Une rentrée ruineuse pour les chefs de famille «Dieu merci, je n'ai qu'un seul enfant scolarisé! Que Dieu soit avec ceux qui en ont deux ou trois», se console Abdelhamid. Intouchables, inabordables et hors de portée, tels sont les mots qui reviennent le plus ces jours-ci sur les lèvres des pères de familles en discutant entre eux dans les transports en commun, au marché, dans les cafés et les places publiques. Ce n'est pas du prix du mouton de l'Aïd El Adha qu'ils parlent, mais des prix des fournitures scolaires pour leurs enfants scolarisés. «Les prix donnent le vernis mon ami! Je ne sais pas s'ils facturent en dinars ou s'ils font de la conversion de l'euro en dinar?. Tu te rends compte! une trousse à 600 DA!», dira un père de famille en discutant avec son ami au tramway d'Alger. Et à son ami de lui répondre: «Et le simple sac à dos qui se vend à 4000 DA, tu ne l'as pas vu toi?». «Dieu merci, je n'ai qu'un seul enfant scolarisé! Que Dieu soit avec ceux qui en ont deux ou trois», a ajouté le premier père de famille, en espérant des jours meilleurs pour le pays et le peuple; «rebi yestar». L'expression de ce père de famille, nous l'avons entendue hier des dizaines de fois de la bouche de plusieurs pères et mères de familles venant faire le tour au marché des Trois Horloges de Bab El Oued. «Un cahier de 288 pages à 200 DA, une gomme à 140 DA, des jetons et des bûchettes éducatives à 70 DA, un ciseau sécurisé pour enfant à 140 DA. Ce n'est pas normal. C'est trop, c'est trop!», répétait une maman qui s'est fait accompagner par sa fille scolarisée en 3e année moyenne. «S'ils ne veulent pas qu'on continue à envoyer nos enfants à l'école, qu'ils nous le disent?», a-t-elle ajouté, en tirant sa fille de la main pour changer de table et de vendeur. «Règle souple de traçage à 180 DA, pinceaux de 12 pièces à 400 DA, pâte à modeler à 600 DA, colle stick à 120 DA, c'est incroyable! c'est du vol, ça», répétait à voix haute un père de famille qui demandait à un commerçant les prix de ces affaires. «Nous sommes pour rien dans ces prix, Ammou (mon oncle). Nous aussi, nous les avons achetés cher et nous sommes aussi étonnés que vous», répliquait gentiment le vendeur qui tenait la table. Et à ce commerçant de s'adresser à nous, une fois ce père de famille parti. «Ce sont eux qui ont fait augmenter les prix des fournitures scolaires. Ils cherchent les meilleures couleurs, les meilleurs dessins, les fournitures importées pour satisfaire à tout prix les caprices et les fantasmes de leurs enfants. Qu'ils en assument les conséquences maintenant», s'insurge ce jeune vendeur qui ne semble pas du tout d'accord avec l'importation des fournitures scolaires. «De grâce, dites-moi, y a-t-il une différence entre un cahier dont le protège porte plein de dessins et un autre non. Y a -t-il une différence entre un sac à dos fait de coton ou de soie et un autre de plastique. Il n' y a aucune différence. Ils servent tous à une même fin», a-t-il ajouté sur un ton de regret, appelant les parents d'élèves à s'en rendre compte et ne pas se soumettre facilement aux caprices de leurs enfants qui eux aussi sont des victimes de campagnes de publicité qu'on diffuse sur les chaînes TV et ces derniers temps même sur les réseaux sociaux. Dans ce sillage, il faut dire que les pédagogues et les enseignants ont déjà tiré il y a quelques années la sonnette d'alarme quant à ce phénomène de l'achat des fournitures scolaires importées au détriment des fournitures fabriquées localement. Selon ces derniers, les fournitures importées n'apportent rien de plus et d'utile à la scolarité des enfants, sinon beaucoup de mal et d'inconvénients. «Un cahier aux mille et une couleurs ne peut que détourner l'attention de l'élève pour suivre le cours en classe. Une trousse qui porte un dessin animé préféré de l'enfant ne fait que transformer les heures que passe un enfant en classe aux heures qu'il passe devant la télévision ou devant son P.C», nous dira Smaïli Rachid, enseignant retraité de langue française questionné par nos soins. Et d'ajouter: «Ces nouvelles fournitures scolaires non seulement détournent l'attention des élèves des leçons présentées en classe, mais peuvent s'avérer même dangereuses pour leur santé. La pâte à modeler d'aujourd'hui ne diffère pas du chocolat. Les ciseaux d'aujourd'hui sont de vrais couteaux. Les couleurs foncées peuvent provoquer l'asthme aux enfants qui aiment respirer ces couleurs, etc.»., a-t-il ajouté, demandant aux autorités compétentes d'agir dans le sens de restreindre ces importations et développer une industrie locale pouvant «algérianiser», pourquoi pas, les fournitures scolaires.