Le pouvoir et l'opposition en Egypte ont lancé une contre-attaque aux critiques du président syrien Bachar Al Assad, accusant son armée de « massacres » de Libanais et notant que sa « bravoure » ne se manifeste qu'après la guerre. Dans un éditorial intitulé : « Leur maison est de verre et ils nous lancent des briques », le journal gouvernemental Al Goumhouriya a critiqué hier sans ménagement le régime syrien. « L'armée égyptienne a beaucoup fait pour vous sauver au fil de l'histoire, alors que votre armée héroïque, protectrice de la patrie, a un dossier lourd de massacres de Libanais (...) et vous avez tué des milliers de vos citoyens à Hama et Alep lorsqu'ils se sont soulevés contre le régime d'Assad père », dit le journal. Le régime du président défunt Hafez Al Assad, père du président en poste, avait violemment réprimé la contestation islamiste dans les années 1980, notamment dans ces deux villes de Syrie, faisant des milliers de morts. La tension était montée entre Damas et Le Caire après le discours de M. Assad, le 15 août, dans lequel il avait qualifié, sans les nommer, de « demi-hommes » les leaders arabes ayant dénoncé l'« aventurisme » du Hezbollah libanais, après la capture de deux soldats israéliens. La presse cairote, qui y avait vu une attaque directe contre le chef de l'Etat Hosni Moubarak, avait promptement réagi, accusant M. Assad de manque de crédibilité, lui dont le pays n'a pas tiré depuis longtemps « une seule balle » pour libérer le Golan syrien occupé par Israël depuis 1967. M. Moubarak, lui-même, avait affirmé que l'époque n'était pas propice aux « surenchères gratuites ». La véhémence du ton d'Al Goumhouriya, mercredi, semblait marquer une escalade verbale. M. Assad « n'a revêtu l'uniforme militaire que lorsqu'il a été promu au sein du parti (Baas, au pouvoir), pour avoir une légitimité », écrit-il. Cet éditorial non signé se veut une réponse au discours de l'ambassadeur de Syrie au Caire, Youssef Ahmad, devant les ministres arabes des Affaires étrangères, qui ont discuté dimanche de la crise au Liban. M. Ahmad avait représenté le chef de la diplomatie syrienne Walid Al Mouallem, absent de la réunion. « L'ambassadeur, son président et son pays étaient dans le siège des spectateurs pendant toute l'offensive israélienne au Liban », note Al Goumhouriya. Reprochant à M. Ahmad ses propos sur le Hezbollah « qui a fait ce que les armées arabes n'ont jamais fait de leur histoire », le journal estime que c'est l'armée syrienne elle-même « qui est la source de plusieurs défaites ayant touché la nation arabe ». « Les Syriens nous ont appelés à l'aide en mai 1967, prétendant que les armées israéliennes allaient les attaquer », dit-il. Même si « toutes les photos de reconnaissance aérienne n'ont pas montré ces armées, l'honneur du président égyptien Gamal Abdel Nasser l'a poussé à sauver les Syriens et ce fut la défaite », relève le quotidien. S'adressant à M. Ahmad, Al Goumhouriya, il lui demande de s'excuser « immédiatement ». « L'Egypte est plus grande que le jeu auquel vous jouez ». « Votre maison est de verre et vous lancez des briques aux gens. Il est normal qu'ils ripostent avec du granit, surtout que le granit était la pierre préférée des pharaons », conclut-il. Le journal d'opposition Al Ghad, organe du parti éponyme, lance également sa diatribe contre Assad, un nom qui veut dire « lion » en arabe. « Bachar... un lion uniquement après la guerre », titre l'hebdomadaire, qui a consacré hier une pleine page aux critiques antisyriennes. « Son silence a été fortement remarqué pendant la guerre », note Al Ghad, en allusion au discours du Président qui est intervenu 24 heures après l'entrée en vigueur de la trêve entre Israël et le Hezbollah. Sur le terrain, il est à rappeler que le président syrien Bachar Al Assad a refusé le déploiement d'une force internationale à la frontière libano-syrienne, réclamé par Israël, qu'il considère comme un acte « hostile » à l'égard de son pays. Dans une interview diffusée hier par la télévision de Dubai, le président Assad a prévenu qu'un tel déploiement provoquerait un état d'hostilité entre les deux pays voisins. Le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, a conditionné, rappelle-t-on, la levée du blocus maritime et aérien imposé au Liban au déploiement d'une force internationale à la frontière libano-syrienne et dans l'aéroport de Beyrouth, lors d'un entretien mardi avec l'émissaire de l'Onu Terje Roed-Larsen, Israël réclame un tel déploiement pour faire cesser les transferts d'armes au Hezbollah libanais. R. I.