Nous ne cesserons jamais d'écrire que le meilleur moyen de critiquer un verdict, c'est d'interjeter appel... Amour Sahraoui quitte le box des accusés à l'appel de son nom et se dirige, perplexe, raide comme une bougie dans un frigo et se met presque au garde-à-vous face à Aïssa Mim, le tolérant président de la chambre correctionnelle de Blida. Amour est perplexe car il a écopé d'une peine de prison ferme de six mois et il a estimé que le tribunal de Boufarik n'a pas été gagné par le doute «planté» par huit témoins, tous unanimes à déclarer que la nuit du vol de bijoux, il se trouvait à des kilomètres du lieu du délit. Me Djamel Fodil, son avocat, s'était acharné contre le destin et le verdict, et s'était promis d'intervenir devant le juge de la même manière qu'à Boufarik. Le juge commence bien le procès, et pose la traditionnelle question: -Pourquoi êtes-vous ici? Pourquoi l'appel? -Parce que j'ai confiance en la justice et j'ai ressenti une forte douleur en entendant les six mois de prison ferme, répond sans ponctuation l'inculpé qui jette un oeil sur Med Boukhatem, le procureur général, silencieux, car le parquet s'était suffi du verdict prononcé en première instance. Son collègue ayant requis la peine retenue par le tribunal. Le magistrat regarde le codétenu et lui demande sa version des faits. Des faits, selon le second inculpé, qui ont fait qu'Amour était passé le contacter en vue de cambrioler la villa du cousin, absent cette nuit-là. Il était entré dans le logis par une des fenêtres et m'a laissé faire le guet, souligne Saïd, le sourire large et l'oeil terne. Me Fodil veut poser une question. Le juge le lui permet. Il demande l'heure durant laquelle les deux copains ont quitté Hamadi (Rouiba) pour se rendre à Ouled Belhadj (Khraïcia). -Dix-sept heures, répond le jeune, le sourire toujours sur le coin des lèvres. L'avocat promet de revenir à cette réponse durant la plaidoirie. -Pourquoi aviez-vous changé vos déclarations devant le juge d'instruction ? Pourquoi vous êtes-vous retourné sur celles faites devant la police judiciaire? tonne le magistrat qui a remarqué que depuis le début des débats, le codétenu rigolait plus qu'il n'en fallait et qu'il donnait l'impression de taquiner Amour dont les traits sont très tirés et les yeux mi-clos de douleur surtout lorsque son colocataire en taule avait dit : -Il m'a menacé. Il m'a envoyé un mec m'avertir que si je répétais la même version des faits devant le juge d'instruction que devant les éléments de la police judiciaire, je le paierais cher, très cher. L'avocat sursaute. Le juge ne dit mot. Le procureur général aussi. Seul Amour tentait de dénouer les veines de son cou tenaillé par les deux phrases et les trente-neuf mots déversés cinq secondes auparavant. Il ne restait plus à Me Fodil qu'à relever le stratagème mis en place par Saïd, l'enfonceur d'Amour. Auparavant, Mim s'était inquiété auprès du propriétaire des bijoux sur le sort du lot volé. -On me l'a restitué et je ne demande rien à l'inculpé Amour, car ne je l'ai pas vu chez moi, a-t-il souligné, l'air grave, probablement marqué par le fait que Amour venu de la proche et belle localité de Sour, bosser et gagner sa vie en qualité de manoeuvre, être malmené. La voix puissante et portante de l'immense défenseur avait laissé planer une atmosphère lourde. Et c'est Me Ouali Laceb qui lancera à l'intention de son jeune confrère: -Ton client va rentrer chez lui. Bravo Maître. Effectivement, Amour Sahraoui sera relaxé en fin d'audience. Il sera relaxé au bénéfice du doute, au grand bonheur des proches du déjà ex-détenu et surtout Me Fodil qui quitta la salle d'audiences d'un pas lourd et mesuré mais surtout taquiné par une angine dévastatrice. Ce qui ne l'empêchera pas de lancer en direction de Me Boulefrad : -Maître, vive l'appel.