Si Hamid L. est un enseignant dont le faciès n'est pas si supportable que cela. Ajoutez ses mains qui se baladent sur le dos de ses élèves... L'audience tenue à huis clos par le tribunal correctionnel comptait tout de même pas mal de monde. Outre le président, le PR, la greffière, il y avait les avocats, les victimes et des mamans venues enfoncer le détenu poursuivi pour attentat aux moeurs - article 337 du code pénal - car, en l'espèce, le délit a été commis par un instituteur sur ses élèves. Tout ce beau monde assistera, durant une heure et demie, à quatre fillettes âgées entre neuf et onze ans dénonçant leur «cheikh», pour d'autres leur «sidi». Une à une, les victimes ont joué seules sur du billard, surtout depuis que l'inculpé dont la face avait perdu toutes les couleurs d'un être normalement constitué, avait reconnu être très sévère avec ses élèves. «Peut-être bien que vous jouez avec votre règle en la faisant pénétrer dans le bas du dos?», martèle le président qui écoutera le récit des quatre élèves. En résumé, la première victime n'a pas pu supporter que la main de «sidi» se promène sur son cou. La deuxième a, elle, parlé d'une main qui caresse un peu trop sa chevelure châtain clair. «Dégoûtant», qualifie-t-elle, les joues rouge-braise! La troisième écolière balbutie, honteuse et pleine de remords: «Il ne peut s'empêcher de me gratter le dos lorsque je recopie un texte transcrit sur le tableau.» Sa mère lui souffle des mots à l'oreille: «Madame. Le tribunal a toléré votre présence pour l'équité de la justice. Si vous vous amusez maintenant à donner un coup de main à votre fillette, informez le tribunal que vous étiez en classe avec les élèves», tonne le juge qui n'aime pas qu'on perturbe l'audience. La maman rougit jusqu'aux oreilles et assure que sa fille lui avait raconté autre chose de plus grave. Si Brahim, le magistrat, hausse les épaules et continue par l'interrogatoire de l'inculpé, omettant d'entendre la dernière victime. «Alors, inculpé, qu'avez-vous à dire devant ces accusations? Ce sont vos élèves. Elles n'ont aucune raison de vous en vouloir», annonce solennellement le président qui reste imperturbable lorsque Si Hamid parle de vengeance car, estime l'instit, «je suis très sévère pour ce qui est de la discipline et la tenue des devoirs». «Et vous punissez vos élèves dissipées en leur caressant le dos?», clame Fatima Chrief, la procureur de l'audience qui trouve bizarre qu'il y ait quatre victimes à l'audience, alors qu'il y en avait beaucoup plus le jour du dépôt des plaintes. «Nous avons leurs déclarations. Si elles ont jugé utile de ne pas se déplacer ici, c'est leur affaire», ajoute la parquetière qui requiert une peine de cinq ans de prison ferme. Me Houcine Bouchina, pour le prof, s'insurge d'emblée contre ce mini-complot. Il crie sa rage de voir les de demain s'imaginer des « choses », alors que leur maître a peut-être forcé la dose en les punissant. «C'est vrai, M. le président. Si Hamid n'a pas une bobine sympa, mais ce n'est pas une raison pour en faire un monstre», lance le conseil qui réussit un gros coup lorsqu'il saluera les deux victimes sur les quatre qui ont demandé l'indulgence du tribunal pour leur maître qui a cinq enfants. «Elles ont été de meilleurs avocats que moi qui joins ma voix pour effectuer une meilleure demande: la relaxe», conclut l'avocat qui verra son visage s'illuminer lorsque Si Brahim infligera un six mois de prison assortis du sursis. Le père de famille l'a échappé belle!