En dépit des contraintes financières, imposées par la crise économique, les préparatifs de la fête de l'Aïd El Fitr ne semblent pas affecter les traditions des familles annabies, veillant soigneusement à la sauvegarde de ce qui est l'héritage ancestral des aïeux, préservé des siècles durant. A moins de deux jours de la fin du Ramadhan, les familles s'affairent à préparer la fête de l'Aïd El Fitr. Dans cette ambiance fiévreuse qui s'est emparée depuis quelques jours de la ville des Jujubes où, les gens se précipitent pour faire les derniers achats de l'Aïd El Fitr, le mot d'ordre est de perpétrer les traditions ancestrales de ce mois sacré. Des traditions que l'on ressent à chaque geste et dans tous les ménages chez les annabis, d'ailleurs comme toutes les familles en Algérie, la fête de l'Aïd marque la fin du mois de Ramadhan. Un événement qui se manifeste spécialement cette année, de par sa coïncidence avec la Fête de l'indépendance et de la jeunesse. Quatre jours de congé, une occasion pour se reposer de la fatigue et de l'abnégation, mais surtout pour savourer les traditions d'une fête typiquement à la bônoise. Ces jours de fête sont marqués par différentes traditions qui changent d'une famille à une autre, mais l'essentiel sont les incontournables actes traditionnels. Des traditions qualifiées par plus d'un de «Commandements» des fêtes religieuses de l'ex-ville à l'époque ottomane. En effet, les familles annabies d'origine turque pour la plupart ont su garder jalousement des traditions remontant à plus de cinq siècles. Depuis les monts de l'Edough jusqu'au cap de Garde en passant par les différents quartiers de cette ville antique, la vieille ville notamment, où la célébration de la fête de l'Aïd El Fitr, appelée communément Aïd Esseghir, donne l'impression d'un arrêt du temps, replongeant la ville de Sid Brahim et Abou Marouane Echarif dans un passé très riche en spécificités de cette fête religieuse. Des dizaines d'années, voire des centaines d'années, les familles annabies vivent la célébration de Aïd El Fitr dans une ambiance spéciale, sans le moindre oubli du moindre détail d'une quelconque tradition. L'Aïd El Fitr est synonyme de la fin du mois de Ramadhan. Malgré le climat de tension et de crise, les boutiques de prêt-à-porter et les pâtisseries sont bondées de monde après la rupture du jeûne en préparation de l'Aïd. Une manière d'oublier ces moments tragiques et de savourer la gaieté de l'événement l'espace d'un long week-end. Le jour «J», attendu pour le mercredi, les fidèles annabis en guise de remerciements au Tout-Puissant et après avoir fait leur toilette, s'être généreusement parfumés et avoir pris un bon petit-déjeuner, se rendent à l'aube aux mosquées, avec des mots d'ordre qui sont «spiritualité et fraternité». Il faut dire que la journée promet d'être bien chargée, par les visites familiales, partage de repas et cadeaux aux enfants. En effet, l'Aïd est l'occasion de se retrouver tous ensemble et de renforcer les liens familiaux et sociaux. La visite au cimetière est devenue avec le temps une tradition où les familles se rendent au cimetière tôt le matin, pour lire la Fatiha sur les tombes des défunts proches de la famille. Une façon de faire honneur aux absents chers aux coeurs de ceux qui célèbrent l'Aïd. La célébration de l'Aid Esseghir c'est aussi ce panel de couleurs, présentées par les habits des enfants. Qui dit Aïd, dit nouveaux vêtements et chaussures pour les potaches. Des tenues soigneusement choisies et repassées après des heures de shopping. Les enfants n'attendent plus qu'à entamer le défilé, sous les yeux admiratifs et les compliments. Ils se réveillent le matin de bonheur impatients de les enfiler parce que même si les parents s'y sont pris tôt pour faire le shopping de l'Aïd, les enfants savent qu'il est interdit de les mettre avant le jour «J». Les parents aussi se gâtent eux-mêmes avec de nouveaux vêtements. La «Mahbat El Aïd»: Les plus jeunes affectionnent tout particulièrement l'Aïd car il est de coutume qu'ils reçoivent des pièces de monnaie (et des billets pour les plus chanceux) de la part des membres de la famille. Chaque étape de la tournée de visites à la grande famille est une occasion de se remplir les poches. Ils se bousculent à chaque nouvelle destination, chacun d'entre eux voulant être le premier à dire «Aïdek Mabrouk» pour recevoir la «Mahba». A la fin de la journée, frères et soeurs, cousins et cousines se retrouvent pour faire les comptes et comparer les «butins», autour d'une table bien garnie. Oui, c'est l'incontournable repas en famille: Le jeûne, le jour de l'Aïd est prohibé. C'est donc l'occasion de partager de nombreux repas, toujours en famille. Là encore les traditions varient selon les familles. La «chakhchoukha» pour les uns, le couscous pour les autres, et entre les uns et les autres, il y a ceux qui optent pour le «ftir», «mloukhia» entre autres plats traditionnels. Mais pour la plupart des familles annabies, c'est l'indétrônable «chorba Frik» et «bourek», qui ornent la table de l'Aïd. Comme disent les anciens des familles annabis «Ichayou Ramadhan beljarri wel bourek». Les bruits de la vaisselle et les odeurs enivrantes envahissent les rues et propagent avec elles une ambiance festive et contagieuse annonçant par la même occasion le retour à un rythme normal après les longues journées de Ramadhan. Des moments qui font oublier aux familles les dépenses supplémentaires. Car, malgré la hausse des prix, notamment cette année, les Annabis ont encore une fois de plus, appliqué les traditions de leurs ancêtres, des coutumes qui en réalité ont une histoire et une identité d'une région aux racines historiques lointaines.