Partir pour se construire quitte à emporter avec soi la culpabilité, Nadia Kaci a connu ça aussi... C'est devant un parterre bondé, entre entrebâillement de portes et sonneries de portables que la comédienne algérienne vivant en France, Nadia Kaci, a présenté mercredi soir à la salle El Mougar, son monologue en quête de terres. L'histoire peut paraître banale ou «sérieuse», c'est selon... l'émigration en Europe étant de nos jours monnaie courante. Partir pour se construire, se réaliser, abandonner sa famille quitte à emporter avec soi ce lourd fardeau de culpabilité... Nadia Kaci a connu ça. On ne parle que des choses qu'on connaît le mieux. La comédienne a choisi comme prétexte central à son monologue, l'exil pour raconter le quotidien d'un microcosme d'humanité. Samira, une jeune Algérienne, a réussi à obtenir un visa pour la France. Son but, partir en Angleterre pour retrouver H'san, l'homme qu'elle aime. En attendant, elle est hébergée chez sa cousine Nafissa, 60 ans, qui veut paraître 10 ans de moins. On ne sait exactement ce qu'elle fait dans la vie sauf qu'elle vend de tout ! Nafissa, femme acariâtre, essaie désespérément de l'aider à partir afin de s'en débarrasser. Après quelques tentatives malheureuses, notamment le renvoi à Alger de celui avec qui elle devait contracter un mariage blanc, Samira trouve un emploi. Elle est «assistante de vie» auprès de Marie-Louise, une vieille dame frappée par la maladie d'Alzheimer. «Je porte la ans mémoire» débite dans son soliloque Samira. Marie-Louise a deux filles, Véronique, avocate mordue de régime jusqu'à ce qu'elle se rende compte que l'homme qui lui plaît est marié. Pauline «n'aime pas grand chose à part des pilules blanches de Valium». Là, Nadia Kaci grossit les traits de la description jusqu'au grotesque. Elle brosse un tableau pathétique de la vie de tous les jours. Le cynisme est à bout quand elle est obligée de faire dans «l'action sociale» en ramassant les crottes du chien de la vieille dame, Peter. Samira, semblable à Cendrillon ou à la petite fille aux allumettes, espère une vie meilleure et rêve à son prince charmant, H'san. Sa bonté à elle lui fait oublier sa misère pour s'apitoyer sur les injustices que subissent les deux soeurs. Une tragique nouvelle vient l'accabler : le décès de sa grand-mère. Ironie du sort, Peter, le chien, vient à mourir lui aussi. L'amour tenace dans lequel vient à puiser Samira toute la force de son existence attendrit Nafissa. Quelque part, la solitude rapproche les trois qui, au départ, tout oppose. Samira découvre progressivement le dur métier de l'exil. Au milieu de la scène, lit, chaise, écran faisant objet de miroir et un chien en peluche, ce sont là les seuls éléments qui forment le décor. Au centre, pleins feux sur Nadia Kaci qui, de temps à autre se revoit au passé et évoque sa triste vie dans sa langue maternelle, le kabyle. Elle glisse subrepticement un mot issu directement de notre langage dialectal, histoire de souligner ses origines. Si la thématique est intéressante et le jeu indiscutable, reste que le texte pèche par un trop de simplicité. Est-ce dû au choix de l'humour qui désacralise l'anecdote? Il est en effet si facile d'en rire aujourd'hui même si on porte toujours en soi ces quelques séquelles douloureuses, ces bribes de souvenirs indélébiles qui marqueront toute une jeunesse, toute une vie. «Ma première expérience professionnelle à Paris a été un travail alimentaire qui consistait à prendre soin d'une dame qui avait la maladie d'Alzheimer. Cet univers m'a beaucoup impressionnée. Il m'a appris sur les autres mais aussi sur moi-même plus tard lorsque j'ai décidé d'écrire cette pièce. J'ai souhaité pousser certaines situations jusqu'à l'absurde en étant confiante sur la nature humaine (...) faire la part des choses, grandir en somme...». Poursuivant son aventure humaine et professionnelle, Nadia Kaci jouera bientôt dans un film franco-algérien. Une nouvelle «vie» l'attend...