Le gouvernement et la Centrale syndicale tentent de trouver la solution qui s'impose La réforme des retraites, décidée dans l'urgence par le gouvernement, risque d'enflammer le front social et de fragiliser davantage le gouvernement qui chancelle sous le poids de «la crise». Sous la pression induite par la très forte baisse de ses revenus pétroliers, le gouvernement a décidé de réformer le système des retraites à travers notamment la suppression du départ à la retraite sans condition d'âge, l'âge de départ à la retraite étant désormais fixé à 60 ans. Annoncée par le Premier ministre, lors de la tripartite, tenue le 5 juin dernier, cette nouvelle loi vise, nous dit-on, à «préserver les équilibres de la Caisse nationale de retraite et capitaliser, un tant soit peu, l'expérience des cadres sortants». «Les participants à la tripartite, et afin de préserver et consolider le dispositif national de retraite, considèrent que les conditions actuelles ne permettent plus le maintien du départ à la retraite sans condition d'âge», explique le communiqué conjoint du gouvernement et des partenaires sociaux qui ajoute que le dispositif en vigueur actuellement est «dommageable aussi bien aux équilibres financiers de la Caisse nationale des retraites qu'à l'outil de production qui enregistre chaque année d'importantes déperditions au niveau de ses ressources humaines, notamment les plus qualifiées». Quelques jours après, le secrétaire général du RND et néanmoins directeur de cabinet de la présidence de la République a défendu cette loi, en motivant sa position par le fait que c'est la CNAS qui est venue en aide à la CNR, qui est déficitaire, pour éviter les problèmes aux retraités. Bien plus, Ahmed Ouyahia a déclaré que l'âge de la retraite à 60 ans doit être revu à la hausse, soit à 65 ans. Néanmoins, contre toute attente, la réaction des travailleurs a été violente et leur mobilisation encore plus. En effet, selon beaucoup d'entre eux, le gouvernement est animé de mauvaise foi et veut pousser les travailleurs à «être sur les rotules». Dans un premier temps, dans plusieurs régions du pays (zones industrielles de Rouiba et de Réghaïa, Hassi Messaoud, Hassi R'mel), des centaines de salariés sont sortis dans la rue pour crier leur opposition à cette décision de la tripartite prise de concert avec l'Ugta et appeler le gouvernement à ne pas toucher aux acquis sociaux des travailleurs. Par la suite, la contestation a commencé à s'organiser pour se cristalliser finalement dans le cadre d'un front d'opposition à la démarche du gouvernement. En effet, 13 syndicats des secteurs de la santé, de l'éducation, de l'administration publique, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique se sont réunis dans les locaux de l'Upef et ont mis en garde le gouvernement contre la mise en oeuvre d'une telle décision de supprimer le départ à la retraite sans condition d'âge. «Toucher aux acquis sociaux des travailleurs est une ligne rouge à ne pas franchir et dans le cas contraire le gouvernement se préparera à la gestion d'une nouvelle vague de protestations», lit-on dans leur communiqué. Pour ces contestataires, le gouvernement et son allié traditionnel, l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta), se sont entendus pour faire passer cette décision de la «honte» sur le dos des travailleurs. Mais la réaction du monde du travail ne s'arrête pas à ce niveau et bien des syndicats et autres collectifs de travailleurs menacent déjà de recourir à la rue afin de mettre la pression sur le gouvernement et le pousser à reculer. Des partis politiques aussi se préparent pour se mettre de la partie et mener cette bataille avec les syndicats, notamment le FFS, le MSP, le PST, le MDS et, probablement, le RCD. Acculé par cette poussée contestataire, le gouvernement et la Centrale syndicale tentent de trouver la solution qui s'impose, à savoir celle du juste milieu. Néanmoins, les contestataires de cette loi se trouvent aussi parmi ceux qui l'ont soutenue lors de la tripartite: les patrons. En effet, tous les patrons avec lesquels nous avons eu des échanges autour de cette loi, s'y sont opposés en justifiant leur position, par le fait qu'il est injuste que des travailleurs qui entament leur carrières à des âges différents, les terminent au même âge». De plus, il est question, selon eux, d'élever l'âge de départ à la retraite à 65 ans tout en tenant compte des années travaillées. Le gouvernement doit donc être sur deux fronts: les syndicats qui n'ont pas été associés à la tripartite, et le patronat. Une source du gouvernement citée par Le Quotidien d'Oran considère qu'il faut «déterminer les postes de haute pénibilité pour accorder à leurs détenteurs, deux ans de moins, c'est-à-dire que ceux qui les occupent pourront partir à 58 ans, au lieu de 60 ans, comme l'exige désormais la loi, notamment les postes affiliés aux grosses entreprises comme le Groupe Sonatrach, les cimenteries, les aciéries et autres travaux publics et métiers de dockers...». Néanmoins, ce type de dérogation ne peut que mettre de l'huile sur le feu face au mécontentement des travailleurs des autres secteurs. L'argument financier qui repose sur les données selon lesquelles la CNR est déficitaire et que le monde du travail compte aujourd'hui cinq travailleurs pour trois retraités contre sept travailleurs pour deux retraités il y quelques années, ne tient pas non plus la route car le discours politique s'étant toujours basé sur le réflexe rentier, il est aujourd'hui difficile de briser l'engrenage qui fait fonctionner la machine sociale algérienne, à moins d'une «révolution politique». Pour précision, dans le système actuellement en vigueur, toute personne ayant cumulé 32 ans d'activité peut partir à la retraite sans attendre l'âge de départ légal à 60 ans. Il permet également à tout cotisant de cesser son activité sans avoir cotisé pendant 32 ans et sans attendre l'âge de 60 ans. A cela s'ajoute aussi la procédure de retraite anticipée mise en place en 1994 pour atténuer les effets du plan d'ajustement structurel imposé par le FMI et qui s'est traduite par la suppression de plusieurs milliers d'emplois. Cette procédure conjoncturelle permettait, pour rappel, aux hommes de plus de 50 ans et aux femmes de plus de 45 ans de prétendre à la retraite.