Toutes les tentatives de renouer avec l'activité culturelle à Contantine n'ont pas atteint l'objectif tracé par leurs initiateurs. Les journées à la ville sont toujours monotones et les soirées constantinoises sont tristes. De l'avis de nombreux Constantinois, les quelques manifestations qui ont été organisées et qui continuent de l'être, n'arrivent pas à se débarrasser de leur «cachet conjoncturel». Même l'opération de jumelage entre Constantine et la ville française de Grenoble, annoncée en grand pompe il y a cinq ans, n'a pas eu les retombées attendues. Les salles de cinéma ont été fermées, l'une après l'autre, dès le début des années 90, c'est-à-dire au moment où l'Algérie, en tant qu'Etat et nation, était réellement menacée de désintégration. La régression économique et sociale, la terreur imposée par les groupes armés, la fermeture des unités de production, les scandales de tout genre et la déprime généralisée, ont poussé la société constantinoise à se recroqueviller sur elle-même. Avec la généralisation de la parabole, d'un côté et l'accélération du rythme de mutation de l'autre, d'autres moeurs sont apparues. Et une génération a grandi sans avoir eu la chance d'assister à la projection d'un film en scope dans une salle de cinéma. Si la salle de cinéma du centre culturel Al Khalifa continue de fonctionner aujourd'hui, c'est grâce aux efforts de Cirta Films, une boîte dirigée par d'authentiques cinéphiles. Cette société qui a réussi à acquérir plusieurs films et assurer des projections en avant-première mondiale en Algérie, a permis à des milliers de jeunes de découvrir le grand cinéma. Récemment, des milliers d'enfants ont pu voir, en avant-première mondiale, c'est-à-dire avant les Etats-Unis, le film Harry Potter 3. Une autre performance à mettre sur le compte de Cirta Films, c'est la venue du célèbre réalisateur égyptien, Youcef Chahine et la présentation de son dernier film Alexandrie - New York. Il est resté quatre jours à Alger. Et toutes les tentatives pour permettre au public constantinois de revoir ou d'approcher pour la première fois, l'un des plus grands réalisateurs, se sont avérées vaines. Une polémique s'en est suivie et chaque partie a essayé de se renvoyer la balle. Les responsables de la culture à Constantine ont déclaré qu'on leur a signifié que Youcef Chahine ne pouvait rester à Constantine que deux heures, chose qu'ils ont catégoriquement refusée. Entre-temps, Constantine semble s'accommoder de sa torpeur. A l'instar de la majorité des Algériens, les Constantinois sont devenus des mordus de la parabole et des chaînes françaises. Que les salles de cinéma, l'ABC, Royal, Annasr, Versailles, Numidia restent fermées ou changent carrément d'activité, cela n'intéresse vraiment plus personne aujourd'hui. Que ces mêmes salles soient menacées de délabrement, cela n'émeut personne. Pour faire revivre le cinéma à la ville des Ponts, il faut plus que de la bonne volonté. Il faut réunir les conditions objectives pour créer une véritable révolution, nous dit-on. D'abord assurer la sécurité des gens, le transport et encourager la société constantinoise à retrouver la vie nocturne qu'elle a perdue depuis des lustres. Ensuite, régler tous les problèmes juridiques des salles de cinéma. De l'avis des hommes de culture, c'est un travail de longue haleine que certaines associations culturelles ne peuvent pas assumer à elles seules! Autre preuve de la décadence culturelle à la ville, le TRC, n'est plus ce qu'il était. Il est devenu l'ombre de lui-même, après avoir été durant des années à l'avant-garde. En un mot, Constantine n'arrive plus à retrouver ses marques. Et ce n'est pas le 16 avril, Youm El Ilm, le printemps de Cirta ou les artistes «jetables» et les comédiens «prêt-à-porter» qui vont y changer quoi que ce soit.