Une éclaircie des prix se profile à l'horizon Boursier depuis des décennies chez Carnegie en Suède, Noureddine Legheliel est un fin analyste connu pour la pertinence de ses contributions dans les médias nationaux et internationaux. Dans cet entretien, il dissèque le marché pétrolier avec une incroyable précision, analyse le marché. Mieux encore, il prodigue des conseils qui valent...des barils de pétrole. L'Expression: Les prix du baril connaissent une baisse jamais égalée. Comment expliquez-vous cette vertigineuse chute à votre avis? Noureddine Legheliel: Cela s'explique par la conjonction de plusieurs facteurs. La surabondance de l'offre sur les marchés internationaux et qui est due au boom des pétroles de schiste aux USA, le statu quo de l ́Opep avec le refus de l ́Arabie saoudite de baisser sa production. A cela, il faut ajouter le ralentissement de l ́activité économique en Chine et les crises financières que connaissent certains pays émergents comme le Brésil. Il ne faut pas oublier qu'il y a également une reprise économique fragile aux USA et incertaine dans les pays de l ́Ocde, le cycle baissier des prix des matières premières. Tous ces facteurs réunis ont déclenché chez les acteurs du marché pétrolier et plus particulièrement chez les financiers, une hystérie de spéculations á la baisse (des prises massives de positions courtes). En votre qualité d'expert boursier aviez-vous prévu cette chute? Oui, j ́avais observé les premiers signes d ́un effondrement des cours du pétrole déjà au mois d ́août 2013, c'est-à-dire, 10 mois avant le début de ce crash (vendredi 20 juin 2014). C'était en lisant le bilan et les comptes de résultats des deux grandes banques d ́affaires américaines Goldman Sach et JP Morgan qui furent pendant des années de grands acteurs sur le trading du pétrole (WTI et Brent), que j ́avais découvert que ces deux banques avaient potentiellement réduit leurs portefeuilles des positions ouvertes sur le pétrole. Au début de septembre 2014, alors que le prix du WTI était encore à 86 dollars et celui du Brent à 89 dollars, je réalise enfin que nous étions entrés, dans un crash. Les deux banques citées, ainsi que 17 autres banques avaient commencé à inonder les marchés à terme du pétrole de Nymex et de ICE avec des positions courtes et le marché des options avec les options put. Pourquoi n'avez-vous pas écrit dans les médias pour alerter l'opinion sur ce «drame»? Vous avez sûrement constaté la justesse de ces analyses sur les colonnes même de votre respectable journal. J ́avais prévu le crash pétrolier de 2008 deux mois avant son commencement (je vous renvoie à l'article publié par le journal Al Khabar, le 1er juin juin 2008. Dans le même journal j ́avais anticipé une reprise du prix du baril (article publié le 17 décembre 2008) et tant d ́autres articles écrits dans plus de 10 quotidiens algériens. Cela étant, je me permets une petite digression avec votre aimable permission: malgré toutes ces analyses pertinentes à chaque fois justes et confirmées, je n'ai jamais eu un mot de remerciement, voire d'encouragement de la part des responsables politiques de mon pays ou à la limite, de gestionnaires notamment dans le domaine pétrolier. Entendons-nous bien je ne cherche ni de prix ni de notoriété, mais comprenez qu'en tant qu'émigrés dans un pays étranger, nous sentons profondément un encouragement venant de responsables de notre pays. Un simple mot vaut son pesant d'or. Je cite à titre d'exemple cette lettre que j'ai adressée en septembre au P-DG de la Sonatrach Amine Maâzouzi lui expliquant mon souhait de transmettre mes connaissances et mon expérience dans le domaine du trading du pétrole aux cadres de la Sonatrach. Pas la moindre réponse à ce jour! Ici en Suède, mon pays d'accueil, je rencontre chaque trimestre les responsables financiers de plusieurs entreprises suédoises cotées en Bourse, de hauts responsables influent, mais font souvent preuve d ́une grande simplicité. Pourquoi nos responsables ne le font pas? C'est un devoir pour moi de contribuer à l'essor de mon pays, de le défendre. Nos responsables ont aussi le devoir de nous écouter...c'est la moindre des choses. Revenons à notre pétrole. Y a-t-il un espoir à ce que les prix connaissent un relèvement dans les prochains mois? Oui, il y a un espoir et avec une grande probabilité je dirais que les conditions sont réunies pour un renversement de la tendance. Je m'explique Primo: le 3 novembre 2015 le prix du contrat à terme de mars 2016 du Brent était de 50,60 dollars. Aujourd ́hui mercredi (hier mercredi Ndlr), ce même contrat se négocie á 28,14 dollars (une baisse des prix de l ́ordre de 44% en l'espace de deux mois et 17 jours). La psychologie des marchés financiers et celle des marchés des matières premières nous apprennent que lorsqu'une baisse ou une hausse de tendance s ́accélère dans un espace de temps réduit, l ́on s ́approche à un renversement de tendance. Cela peut-être le cas maintenant ou dans un avenir proche, le renversement de tendance á la hausse sera euphorique. Il ne faut pas s ́étonner de voir des hausses de 10% en une seule journée Secundo: la courbe des positions longues et des positions courtes détenues les deux à la fois par les swap dealer viennent de se rencontrer, chose qu ́on n'a pas vu depuis l ́été 2012 cela représente une indication haussiére Tercio: les structures du marché á terme du WTI ainsi que les structures du marché à terme du Brent sont en Contango (une indication haussière). Les observateurs n'y voient qu'un seul obstacle majeur au relèvement des prix. Tant que l'Arabie saoudite persiste à garder ses quotas au sein de l'Opep, les prix stagneront. L ́Opep, et l ́Arabie saoudite à sa tête, peut propulser le prix du Brent vers les 60 dollars si elle met en scène le scénario suivant: 1- choisir le jour de la tenue du sommet de l ́Opep á Vienne. Cela doit se faire de préférence un jeudi ou un vendredi (un secret boursier que je ne peux pas révéler). Ensuite, choisir un moment où il ne reste que 10 jours ou une semaine pour la date d ́échéance du contrat des options du mois le plus près. Par ailleurs, il ne faut jamais tenir un sommet de l'Opep pendant les jours fériés aux USA. Enfin, organiser un sommet lorsque la tendance vient de repartir à la hausse. S'agissant de la baisse de la production, il faut qu ́elle soit grande et inattendue pour les acteurs du marché pétrolier. Un jour adéquat pour la tenue du sommet de l ́Opep et une grande et inattendue réduction de la production créeront une surréaction sur le marché pétrolier que ce soit á Nymex ou à ICE et propulsera les cours vers des sommets tant rêvés. Quel impact aura le retour de l'Iran sur le marché? Cette information véhiculée pendant des mois par les prestigieux médias financiers américains et internationaux sur un retour de l ́Iran sur le marché pétrolier est déjà intégrée dans les cours du WTI et du Brent. Les médias spécialisés s ́en servent pour trouver un prétexte à la chute verticale que connaît le marché pétrolier actuellement. La véritable raison de cette chute de 44% en l'espace de deux mois et 17 jours, il faut aller la chercher du côté des banques d ́affaires qui ont renforcé leurs positions courtes pour atteindre les 346.000 contrats. Mais pour cette information, les médias financiers internationaux ne sifflent pas un mot.