Photo : Sahel De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi En public connaisseur, mélomane de surcroît, le Constantinois veut sortir des sentiers battus pour renouer sans hésitation avec les aires de divertissement. Pour preuve, les salles de spectacles n'ont pas connu un effet escompté en la matière durant le mois sacré. Certaines d'entre elles ont chômé durant quelques soirées. Certains responsables ont même dû faire du porte-à-porte pour inciter la population à venir aux spectacles. Ils essayaient de sauver les meubles pour une animation nocturne en deçà des attentes des «veilleurs» de Ramadhan. En effet, l'audience a affiché un seuil minimal. Malgré la présence d'un programme fructueux -comme à l'accoutumée, dominé par des prestations de malouf- élaboré conjointement par la direction de la culture, le Théâtre régional et le comité de l'animation culturelle de la commune, les habitants de la capitale de l'Est sont restés indifférents aux programmes officiels. Ils cherchaient d'autres initiatives avec d'autres menus pour remplir les salles dans la cité. Les mentalités, voire les aspirations du public ont changé. Ce n'est nullement une question de finance qui a contraint la population locale à bouder les programmes ramadhanesques à coloration andalouse. C'est le remake des éditions précédentes en raison de l'uniformité et des clichés des thèmes présentés qui ont saturé les initiés constantinois au spectacle. «Globalement, je dirais que les soirées de cette saison ont débuté timidement durant la première semaine du mois sacré. On a remarqué une assistance au début de la deuxième semaine», devait nous dire le directeur de la culture, M. Nettour, et d'insister sur l'affluence qu'a connue la 6e édition de «Kharjet sidi Rached» à sa clôture. Cela étant l'avis du responsable, la réalité des journées de cette manifestation à caractère aïssaoua de l'avis de plusieurs adeptes de ce genre de chant, «Kharjet sidi Rached» aura brillé par un cocktail d'improvisations des pays maghrébins voisins qui a laissé ce public mélomane peu satisfait de cette sortie symbolique. A cela il faut ajouter le laxisme affiché chez les responsables concernés de l'animation quant au ratage à peine voilé par des «satisfecit» de ces trente soirées ramadhanesques. La commune embourbée dans ses déboires financiers n'a pas dégagé un budget assez conséquent pour faire venir des troupes à la dimension de Constantine. Aléas dans l'agenda des artistes ou absence d'engouement chez les décideurs, on aura préféré jouer la carte locale. Le constat est là alors : «Changeons pour survivre ! » Le malouf n'a pas baucoup retenti dans les salles, mais en plein air, dans un café de la banlieue de la cité Boussouf. Tout le mois de Ramadhan, les artistes locaux de ce genre musical ancestral se sont succédé sur la scène pour faire la boucle jusqu'à une heure tardive de la nuit. Sans engagement, encore moins de revendication matérielle, rien que pour remémorer probablement les fondouks de jadis où les cheikhs s'adonnaient à des prestations «émulatives». En tout cas, cet espace a concurrencé les officiels. Peu importent les intentions des mélomanes qui le fréquentent. Ce «bistro» est aussi prisé par quelques responsables locaux. Ces derniers ne devraient-ils pas calquer cet exemple pour tenter de faire renaître «la musique de chambre» dans d'autres lieux de la ville ? La demande est là. Il faut avoir des œillères pour passer à côté de son sujet. Qu'est-ce qui fait du café «Haouzi» le point de convergence des mélomanes et artistes de Constantine ? Ce n'est pas l'appellation des lieux qui appâte ce petit monde à la bonne oreille andalouse, mais plutôt l'ambiance conviviale qui y règne. «C'est un coin sympa, vraiment. On passe du bon temps. Un thé à 15 DA en plus de la bonne musique, c'est vraiment donné. Il faut encourager les initiatives dans ce sens, et dépolitiser la culture pour ne pas en faire des tremplins» pour ceux qui sont censés la servir et non s'en servir, analyse un habitué de ce café. Ainsi, le public est en quête de changement, de nouvelles «gaadate». L'ouverture de ces espaces redonnerait à coup sûr un second souffle à la culture locale en général et au malouf en particulier, resté confiné dans les salles où les officiels l'ont enfermé durant ce Ramadhan. En définitive, le café haouzi n'a pas éclipsé le malouf, mais il a harmonisé ses partisans trente jours durant.