Le président Zuma en campagne dans les townships Demain l'ANC, qui contrôle une large majorité des municipalités du pays, abordera le scrutin dans une position plus précaire que jamais. L'Afrique du Sud vote demain pour des élections municipales qui s'annoncent compliquées dans plusieurs grandes villes, une situation inédite pour le parti au pouvoir affaibli par un contexte économique difficile et les scandales qui jalonnent le mandat du président Jacob Zuma. Quelque 26,3 millions de Sud-Africains - un record - sont appelés à renouveler les maires et les conseils municipaux de 278 villes du pays. Depuis la fin du régime ségrégationniste de l'apartheid en 1994 et l'avènement de la démocratie en Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC), le parti de Nelson Mandela, a remporté facilement chaque élection, locale comme nationale. Mais demain l'ANC, qui contrôle une large majorité des municipalités du pays, aborde le scrutin dans une position plus précaire que jamais. Le parti traîne notamment la situation économique plus que morose de l'Afrique du Sud comme un boulet. Avec une croissance qui devrait rester quasi nulle cette année, les promesses de faire baisser le chômage (26%) sont difficiles à tenir. Plusieurs zones du pays sont de plus, toujours privées des services publics de base comme l'eau ou l'électricité, accentuant le mécontentement des plus défavorisés qui estiment que trop peu de progrès ont été faits depuis la fin de l'apartheid. Ces derniers mois, l'image du président Zuma a également été sérieusement écornée. La justice a demandé au chef de l'Etat de rembourser 500.000 dollars d'argent public utilisés pour rénover sa résidence privée et la menace de poursuites pour corruption dans une affaire de mégacontrat d'armement plane sur lui. «Nous sommes dans une situation où l'électorat est en colère», explique Prince Mashele, du Centre de recherches politiques de Pretoria.»Pour beaucoup, l'espoir qui est venu avec l'ANC s'est transformé en mécontentement», poursuit-il. Face à ce constat, l'opposition espère secouer demain l'ordre établi et faire enfin vaciller la mainmise de l'ANC sur le pouvoir. Le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA,) de centre droit qui gouverne déjà Le Cap, rêve de ravir de nouvelles grandes métropoles. Longtemps vu comme un parti favorisant la minorité blanche, la DA a promu à sa tête depuis l'an dernier Mmusi Maimane, un jeune leader noir de 36 ans pour attirer les déçus de l'ANC. Les Combattants pour la liberté économique (EFF) le parti de la gauche radicale du populiste Julius Malema, participeront, eux, à leur premier scrutin municipal. Grâce à un discours fort sur la réappropriation des terres par la majorité noire et la nationalisation des mines, les EFF veulent grignoter des parts de l'électorat le plus radical de l'ANC. «L'ANC est peut-être en déclin, mais devrait toujours remporter l'élection au niveau national», prédit Susan Booysen, analyste politique à l'université du Wits à Johannesburg. Trois villes majeures seront néanmoins scrutées par les observateurs: la capitale Pretoria, le poumon économique Johannesburg (nord) et la ville industrielle de Port Elizabeth (sud-est), où des sondages de l'institut Ipsos South Africa donnent la DA en tête. Un revers dans l'une ou plusieurs de ces villes serait assurément vu comme un échec retentissant pour le parti au pouvoir et placerait le président Zuma dans une position inconfortable, voire intenable, à trois ans de la fin de son deuxième et dernier mandat. On entre désormais dans une époque où le résultat des élections ne peut être prédit avec certitude. Ca n'a jamais été le cas avant», estime Prince Mashele. «L'ANC a compris la position délicate dans laquelle il se trouve et fait tout pour s'assurer la victoire dans les principales villes», explique Susan Booysen. Lors de l'ultime meeting de l'ANC, dimanche, dans un stade de Johannesburg, le parti a mis en avant les figures de la lutte contre l'apartheid avec la présence remarquée de Winnie Madikizela-Mandela, l'ex-femme de Nelson Mandela. La campagne électorale a aussi été directement marquée par plusieurs cas de violences. Selon le gouvernement, 13 personnes sont mortes à la suite d'affrontements internes au sein de l'ANC, principalement dans la province du Kwazulu-Natal (est) tandis qu'en juin des émeutes dans des townships de Pretoria avaient fait 5 morts.