La journée d'hier est quelque peu particulière pour la presse indépendante. Plus d'une dizaine d'affaires incriminant des directeurs de journaux et des journalistes sont instruites par le tribunal de Sidi M'hamed. Tout d'abord celle opposant Ali Dilem, caricaturiste de Liberté, et les anciens directeurs de publication et de rédaction du journal, Abrous Outoudert et Hacène Ouandjeli au ministère de la Défense nationale (MDN) a eu lieu hier au tribunal de Sidi M'hamed. La partie plaignante, le ministère de la Défense, a saisi la justice à propos d'un dessin de Ali Dilem paru dans l'édition de Liberté du 03 avril 2002. Le dessin a trait au massacre de 21 soldats intervenant au moment où des amendements sur le code pénal étaient présentés. Restituant le massacre, Dilem a fait le trait de deux terroristes avec des haches et des corps gisants de sang de militaires. À une question de son acolyte qui lui demande ce qu'ils risquent, l'autre terroriste le rassure : “Walou. Le code pénal protège les généraux pas les soldats.” Contrairement à Abrous Outoudert et Hacène Ouandjeli, Ali Dilem ne s'est pas présenté au tribunal. Dans sa plaidoirie, l'avocat de la défense estime que ce dessin porte atteinte à l'honneur et à la considération des victimes. Pour lui, le dessin est très grave dans la mesure où il nuit au moral de l'armée. “Au nom d'une quelconque liberté l'on ne peut accepter cela”, s'est-il écrié. Plus sévère que jamais, le représentant du ministère public qualifiera ce dessin ni plus ni moins que “un appel à la violence”. En faisant dire dans sa caricature à un terroriste que “le code pénal protège les généraux pas les soldats”, Dilem a fait preuve de raillerie à l'encontre des soldats et a encouragé le meurtre. Aussi, il a été requis à l'encontre de Ali Dilem une peine de six mois de prison ferme et une amende de 250 000 DA. Pour ce qui est des deux anciens responsables de Liberté, le procureur a exigé de chacun d'eux de payer une amende de 250 000 DA. Un des avocats de la défense n'est pas revenu de son indignation sur l'accusation portée contre Dilem “d'encourager le terrorisme. C'est une situation surréaliste. Le journal Liberté et son caricaturiste Dilem sont accusés d'appel au meurtre”, s'est-il emporté ! Me Meziane ne fait pas la même interprétation de la caricature que le représentant du MDN. Pour lui, “elle est en elle-même un hommage aux 21 soldats tués. En aucun cas, elle ne porte atteinte aux généraux. Ceux qui sont visés ce sont les décideurs et beaucoup plus encore les terroristes”. En outre, Me Meziane a soutenu qu'il faut replacer la caricature dans son contexte. Un contexte marqué par la présentation du ministre de la Justice d'alors, Ahmed Ouyahia, des amendements sur le code pénal et l'adoption de la loi sur la concorde civile lavant les terroristes islamistes de leurs crimes. Pour Me Bourayou, “accuser les journalistes d'encouragement au terrorisme, c'est manquer de reconnaissance à l'égard d'une corporation qui a consenti beaucoup de sacrifices pour le bien du pays”. Me Bourayou a rappelé que “plus de 80 journalistes sont assassinés. Ce sont les journalistes qui ont défendu l'armée contre le terrorisme. Pour ce qui est de la loi sur la concorde civile, aucune institution ne l'a dénoncée. Sauf les journalistes”. Le verdict sera prononcé le 25 novembre. 2 mois de prison ferme requis contre 2 journalistes Le tribunal de Sidi M'hamed a aussi instruit hier l'affaire opposant le directeur de la DGSN, Ali Tounsi, et son secrétaire général Mahmoud Mohand Amokrane aux directeurs d'El Khabar et El Watan et à la journaliste Salima Tlemçani. Le procès a été reporté à trois reprises. Les avocats de la défense ont à chaque fois exigé la présence des plaignants. Hier encore, ces derniers ne se sont pas présentés. L'intervention véhémente des avocats des journalistes, Me Meziane et Me Soudani, et celle de Omar Belhouchet n'ont rien changé à l'affaire. Le procès a eu lieu. “Nous avons plaidé pour la forme. Nous n'avons pas voulu qu'il y ait un blocage”, a soutenu Me Soudani. Ce dernier nous a indiqué que “non seulement Ali Tounsi ne s'est pas présenté au tribunal, mais encore il n'a pas payé la taxe judiciaire”. Et d'ajouter : “La citation directe comporte au moins cinq points attestant de la nullité de la plainte de Ali Tounsi.” Au terme des plaidoiries passionnées des collectifs d'avocats des deux parties, le président de la cour fixe la date du verdict pour le 9 décembre. Concernant deux affaires opposant le défunt Ahmed Merah à Mohamed Abdoun et Faouzia Ababsa, le procureur de la République a requis contre ces derniers deux mois de prison ferme et des amendes de 2 000 dinars pour chacun. Le verdict sera rendu le 25 novembre prochain. Nombre d'autres affaires dont celle opposant le ministère de la Défense nationale à Sid Ahmed Semiane, Ali Dilem, Mohamed Benchicou et Ghada Hamrouche ont été reportées. A. C.