Ali Haddad , Mohamed Laïd Benamor Après avoir longtemps tourné le dos à l'Afrique, l'Algérie fait des pieds et des mains pour s'y trouver une place. L'Afrique est en phase de devenir la locomotive de la croissance mondiale et ce statut ne laisse pas indifférent. Beaucoup d'investisseurs, des quatre coins du globe, s'y intéressent et s'empressent pour s'y installer. Des Chinois, des Américains, des Allemands, des Iraniens, des Libanais, des Israéliens notamment ont déjà pignon sur rue dans certains pays comme le Sénégal, le Ghana, le Kenya, la Côte d'Ivoire, etc. Du côté algérien, malgré la proximité géographique et les liens historiques qui rattachent l'Algérie aux pays du continent avec lesquels elle a partagé l'expérience de décolonisation, on a longtemps tourné le dos à la région et ce n'est que depuis quelques mois qu'un effort particulier est fait au niveau du gouvernement pour la reconquérir. C'est ainsi que, durant ces derniers mois, plusieurs visites de travail ont été effectuées par des chefs d'entreprise et des représentants du patronat dans certains pays africains afin de tisser des relations de partenariat et de chercher des opportunités d'affaires. Dans le sillage de cette dynamique de «conquête», la Cgea - qui fait partie de l'Organisation africaine des employeurs, a signé un protocole d'accord pour un partenariat durable avec le patronat kenyan. Le FCE a lui aussi mis en place une stratégie d'action pour se déployer en Afrique, notamment pour trouver des débouchés aux produits algériens. A son tour, la Caci conduira, du 17 au 24 du mois en cours, une délégation d'hommes d'affaires pour une tournée en Afrique de l'Ouest. «Après avoir constaté l'engouement des pays africains pour les produits algériens lors de la dernière Foire internationale d'Alger (FIA), avec notamment son Salon export -Algex- on a décidé d'organiser une petite tournée en Afrique de l'Ouest, notamment en Côte d'Ivoire, au Bénin et au Togo», a révélé à ce sujet le président de la Caci Mohamed Laïd Benamor, en précisant que la délégation sera reçue par les chefs d'Etat de ces trois pays, ainsi que des ministres et des opérateurs locaux. Mais cette offensive ne se limite pas au seul travail des opérateurs économiques et des organisations patronales. Même l'Etat, qui a déjà mis en place des mesures d'encouragement de l'exportation, notamment en réduisant les coûts du transport et en ouvrant des lignes directes pour l'Afrique, s'est mis de la partie. En effet, le Forum africain d'investissements et d'affaires qui a été prévu initialement du 19 au 21 novembre puis reporté sine die, va enfin se tenir du 3 au 5 décembre prochain au Centre international de conférences (CIC) à Alger. Placé sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, l'organisation du Forum est assurée par le Comité d'organisation intersectoriel représenté par le ministère des Affaires étrangères, les ministères de l'Industrie et du Commerce ainsi que des représentants du patronat. Dans la note conceptuelle de ce rendez-vous économique hautement stratégique, les organisateurs ont indiqué que «la grande manifestation économique continentale à Alger dont l'objectif est de réunir ensemble les gouvernements et les entreprises, les secteurs public et privé, les producteurs et les consommateurs, les concepteurs et les réalisateurs autour de la problématique centrale qui est le développement du potentiel économique africain, et de contribuer ainsi à la mise en oeuvre des décisions et du plan d'action de l'Union africaine pour l'intensification du commerce intra-africain et sa stimulation». Cette note a également expliqué que «le rendez-vous d'Alger se veut une expression du travailler ensemble pour réussir ensemble, pour une nouvelle avancée du compter sur soi collectif en vue de solutions africaines aux problèmes de l'Afrique». Cette reprise en main du destin du continent noir par ses propres enfants, qui se met en branle, a toutes les chances d'aboutir puisqu'elle coïncide avec une situation plutôt favorable. En effet, bien qu'elle soit très affectée par le ralentissement chinois et la chute du prix des matières premières, l'Afrique recèle plusieurs opportunités à saisir pour les entreprises à l'horizon 2025, grâce notamment à son important potentiel dans le domaine de la consommation privée, selon un rapport publié le 29 juin par la Coface sous l'intitulé Afrique subsahariennes: touchée mais pas coulée. Ce rapport précise qu'à l'heure où la région affiche sa plus faible croissance depuis 2008 (3,4% en 2015 et 2,6% en 2016 selon les prévisions de la Coface), les dépenses des ménages représentent en moyenne les 2/3 du PIB. De plus, s'appuyant sur des indicateurs démographiques (nombre d'habitants, poids des personnes économiquement dépendantes, c'est-à-dire les enfants et personnes âgées, évolution de la population urbaine à l'horizon 2025) et des indicateurs économiques inhérents à la consommation des ménages (consommation finale des ménages par habitant, croissance annuelle moyenne du PIB du pays sur la période 2015-2025, niveau du PIB/ habitant prévu à l'horizon 2025) la Coface a identifié 15 pays comme réunissant les conditions nécessaires à une progression de la consommation privée à l'horizon 2025, en se basant sur plusieurs critères regroupés en deux catégories. Ces 15 pays sont le Gabon, le Botswana, la Namibie, l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Ethiopie, la Côte d'Ivoire, le Mozambique, la Tanzanie, le Sénégal, la RD Congo, le Ghana, le Kenya, le Rwanda et l'Angola. Pour ce qui est des secteurs porteurs, ce sont l'agroalimentaire, la distribution et les technologies de l'information et de la communication (TIC). A l'aune de ces prévisions plutôt heureuses, l'initiative d'une démarche africaine commune pour le développement de l'Afrique ne peut être qu'une bonne nouvelle.