Le roi Mohammed VI a choisi la date du 20 août, ô combien symbolique au regard des peuples marocain et algérien, pour évoquer, avec une remarquable hauteur de langage et de raison, les relations fraternelles entre les deux pays. Ce discours, prononcé à l'occasion de l'anniversaire de la Révolution du roi et du peuple marocain (le retour d'exil de Mohammed V), a fait l'éloge de la parfaite synergie entre la résistance que les deux peuples ont menée face à «la campagne féroce de la puissance coloniale» et leur «grand rôle dans la libération et l'indépendance de l'Afrique». Surtout, le roi du Maroc a mis en avant le contexte «que traversent les pays arabes et la région du Maghreb» pour revendiquer la résurgence de «cet esprit de solidarité» afin de «relever les défis communs de développement, les défis liés à la sécurité», d'une part, et pour exprimer, dans un élan peu banal, son aspiration «à renouveler l'engagement et la solidarité entre les deux peuples algérien et marocain pour continuer à travailler ensemble sur les questions maghrébines et arabes». La chose était devenue suffisamment rare pour mériter d'être relevée. Depuis plusieurs années, on s'est, pour ainsi dire, habitué aux invectives, diatribes et autres accusations fallacieuses, non seulement de la part des médias mais également de hauts responsables marocains. La question du Sahara occidental a cruellement empoisonné le climat entre Rabat et Alger, jusqu'à rendre ordinaires les réquisitoires les plus insensés de certains cercles du Makhzen. C'est dire si ce discours de Mohammed VI constitue une divine surprise. A priori, évidemment. Car si c'est bien là le langage responsable et digne qu'on a longtemps attendu en Algérie, et pour lequel il convient de saluer, avec la déférence requise, le monarque marocain, on doit néanmoins s'interroger sur l'opportunité, et surtout la sincérité, du message. Les tentatives récentes du Maroc pour rompre son isolement, délibérément choisi au sein de l'OUA, et la dimension de plus en plus forte de la Rasd parmi la communauté internationale ne sont-elles pas des raisons nécessaires et suffisantes pour expliquer, voire même justifier, ce glissement, pour l'heure strictement sémantique? Or, même si tel est le cas, on ne peut qu'applaudir un tel retour à la raison et à la bonne volonté. Qu'elles puissent, l'une et l'autre, contribuer vite et bien à la résolution de ce différend qui a tant et tant empoisonné les rapports entre les deux pays, alors que nos peuples ont tant et tant de choses en commun et que leur seul désir est de vivre, à l'instar d'autres régions du monde où ce qui sépare est bien plus important que ce qui unit, l'espérance indicible de l'Union du Maghreb Arabe, ce rêve, hélas mort-né, du grand souverain que fut Mohammed V. De grâce, réglons cette question pour ne plus regarder en arrière et pour nous inscrire dans le sens de l'histoire, en rendant justice au dernier peuple opprimé sur le continent africain. En cela, nous n'aurons pas perdu en vain quarante trois années qui pèsent lourd dans le destin des peuples et des individus. Fidèle à sa doctrine, l'Algérie ne saurait transiger sur le droit des peuples à leur autodétermination, elle qui a tant fait pour soutenir tant de résistances en Afrique et ailleurs, et son soutien à la cause sahraouie n'obéit à aucune autre exigence que celle-là. Pour peu que la volonté de cimenter des retrouvailles sincères existe et dès lors que le souhait de revitaliser l'UMA prédomine, la réponse est manifeste. Le dogme de sa politique étrangère n'est-il pas fondé sur les vertus du dialogue et la recherche constante de la paix, de la solidarité et de la coopération entre les peuples?