Si les observateurs politiques s'accordent à dire que la tournée maghrébine du président français a été un succès, sa qualification du Sahara occidental de «provinces du sud du Maroc» lors de son passage à Rabat a quelque peu terni les choses. Le Front Polisario a immédiatement réagi à cette gaffe diplomatique du président français par l'entremise de son secrétaire général, Mohamed Abdelaziz, président de la RASD qui a indiqué: «Encore une fois, la France officielle, singulièrement son président, viole sans vergogne la légalité internationale qu'elle est censée défendre, en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.» Le Polisario, qui espérait que la tournée maghrébine de Chirac allait permettre une révision des positions françaises sur ce dossier, surtout que l'on a évoqué un arbitrage diplomatique français entre Alger et Rabat, exprime sa déception en soulignant que «l'alignement inconditionnel sur les thèses marocaines allant jusqu'à l'usage de la terminologie makhzénienne pour désigner le Sahara occidental (...) est révélateur des calculs colonialistes français dans la région du Maghreb». Mohamed Abdelaziz dénoncera par la suite «le parti pris de la France officielle» et voit, dans l'attitude de la France, «protectrice déclarée des dessins expansionnistes marocains», une manière de perpétuer le conflit qui dure depuis 26 ans et d'«entretenir les germes de la division entre les peuples du Maghreb». En langage moins diplomatique, les Sahraouis accusent le gouvernement français de jouer aux pyromanes dans la région et d'être l'inaliénable soutien du palais royal. Le président de la RASD indiquera que la France «s'est disqualifiée et ne saurait, dorénavant se prévaloir d'une quelconque neutralité et encore moins prétendre à un rôle dans le règlement du conflit maroco-sahraoui». Il conclura son intervention en s'interrogeant sur la légitimité de la présence dans le territoire sahraoui d'un contingent français au sein des forces de la Minurso. La colère sahraouie à l'égard de Paris est amplement justifiée par les derniers développements dans la région impliquant la partie française. Sur le plan diplomatique, la France a appuyé, de manière ostentatoire, la proposition de la «troisième voie» marocaine au sein des instances européennes ou onusiennes et a même tenté d'intercéder auprès de Madrid afin que cesse la tension avec Rabat. Sur le plan économique, la compagnie Elf Total Fina a décidé d'investir dans un gisement pétrolier sur le littoral sahraoui sans que l'ONU formule encore d'avis juridique et viole ainsi les conventions internationales concernant les conflits. Sur le plan militaire, la caution du gouvernement français au passage du rallye Paris-Dakar, la seconde fois consécutive, sur les territoires occupés risque de mettre le feu aux poudres dans la région surtout que le Polisario, à l'inverse de l'année dernière, ne veut pas demeurer spectateur d'une énième «violation» qui équivaut à un acte militaire. La formulation malheureuse de Chirac n'est pas tout à fait une surprise pour ceux qui suivent l'évolution des rapports franco-marocains tant le président français a toujours agi comme un protecteur du jeune souverain marocain.