Les bribes d'informations recueillies à son sujet dépeignent un homme sans grande personnalité et attiré par les petites joies immédiates de la vie. Il s'appelle Mohamed Lahouaiej Bouhlel, il est niçois de nationalité française. Agé de 31 ans, Mohamed est originaire de Msaken, dans la banlieue de Sousse en Tunisie. Ces informations ont été faciles à obtenir par les enquêteurs en raison des papiers d'identité retrouvés dans le camion. Le premier constat qui saute aux yeux tient au fait que l'auteur de la tuerie de la promenade des Anglais n'a pas de dossier au niveau des services de police en charge de la traque des islamistes radicaux. Contrairement aux terroristes de Paris et de Bruxelles, Mohamed Lahouaiej Bouhlel n'a figuré sur aucune liste et n'a à son nom aucune fiche. De fait, il était impossible de le pister ou de deviner ses intentions. Le point commun qu'il a avec les frères Kouchi ou Abdeslam Abaoud est en rapport avec le passé de délinquant de ces derniers. En effet, Mohamed est bel et bien connu de la police de Nice, mais pour des faits de vols et violence conjugale. C'était le genre de «clients» qui embêtent les policiers, sans constituer un véritable danger public. Pas très apprécié par son entourage, en premier lieu sa femme qui a dû se séparer de Mohamed en raison justement de son comportement délictueux. Les bribes d'informations recueillies à son sujet dépeignent donc un homme sans grande personnalité et plutôt attiré par les petites joies immédiates de la vie. Ses voisins font de lui, le portrait d'un quidam sans importance, pas du tout religieux et très porté sur la fête. Le seul parallèle susceptible d'être fait avec un hypothétique processus de radicalisation est le jeûne qu'il a observé, pour la première fois, durant le dernier Ramadhan. Mais, pareille hypothèse tombe à l'eau, lorsqu'on sait que l'homme n'a tout simplement pas observé le jeûne jusqu'à la fin du mois sacré. Cette grande «liberté» avec les préceptes de l'islam expliquerait mal un quelconque motif religieux de l'acte commis jeudi dernier. Ainsi, la thèse d'un attentat perd de sa pertinence au regard de ce profil éloigné du portrait-type d'un terroriste embrigadé par Daesh. Cette approche est d'autant plus crédible que l'homme n'a pour ainsi dire aucun «trou» dans son agenda. Il serait brouillé avec sa famille en Tunisie, et n'était pas retourné dans son pays depuis longtemps. En l'absence d'une revendication de l'organisation terroriste, le scénario d'un acte commis par un déséquilibré, persiste parmi les pistes suivies par les enquêteurs. Ces derniers qui, grâce aux caméras de surveillance dont est dotée la ville de Nice, ont remonté le parcours du criminel jusqu'au moment où il est monté dans le camion. Ils devraient, à l'heure qu'il est, être fixés sur son emploi du temps qui a précédé le massacre commis au niveau de la promenade des Anglais. A-t-il rencontré des individus suspects? On ne le sait pas encore. Mais il est clair que dans son passé ancien et récent, il n'existe aucune trace avérée de radicalisation. Que l'homme ait agi seul, sans aucun motif politico-religieux peut se concevoir, mais qu'il fasse autant de victimes est difficilement acceptable, ou en tout cas, très inquiétant. Si des «fous» parviennent à tuer des dizaines de personnes, on est dans un scénario tout à fait dément. Aucun service de police ne pourra y faire quoi que ce soit, sachant le caractère totalement improvisé de ce genre d'actes. En fait, le profil de l'assassin de la promenade des Anglais ressemble à celui du tueur de la boîte de nuit de la ville d'Orlando aux Etats-Unis. L'Occident est-il confronté à ses démons au sens propre du terme? On le saura à l'issue de l'enquête diligentée par le parquet antiterroriste de Paris. A l'heure où ces lignes s'écrivent, la conférence de presse annoncée par le procureur de la République chargé de l'enquête ne s'est pas encore tenue. Affaire à suivre.