Trois repentis sont dénoncés pour tentative de meurtre et encore... Pour obtenir l'acquittement, rien que l'acquittement, le rusé avocat Me Jamel Boulfrad s'est appuyé longuement sur un seul concept : la réponse positive au président de la République pour ce qui est de la concorde civile. Moussa M., commerçant, Tahar B., artisan cycliste, et Ali B., commerçant, sont trois repentis de l'ex-AIS depuis janvier 2000. Ils sont en prison depuis huit mois, depuis qu'un patriote les a dénoncés pour tentative de meurtre avec préméditation et organisation d'un groupe terroriste, ou pour écrire droit et juste : articles 30, 254, 87 alinéa 4 du code pénal. Le procureur général a rappelé que ces trois accusés ont tenté d'anesthésier, à l'aide de somnifères, des patriotes, de les égorger et de les balancer dans un puits avant de regagner les maquis. Or, selon le P-V d'audition, les faits paraissent plus graves qu'ils ne le sont en réalité. Il s'agit de crimes odieux car la tentative de meurtre en elle-même demeure un acte pire que l'usage d'une arme blanche sur la gorge. Le second crime, en l'occurrence, l'organisation d'un groupe terroriste, reste une horreur puisqu'il s'agit de planifier des assassinats sur des citoyens loin de toute tourmente. Il est vrai qu'une dénonciation de crime est en elle-même honorable, sauf si derrière cet acte, il y a de la vengeance en l'air et ici, Me Boulefrad va enfoncer le clou en sortant de sa gibecière l'amnistie qui est en voie d'être proposée au peuple algérien. «Il s'agit de savoir ce que l'on veut», a lancé le conseil qui avait apprécié l'attitude de la juge qui a longtemps insisté auprès des trois prévenus. Néant. Ils nient les faits calmement, sèchement. «Les accusations n'ont aucun motif sérieux», clamera Me Salah Souilah. Me Boulefrad ne tient pas en place. Il gigote... «J'ai répondu à l'appel du premier magistrat du pays par une profonde conviction et sans contrainte», a dit Moussa, imité par ses deux compagnons. «Je demande à être confronté au témoin. S'il était vraiment un patriote, il serait à l'audience», s'est écrié Ali B. La juge réplique par un sec: «Nous avons le P-V d'audition. N'est-ce pas suffisant?» Ce sera Me Boulefrad qui, du haut de son 1,80 m, plaidera l'acquittement en criant que ces trois citoyens, aisés sur le plan matériel, n'avaient pas besoin de regagner le maquis. «C'est un scénario brouillon élaboré tristement par un témoin qui n'a pas daigné affronter ces gens», a articulé l'avocat qui a ri au nez du représentant du ministère public, qui avait requis sept ans de réclusion... par pitié. «Il n'y a ni tentative de meurtre ni association de quoi que ce soit», a encore martelé le conseil dont le confrère, Me Souilah, s'est dit solidaire dans les propos et les demandes. «Ce n'est pas pour rire, messieurs dames du tribunal criminel, mais le procureur est convaincu de l'innocence de nos clients, tout comme vous», a ironisé Souilah. La présidente sourit mais pas trop longtemps. Avant de se concerter avec ses assistants et les deux jurés, la présidente a tenté un ultime coup, juste par acquis de conscience : «Accusés, vous êtes en train de rendre des comptes à la justice des hommes. Pensez à celle d'Allah. Il n'y aura pas d'avocat le jour du Jugement dernier.» Les accusés secouent la tête comme pour signifier : «Nous sommes innocents. C'est une diffamation.» Leurs regards sont orientés en direction de leurs avocats. Me Boulefrad prend l'un d'eux par l'épaule: «N'ayez crainte. Allah est à vos côtés.» Le tribunal se retire, ne tarde pas à délibérer et revient vite avec le verdict tant espéré par les accusés, leurs défenseurs, leurs proches : acquittement. C'est la joie dans la salle d'audience et celle des «pas perdus». «C'est ça la justice», dira une des épouses, heureuses ce jeudi, comme elles ne l'ont jamais été.