Une décision surprenante qui ne semble pas tenir compte de l'intérêt de l'industrie automobile naissante Cette libéralisation étonnante est vue par nombre d'observateurs comme un lâchage en règle de l'industrie nationale de l'automobile naissante. 11 ans après leur interdiction, les véhicules d'occasion vont être de nouveau autorisés à l'importation. «Le gouvernement a décidé, dans le cadre du projet de loi de finances 2017, de lever l'interdiction de l'importation des véhicules d'occasion», a déclaré, hier, le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb lors de son passage au Forum du quotidien public El Moudjahid. Un décision surprenante qui ne semble pas tenir compte de l'intérêt de l'industrie automobile naissante. Et pour cause, pareille décision est de nature à faire exploser le compteur des importations de ce type de voitures. Il est aussi attendu à ce que le pays d'origine de ces véhicules soit la France. Sachant le «faible» qu'ont les consommateurs algériens pour les marques de l'Hexagone, on peut aisément imaginer la partie qui va tirer un grand profit du retour des véhicules d'occasion sur le marché algérien. Et comme la filière est parfaitement organisée en France, il est clair que par cette décision de lever l'interdiction d'importation de voitures âgées de moins de trois ans, l'Algérie participera très sérieusement au sauvetage de l'industrie française aux dépens de celle qu'elle tente de mettre en place en Algérie. Connaissant les tendances lourdes de la consommation algérienne d'automobiles, on peut avancer sans trop de risque de se tromper que l'industrie mécanique nationale sera rudement concurrencée sur son propre marché. Si aujourd'hui la Symbol se vend bien, il n'en sera pas de même en 2017 où les Algériens lui préféreront la Clio française Made in France. Cette annonce du ministre met en difficulté un autre projet, du constructeur Hyundaï, dont la production devrait démarrer en novembre prochain. Ainsi, après un investissement lourd, le partenaire algérien de la marque sud-coréenne, prend le risque d'une concurrence déloyale et impossible à vaincre, compte tenu de la spécificité du marché et de l'abandon du soutien de l'Etat. Cette libéralisation étonnante est vue par nombre d'observateurs comme un lâchage en règle de l'industrie nationale de l'automobile qui, pourtant, commence à bourgeonner. N'ayant pas de réponses par rapport à cet aspect des choses, le ministre s'accroche, dans son intervention, au volet strictement commercial. «On va lever cette interdiction et élaborer un cahier des charges bien précis qui permet de ne pas importer des véhicules représentant des dangers à la circulation. C'est-à-dire que nous allons autoriser l'importation de ces véhicules sous conditions», affirme-t-il, sans trop convaincre. En effet, cahier des charges ou pas, lorsqu'on crée les conditions d'une concurrence déloyale, rien n'y changera. Bakhti Belaïb note: «L'essentiel pour nous est que ce soit un marché transparent où l'acheteur a des garanties suffisantes.» Mais cela se fera sur le dos de la production nationale, dont on pensait le volume autour de 200.000 véhicules à l'horizon 2019, dans le cas où tous les projets programmés trouvent une concrétisation dans les délais raisonnables. De fait, un certain nombre d'interrogations s'impose: est-ce le moment pour ré-instaurer cette mesure alors que le pays se noie dans une crise financière sans précédent? En attendant le cahier des charges, avec quel argent seront financées ces voitures françaises? Qui sont ces Algériens qui se permettront de financer en euros un achat de voiture. Ce ne sont certainement pas ceux de la classe moyenne qui, en application de la législation n'auront droit qu'à 1000 euros à chaque voyage et 130 euros d'allocation devises par an. On se demande donc d'où cet argent va provenir...? Le ministre qui évacue ce genre de «problèmes», défend la décision, arguant qu'elle constitue un moyen de mettre fin à la surfacturation pratiquée par les concessionnaires! Avec quelle logique a-t-il fait cette analyse? On se le demande du fait que les autorités n'ont pas réussi à contrôler l'importation de véhicules neufs avec des prix fixes, comment le feront-ils avec des voitures d'occasion dont les prix sont libres...? Ne tournons pas autour du pot. C'est une mise à mort de l'industrie automobile que l'on tente de mettre en place. Pour la remplacer par une filière d'importation totalement contrôlée par l'informel, comme cela était le cas avant l'interdiction d'importer les véhicules d'occasion. Il semble que le lobby des concessionnaires qui a été fortement ébranlé par l'introduction des licences d'importation ait laissé la place vide, vite occupée par un autre lobby, peut-être plus dangereux. N'est-ce pas les mêmes individus qui se reconvertissent? l'avenir nous le dira.