Homme de culture, qui a eu à occuper de hauts postes, dont celui de ministre du Pétrole sous feu Hafedh El-Assad, l'ambassadeur de Syrie à Alger, Aïssa Derouiche, était hier l'invité de notre rédaction dans le cadre de notre rubrique «A coeur ouvert avec L'Expression». La rencontre, intervenue au lendemain du discours historique du président syrien, et à la veille du sommet de la Ligue arabe, prévu à Alger les 22 et 23 mars courant, a été l'occasion de faire le point de la situation, d'expliquer les positions et la démarche de Damas, mais aussi ce que ce pays, qui a beaucoup donné pour les autres, attend désormais de ses «frères» afin de ne pas subir le même sort que celui de l'Irak. Un passionnant débat dans lequel le complot sioniste dans la région est mis à nu, de même que la bonne volonté de la Syrie d'agir conformément à la légalité internationale, mais aussi de se conformer aux us et pratiques démocratiques, mais à son rythme et selon ses propres spécificités. La Syrie est désormais la cible des Américains, en quête de trois objectifs principaux depuis la chute du bloc soviétique : contrôler le pétrole du Moyen-Orient, protéger Israël et lutter contre le terrorisme islamiste. Ce sont là des vérités que l'ambassadeur de Syrie à Alger brandit tout de go afin d'expliquer la situation tendue qui prévaut dans la région. Cela, non sans démentir catégoriquement l'ensemble des accusations américano-israéliennes qui pèsent sur son pays. Toujours est-il que l'assassinat de Rafik Hariri est venu propulser le sujet sur le devant de la scène politique, médiatique et diplomatique, au point où le sujet est devenu le principal objet de discussion du prochain sommet de la Ligue arabe prévu à Alger les 22 et 23 mars prochains. Une occasion, donc, de demander à son Excellence Aïssa Derouiche, dont les propos paraissaient assez pessimistes en évoquant les positions arabes, ce que Damas attend de cette rencontre. Une occasion, aussi, pour notre invité de clarifier ses positions et d'expliquer véritablement les attentes de son pays. «Nous sommes, au contraire, très optimistes», tiendra-t-il a annoncer dès les premiers mots de sa réponse. Cela, avant d'ajouter vouloir remercier «des pays comme l'Algérie, l'Egypte, le Koweït, le Qatar et l'Arabie Saoudite pour tout ce qu'ils ont déjà fait sur le plan diplomatique en faveur de l'apaisement des tensions qui pèsent sur la région». Sur le plan légal, M.Derouiche rappelle que «la Syrie est venue au Liban à la suite d'un accord intervenu entre les deux gouvernements». Mieux, «les accords de Taef ont été approuvés par la Ligue arabe avant d'être transmis à l'ONU, ce qui fait que ce document appartient à toute la communauté arabe et non pas seulement à la Syrie et au Liban». Ajouter à cela le fait que «Damas a depuis toujours réagi très positivement à la résolution numéro 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU». Or, il n'y a pas de contradiction entre les deux documents, puisque le second ne prévoit aucun calendrier pour le retrait des troupes, lesquelles «doivent nécessairement demeurer aux frontières pour jouer leur rôle». Cela est d'autant plus réaliste que «la solution dans la région ne peut être que globale, concrétisant le droit du peuple palestinien, mais aussi le retrait des forces israéliennes des zones syriennes et libanaises qu'elles occupent depuis la guerre de 73». Puis, ce sera au diplomate de céder la place au poète et écrivain qu'est M. Derouiche pour ajouter que «le peuple syrien, comme tous les Arabes, demeurent incompris puisque leurs quêtes sont très simples, à savoir la paix dans le cadre de la justice et du respect de leurs droits légitimes, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui». Ainsi donc, «la Syrie attend beaucoup du sommet d'Alger». L'Ambassadeur, qui met en exergue au passage la place de notre pays dans le concert des nations et le rôle qu'elle a toujours joué en faveur de tous, précise que «la réussite de ce sommet est une nécessité et non plus un choix». Explication: «La Syrie, véritable creuset de la tolérance et de la stabilité dans toute la région, entraînerait tout le monde dans sa chute si d'aventure elle venait à être attaquée, cela sans oublier la résistance qui serait encore plus farouche que celle du peuple irakien.» Il ajoute qu' «en protégeant la Syrie, ce qui est leur devoir, les Arabes se protègeront eux-mêmes». Cela, sans oublier que «Damas a versé beaucoup de sang et d'argent en faveur de la plupart des pays arabes quand ils en avaient besoin». D'où sa certitude que son appel ne restera pas sans écho. Visiblement désolé que le monde arabe soit autant «rejeté», notamment depuis les attentats du 11 septembre, M.Derouiche souhaitera, pour finir, que «les Arabes profitent du sommet d'Alger pour se serrer encore plus les coudes afin de mieux survivre dans ce climat hostile, notamment en mettant en place un marché commun».