L'actrice présentera son monologue en partie autobiographique mercredi à El Mougar. A l'écran, elle a incarné divers rôles des plus antagoniques. Nadia Kaci se plaît à «déstabiliser», avoue-t-elle lors du forum de Djazaïr News dont elle était l'invitée dimanche. De cette diversité de personnages, on ne la reconnaît plus. «Au début, c'était douloureux à vivre. Je me suis rendue ccompte que c'était une grande richesse. Ce qui était un complexe s'est transformé en une richesse». Forte, douce ou timide et effacée mais généreuse, Nadia Kaci est un bout de femme qui bouillonne d'énergie. De Tunisiennes de Nouri Bouzid, Ça commence aujourd'hui de Bertrand Tavernier où elle joue aux côtés de Philippe Torreton, au très remarqué Nationale 7 ou encore Le Harem de Madame Osmane et Viva l'Aldjérie de Nadir Moknèche et autre Les suspects de Kamel Dehane, l'actrice enchaîne les rôles et touche aussi aux planches. Comédienne au théâtre, elle est apparue dans des pièces d'auteurs algériens parmi lesquels Le patio du pays éperdu de Ziani Chérif Ayad. Or, pour des raisons X, ce dernier a refusé de monter le monologue en quête de terres. Celui-ci est né en 2003 dans le cadre d'une résidence de création à Ajaccio. Actuellement en tournée pour une série de représentations d'une création de Francis Aïqui, Le mythe de Don Juan, Nadia Kaci a trouvé le temps pour venir présenter son travail dans ce pays dont elle n'a cessé de constater «qu'il changeait». Née à Alger où elle y vit jusqu'à son départ pour Paris en 1993, Nadia Kaci dit trouver aujourd'hui son équilibre «entre les deux». Là où elle se sent confortable, où elle retrouve son espace, sa terre. En un mot, sa stabilité... L'Expression: En parlant de votre spectacle que vous allez donner mercredi prochain, en quête de terres si on venait à faire le parallèle avec votre vie, vous aussi vous êtes partie en 1993 en France où vous vivez actuellement une certaine forme d'exil. Peut-on dire que c'est un peu autobiographique? Nadia Kaci: Le point de départ est autobiographique. Il est important pour la pièce. C'est une fille qui part effectivement en France, sauf que moi je ne suis jamais partie pour rejoindre Londres. Mon désir était de m'installer en France et commencer des études d'arts dramatiques et de travailler. Mais pour arriver à cela, il a fallu que je fasse des petits boulots. Donc, j'ai été amenée à rencontrer toutes sortes d'univers et c'était pour moi assez impressionnant de m'occuper d'une vieille dame qui me rappelait d'ailleurs beaucoup ma grand-mère. Nous, nous n'avons pas le même rapport à la vieillesse que les pays occidentaux. Il y a du bon et du mauvais dans tout ça. La façon dont c'est organisé, ce sont des sociétés très individualistes. Ici, nous sommes encore dans le clan et dans le groupe. Tout cela m'a appris à connaître la société française et j'ai découvert cela avec étonnement. Petit à petit, cela m'a donné envie d'en parler. En même temps, dans la société française, le fait qu'il n'y ait pas ce côté clan, c'est finalement quelque chose de très reposant parce qu'on n'a pas le droit de regard sur votre vie comme on peut l'avoir ici et du coup, cela entraîne la solitude. Il y a donc le côté positif et le côté négatif. Je ne juge pas parce que je trouve du bon et du mauvais dans les deux. Justement, cette solitude peut être confortable en France... Bien sûr. Elle est tout à fait confortable d'autant plus que si on a la chance d'avoir une famille et de bons amis, on a la possibilité de choisir et notre espace est respecté. Ce n'est pas votre histoire, nous l'avons compris, mais le thème est assez profond pour qu'on fasse directement le rapprochement avec vous: l'exil, la séparation c'est un peu vous? Oui, bien sûr. Quand on est obligé de partir, et lorsqu'on prend cette décision, c'est parce qu'on a beaucoup réfléchi. On fait des choix dans sa vie et en même temps, il y a la culpabilité de laisser derrière soi tous ceux qu'on aime, toute une société, des convictions et petit à petit, on se rend compte aussi que le fait de partir est une chose que l'on a imaginée très fort et qu'on a fantasmée. Ce n'est pas exactement ce que l'on a imaginé qui nous attend forcément là-bas. Ce n'est pas la réalité. Parfois, il y a certaines déceptions ou des surprises agréables ou moins agréables. Mais on se rend compte en tout cas qu'être là-bas, ce n'est pas l'eldorado. Mais en tout cas, on arrive à faire des choses. C'est une façon de grandir. C'est-à-dire de prendre conscience de la réalité. Le fait de vivre en France vous a permis de jouer certains rôles que vous n'auriez jamais pu faire en Algérie, notamment ceux liés à la sexualité... Ce sont des rôles que je n'aurai certainement pas interprétés en Algérie. Moi-même, si je vivais en Algérie, peut-être que je n'aurais pas accepté de jouer ce genre de rôle. Parce que je connais la pression qu'il peut y avoir de la part de la société, le poids des traditions, le regard très lourd et le jugement qui peut être porté sur les comédiennes qui ont ce type de distribution. C'est vrai qu'en France, j'ai presque oublié tout cela. J'avais des inspirations, c'est juste des choix, un parcours, ce que j'ai dans le coeur. J'aime que des rôles soient aboutis dans une complexité qui révèle nos différences et le fait qu'on soit multiple. Cela m'intéresse d'interpréter des personnages multiples qui reflètent la société. Cela raconte des vérités. Au départ, en quête de terres devait s'appeler 5 en quête de terres. Pourquoi ce changement? J'avais mis 5 ensuite 6, j'en ai retiré une. Il y avait plusieurs personnages de et au fur et à mesure que je l'écrivais, les choses paraissaient évidentes et puis il y avait des personnages qui devaient absolument disparaître parce qu'ils n'avaient plus rien à apporter dans cet échange et cela a été réduit à en quête de terres. Est-ce le fait d'être comédienne qui a fait que vous écriviez un monologue à plusieurs voix qui, d'une certaine manière, donne une vision générale «télégénique» ou «cinématographique»? Je ne sais pas si on a l'impression de regarder un film, mais pour moi, au niveau de la structure, cela s'est présenté comme cela. C'est vrai que c'est une structure assez éclatée. C'est ce qui me plaisait, c'est trouver un fil conducteur et un sens à ce que je racontais. Quelles sont vos influences ou bien ce sont les gens qui vous ont donné cette envie de faire du cinéma? Des influences, j'en ai plusieurs. Je garde un souvenir impérissable lorsque j'ai été voir Omar Gatlatou à l'Algéria. J'en suis sorti très émue. J'adore Scorsese dans ses premiers films, Casavates, il y a des tas de réalisateurs comme Fellini, Rossellini, de toute cette période.. Etorscola... ce sont des réalisateurs que j'adore, aussi David Lynch et puis chez les , Anna Maniani, Sofia Loren ou Gina Rolands qui m'ont beaucoup marquée. Quel rôle aviez-vous aimé interpréter? J'aurais adoré jouer ous influence, réalisé par Casavetz dans lequel Gina Rolands avait joué. Cela m'aurait éclaté de jouer un rôle comme ça. Je ne pense pas pouvoir l'interpréter un jour. Evidemment, c'est un repère, c'est quelque chose de sacré pour moi. C'est pour cela que dans Don Juan, la pièce écossaise dans laquelle je joue, je me suis éclatée parce que c'est une femme un peu déjantée. J'ai adoré jouer ce rôle. Je pense que plus je multiplierai des rôles divers, plus je m'éclaterai dans mon métier. Nadir Moknèche vous a beaucoup apporté quelque part en vous réhabilitant dans le paysage algérien, vous qui êtes partie d'Algérie il y a quelques années... C'est vrai qu'il m'a beaucoup apporté. Mais je pense que je lui ai beaucoup apporté aussi. C'est un juste échange. Je ne pense pas qu'il aurait trouvé une comédienne, ici, pour interpréter un rôle de prostituée.