dans une salle en délire, où les portraits de Bouteflika sont sortis de toutes parts, que Boualem Bessayeh, porte-parole du congrès, a commencé, d'une voix solennelle, à donner lecture du message. Aussi «mitigé» soit-il, le «oui» du président n'en a pas moins été un «point très fort» de ce congrès et un couronnement qui a satisfait tout le monde, y compris les plus acharnés et les plus redoutables de ses anciens adversaires politiques au sein de ce parti. Bouteflika a ainsi mis en avant sa «gratitude» suite à la proposition de le designer au poste de président du FLN. Il n'en a pas moins souhaité n'être que président d'honneur, comme cela a déjà été le cas pour l'ONM (Organisation nationale des moudjahidines). Bouteflika, président de tous les Algériens, arrivé à la tête de l'Etat à deux reprises en qualité de candidat indépendant, a toutefois tenu à lever toutes les équivoques dans sa lettre: «Je ne saurais vous exprimer toute ma reconnaissance et toute ma gratitude pour cette si précieuse confiance dont votre congrès vient de m'investir et dont je suis fier, une confiance qui m'incite à accepter cette position honorifique (...) dés lors que ceci ne prête à aucune équivoque dans mes rapports avec les partis de l'alliance gouvernementale». Il n'en oublie pas pour autant ses longues et importantes années passées dans les rangs de ce parti, depuis la guerre de Libération nationale jusqu'à l'indépendance du pays et la nécessité de garder ce «creuset» de solidarité nationale, grâce auquel d'importants conflits civils ont pu être évités au lendemain de l'indépendance nationale. Pour honorifique que soit ce poste, il n'en implique pas moins pas mal de responsabilités, morales avant tout. C'est pour cette raison que le président enchaîne dans sa lettre pour dire vouloir s'efforcer à «être à la hauteur de votre confiance, sans toutefois faillir à ma libre opinion, renoncer au programme plébiscité par le peuple ou encore moins attenter à la morale et l'intégrité que me dicte le souci de resserrer les rangs de la coalition nationale». Bouteflika, en dépit de son oui, désire demeurer scrupuleusement au dessus de la mêlée et demeurer à équidistance entre les trois partis politiques composant l'Alliance présidentielle. Aux yeux du président Bouteflika, en effet, «La responsabilité (dont il est investi de la part du peuple algérien) requiert l'intégrité propre au dirigeant, dont les sentiments ne sauraient faire dévier ou faire perdre de vue, ne serait-ce, une seconde, que les intérêts suprêmes de l'Algérie et du peuple algérien, ô combien chers à mon coeur, demeureront pour toujours au-dessus de toute considération». Jeux d'ombres et de coulisses La salle, en fait, n'a retenu que le «oui» du président pour donner libre cours à son «délire», criant à qui mieux-mieux «Bouteflika-FLN», brandissant très haut ses portraits. Une occasion en or pour ne pas clôturer le congrès et profiter au contraire de cet enthousiasme pour avancer plus encore dans le grand projet portant réunification des rangs du parti. C'est ainsi qu'immédiatement après, aux environs de 20h30, les congressistes ont adopté à main levée la liste des 550 membres du Conseil national, dans lequel un quota national destiné aux cadres, à savoir les ministres et les députés, a été réservé. Dans le même temps, nous apprenons que la commission électorale a réservé cinq sièges d'office à chaque mouhafadha, ainsi que trois pour chacune des sept que compte la wilaya d'Alger. Pour chacun de ces quotas, un siège a été réservé aux , si bien que la gent féminine a fini par décrocher 54 postes sur les 550 pourvus. Cette instance a tenu une réunion immédiatement après son installation afin d'élire dans l'euphorie et par acclamation Abdelaziz Belkhadem au poste de secrétaire général. Cela n'a pas été sans mal comme le soulignent des sources très bien informées. Outre le fait que les anciens «légalistes» n'ont pas lâché le morceau jusqu'au bout, poursuivant jusqu'au dernier instant leurs manoeuvres et jeux de coulisses, le troisième homme de l'Etat, Amar Saïdani en l'occurrence, a caressé un moment le rêve de prendre ce poste. Il a fallu toute la sagesse et la détermination des vieux routiers du parti pour le convaincre de se retirer au profit de Belkhadem afin que l'autre camp ne profite pas de ce déchirement pour reprendre le dessus sur l'ancien mouvement de redressement. La «revanche» des redresseurs Ayant résolument le vent en poupe et refusant dès lors de faire les choses à moitié, le FLN a décidé d'élire également sa Commission exécutive nationale telle que prévue dans les statuts. Forte de 105 membres, elle est revenue en grande majorité aux anciens redresseurs comme il nous a été donné de le constater sur place. Ainsi, parmi les noms retenus il y a Si Afif, Tou, Barkat, Hadjar, Louh, Belkhadem, Abada, Bouhadja, Goudjil, Saïdani, Bessayeh et l'ambassadeur Ghereyeb. Dans le rang des «recalés», en revanche, nous retenons Abbas Mikhalif, ancien président du groupe parlementaire de l'APN, Abdelkader Zidouk, ancien vice-président de l'APN, Sadek Bouguettaya, ancien président de la commission des affaires étrangères à l'APN, Abdallah Bouleslal, président du groupe parlementaire au sénat, mais aussi Boumehdi et Belaïd Abdelaziz. Il s'agit là d'une grande revanche pour le mouvement de redressement qui continue de considérer que même s'il y a eu réconciliation dans les rangs du FLN, les évènements ne lui en ont pas moins donné raison et mis à sa disposition l'ensemble des moyens visant à lui garantir le contrôle futur de ce parti. Rien n'est moins sûr toutefois puisque le secrétariat exécutif, qui fera office de bureau politique et sera composé de 7 à 9 membres, n'a pas encore été élu. Il devrait l'être, a-t-on pu apprendre en exclusivité, à l'occasion de la première rencontre que doit tenir la commission exécutive au siège du parti en date du 8 février prochain. Abdelaziz Belkhadem avait, lui, tout lieu de se montrer satisfait dans son discours de clôture du congrès, intervenu à une heure tardive de la nuit de mardi à mercredi. Il y a en effet appelé «à oeuvrer pour la concrétisation de la réconciliation nationale et de l'amnistie générale ainsi qu'à l'édification du pays». Ce sont là les maîtres mots du programme présidentiel et, partant, un appel direct lancé en sa direction afin que le FLN reprenne les initiatives et devienne, en sa qualité de leader de la classe politique, porte-parole des formations politiques défendant le programme et les activités du chef de l'Etat. Il a, en outre, affirmé que le FLN apportera son soutien à la coalition gouvernementale pour poursuivre le processus des réformes ainsi qu'à tous ceux qui oeuvrent pour l'édification d'une démocratie juste et équitable. Le signe du nouveau départ, tant attendu par les militants et la base, vient enfin d'être donné au grand plaisir des militants et des cadres du parti.