Le PJD du Premier ministre Abdelilah Benkirane a obtenu 125 députés, contre 102 à son principal rival, le PAM (libéraux) sur un total de 395 sièges, a annoncé hier le ministère de l'Intérieur au lendemain du scrutin. Pari réussi: aux affaires depuis 2011, les islamistes du PJD ont remporté avec une confortable avance les législatives au Maroc, et rempilent pour cinq ans à la tête du gouvernement avec comme ambition de «poursuivre la réforme». L'Istiqlal, le parti historique de la lutte pour l'indépendance, puis le Rassemblement national des indépendants (RNI), arrivent en troisième et quatrième position avec respectivement 45 et 37 députés. Huit autres partis se partagent le reste des sièges, dont la Fédération de la gauche démocratique (FGD), qui obtient deux députés. Le «parti de la lampe» -l'emblème officiel du Parti justice et développement (PJD) - a donc tenu sa promesse d'obtenir un deuxième mandat des Marocains pour «continuer la réforme», sur fond de «référentiel islamique». Dès vendredi soir, Abdelilah Benkirane, également secrétaire général du PJD, avait salué «un jour de joie (...) pour les Marocains». Quelques heures plus tôt, le PJD avait néanmoins dénoncé des tentatives de fraudes par des fonctionnaires de l'Intérieur pour favoriser le Parti authenticité et modernité (PAM) selon lui. Le ministre de l'Intérieur Mohammed Hassad a rejeté ces critiques «de la part d'un parti qui continue de douter de la volonté constante de toutes les composantes de la nation, et à sa tête sa majesté le roi, d'enraciner la démocratie comme un choix stratégique et irréversible». Selon des observateurs du Conseil de l'Europe, les législatives ont été organisées de façon «intègre et totalement transparente». Ces même observateurs n'ont constaté «aucune fraude» et ont fait part de leur doute de toute «interférence» sur le vote par des agents de l'Intérieur. Ces dernières semaines, le PJD a accusé de façon récurrente l'Intérieur, puissant ministère régalien, de partialité et d'agissements en sous-main en faveur du PAM, formation fondée en 2008 par un proche conseiller de Mohammed VI et dénoncée à mots couverts par ses détracteurs comme une courroie de transmission du palais. En 2011, le PJD avait remporté une victoire historique, quelques mois après une révision constitutionnelle menée par Mohammed VI pour calmer le «mouvement du 20 février», la version marocaine du Printemps arabe. Avec les déboires ces dernières années des islamistes en Egypte et en Tunisie, le PJD reste la seule formation islamiste encore à la tête du gouvernement dans un pays de la région. Sur le plan national, il conforte sa position dominante sur l'échiquier politique, où le roi, chef de l'Etat, reste néanmoins le seul décideur sur les questions stratégiques (l'international, la sécurité et l'économie), selon les analystes. Avec 125 députés, le PJD est encore en progrès par rapport à 2011 (107 sièges), et ce malgré cinq années d'exercice du pouvoir. De même pour le PAM qui, s'il arrive en seconde position du scrutin, fait plus que doubler le nombre de ses députés (47 en 2011). Le PAM, par la voix de son porte-parole Khalid Adnoune, s'est dit «très heureux de ces résultats». La formation libérale, qui se posait en rempart «moderniste» contre le PJD et «l'islamisation de la société», a de nouveau exclu toute alliance avec la formation islamiste. A elles seules, les deux formations raflent 227 députés, soit près de 60% de la chambre basse du Parlement, et consacre la «bipolarisation» de la scène politique, l'un des thèmes phare de l'avant-scrutin. Le taux de participation a été seulement de 43%, illustrant le désintérêt de nombreux Marocains, notamment les jeunes, pour les urnes. Selon la Constitution, le roi nomme le Premier ministre au sein du parti arrivé en tête des élections. Cela signifie logiquement que le Premier ministre Benkirane devrait être reconduit à son poste, et nouer des alliances pour former le prochain gouvernement. Ce qui était déjà le cas pour sa majorité sortante, qui comptait des communistes, des libéraux et des conservateurs.