Dans cet entretien, l'analyste et boursier Noureddine Legheliel, commente la réunion informelle de l'Opep à Alger, tout en anticipant sur la réaction du marché pétrolier à l'aune de cette rencontre. Boursier depuis des décennies chez Carnegie en Suède, M. Legheliel est un fin analyste connu pour la pertinence de ses contributions dans les médias nationaux et internationaux. L'Expression: Une réunion informelle de l'Opep se déroule aujourd'hui et demain à Alger. Comment entrevoyez-vous les résultats de ces rencontres capitales? Noureddine Legheliel: Si on se limite à un niveau superficiel de lecture on est tenté de dire que le marché pétrolier international a déjà anticipé l'échec de cette réunion à travers les baisses qui ont marqué les cours, ces derniers jours. Cependant et vu la volatilité qui se distingue actuellement sur le marché pétrolier, il suffira d' une petite information positive de la part du représentant saoudien ou du représentant russe dans cette réunion pour faire envoler les cours créant ainsi une surréaction sur le marché. Et sur ce point bien précis, je crois personnellement à des hausses des prix du baril durant cette réunion, ce qui donne toute son importance à cette rencontre. Le conflit larvé entre l'Iran et l'Arabie saoudite aura-t-il un impact sur les décisions de cette réunion? Je rejoins l'avis de l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, qui avait déclaré à la chaîne Bloomberg au mois d'août dernier que les Saoudiens sont en train d'atteindre le pic de leur production. En d'autres termes, ils ne peuvent pas produire plus que ce qu ils sont en train de faire aujourd'hui. Pour les Iraniens, il faut tenir compte du chiffre de leurs exportations pétrolières plus que du chiffre de leur production quotidienne. Après la levée des sanctions occidentales, l' Iran est en train de vivre un boom économique et industriel sans pareil. La consommation interne en pétrole de l'Iran a atteint des pics historiques. Ce sont des éléments très importants à prendre en considération dans toute analyse qui se veut objective. Aussi, un éventuel gel de la production du pétrole des pays de l Opep et des pays non-Opep serait dans l' intérêt de l' Iran et de l'Arabie saoudite. Vous êtes mieux placé pour dire que les prix du pétrole se décident ailleurs que dans des réunions publiques... Oui, je l' ai dit à maintes reprises et je redis mille fois s' il le faut, que les vrais acteurs du marché pétrolier se trouvent à la Bourse de Nymex (le marché à terme du pétrole américain WTI) et au marché londonien ICE (le marché à terme du Brent). Ce sont ces acteurs qui décident du prix du baril des deux références (WTI et Brent), ce n'est personne d'autre. Et dans cet ordre d' idées, j'ajouterai que si la plupart des experts pétroliers disent et redisent qu'on ne reviendra plus à la situation d'un baril à 100 ou à 120 dollars, je dirai moi aussi, en me référant toujours aux traditionnels instruments d'analyses basés sur les indicateurs du marché pétrolier, «on ne reviendra pas non plus à la situation d'un pétrole bon marché qui se vendrait à 30 ou à 40 dollars. Le marché pétrolier vient de retrouver sa force durant le printemps 2016. Une moyenne des prix du Brent de 65 et même 70 dollars serait attendue pour l'année 2017 et c'est une anticipation qu'il faut sérieusement prendre en considération. De la «diminution de la production», l'Algérie invente le concept «du gel de la production». L'idée est-elle intéressante? L'idée est bonne si elle est suivie par la plupart des pays présents à cette réunion et d'autant plus qu'elle répond positivement à la psychologie du marché pétrolier. Face à la baisse et à la stagnation persistante du prix (les cours du baril se trouvent dans un trading range depuis la fin du mois de mai 2016), un gel de production diminue graduellement le surplus de l'offre qui se trouve sur le marché. Et comme d'habitude et d'une manière prématurée, le marché évaluera une telle action. De nombreux spécialistes estiment que le fait de réunir autant de pays à Alger, dont notamment l'Iran et l'Arabie saoudite, est déjà une grande victoire de la diplomatie économique algérienne. Oui, l'on peut considérer cela comme une victoire diplomatique. A ce titre, il convient de saluer l'extraordinaire dynamisme du ministre de l'Energie, Nourredine Bouterfa, pour sa volonté et surtout l'audace qu'il a mis pour préparer cette réunion.