La police française de plus en plus sollicitée par les attentats et tueries qui se multiplient dans l'Hexagone Face au risque de tensions après l'assassinat d'un prêtre dans une église par deux jihadistes, le président François Hollande a réuni hier les autorités religieuses pour tenter de maintenir la cohésion de la société française. Parallèlement, l'enquête qui a permis d'établir l'identité d'un premier assaillant, Adel Kermiche, un Français de 19 ans habitant près de l'église visée par cet attentat inédit, se poursuit pour identifier son complice. A l'Elysée, les représentants des différentes religions ont demandé au chef de l'Etat une sécurité renforcée des lieux de culte et affiché leur unité. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a fait part de la «sidération» des musulmans devant «un sacrilège blasphématoire». L'archevêque de Paris, André Vingt-Trois, a estimé que les croyants de France «ne doivent pas se laisser entraîner dans le jeu politique» du groupe Etat islamique (EI) qui «veut dresser les uns contre les autres les enfants d'une même famille». «En s'attaquant à un prêtre, on voit bien quel est l'objectif: jeter les Français les uns contre les autres, s'attaquer à une religion pour provoquer une guerre de religions», avait estimé dès mardi le Premier ministre Manuel Valls. François Hollande a également réuni hier un Conseil de sécurité et de défense à l'issue duquel a été précisée la répartition des 10.000 militaires de l'opération Sentinelle de lutte antiterroriste qui viennent en appui des forces de police: 4000 militaires à Paris, 6000 en province pour tenir compte des vacances d'été. Mardi soir, le président, dont la tâche est compliquée par une très forte impopularité depuis son accession au pouvoir, avait exhorté les Français à ne pas se diviser. Dans un éditorial hier, le quotidien Le Monde souligne que les chefs jihadistes «appellent à cette guerre civile en France, pour faire croire que l'Occident est en guerre contre l'islam. Ils espèrent en finir avec cette anomalie, cette zone grise'', selon leur expression, ce pays où des religions coexistent pacifiquement dans le cadre ancien, et tolérant, que nous appelons laïcité. (...). Ne pas y céder, jamais, est le premier acte de résistance d'une société telle que la nôtre - c'est aussi son honneur - et une première défaite infligée à l'ennemi». La presse française dans son ensemble a demandé des «actes» au gouvernement, et aux Français de «faire bloc» alors que les attentats se multiplient depuis 18 mois contre le pays, engagé dans la coalition militaire internationale contre l'EI en Irak et en Syrie. C'est la première fois qu'un lieu de culte catholique est attaqué en Europe par des jihadistes. Moins de deux semaines après le carnage de Nice le 14 juillet (84 morts, 435 blessés) perpétré par un Tunisien et revendiqué par l'EI, deux assaillants ont égorgé mardi un prêtre de 86 ans, Jacques Hamel, dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, une banlieue ouvrière de Rouen (nord-ouest). Au préalable, les deux assaillants, abattus par la police alors qu'ils criaient «Allah Akbar», avaient pris dans l'église six personnes en otages: le prêtre, trois religieuses et un couple de paroissiens, dont l'homme a été grièvement blessé par les jihadistes. «Le vrai risque, c'est une radicalisation d'une partie de l'opinion catholique, dont une part non négligeable vote Front national», le parti d'extrême droite, juge Odon Vallet, historien français des religions. «Désormais, il pourrait y avoir une opinion catholique, non pas unanime, mais assez importante qui demande des actes plus forts à l'égard de l'islamisme violent, avec le risque de s'en prendre à la communauté musulmane». Mais sur le terrain politique, où les positions se durcissent à l'approche de la présidentielle de 2017, la polémique enclenchée au lendemain de l'attentat de Nice a déjà rebondi: l'opposition de droite et d'extrême droite mettent chacune en cause l'efficacité de la politique antiterroriste du gouvernement. Adel Kermiche était en effet déjà inculpé pour avoir tenté à deux reprises, en 2015, de se rendre en Syrie. Il était assigné à résidence avec un bracelet électronique depuis mars, après une dizaine de mois en prison.