Déchiré entre les revendications de deux camps inconciliables, le chef de l'Etat a tenté d'opter pour le «juste milieu». Réputé briseur de tabous hors pair, Bouteflika n'a pas failli à sa «légende» à l'occasion de son discours fait lundi soir à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la femme, à l'hôtel El Aurassi, en présence des membres du gouvernement, exceptionnellement accompagnés de leurs familles respectives. Le chef de l'Etat, qui a admis être plus à l'aise lorsqu'il improvise au lieu de lire son texte, a une fois de plus «brillé», tenant en haleine une assistance «bigarrée», formée de venues de divers horizons, invitées à dîner pour la circonstance. Il ressort, ainsi, du discours présidentiel, que celui-ci, tenu par le respect de la religion, surtout les textes coraniques, mais aussi certaines us et coutumes nationales, ne pouvait se résoudre à suivre les partisans de l'abrogation pure et simple du code de la famille. Celui-ci, rendu obsolète à la faveur des grandes mutations mondiales en train de s'opérer, est quand même farouchement défendu par la mouvance dite islamiste conservatrice. Bouteflika, qui rappelle avoir promis vouloir se pencher sur le sujet lors de sa campagne électorale, ajoute que «les amendements consacrent des avancées notables en faveur de la femme». Abandonnant, l'espace de quelques minutes le sérieux qui sied à pareille circonstance, il s'élancera dans une série de plaisanteries, visant à mettre en exergue ces «grands acquis». «S'il vous plaît, soyez magnanimes et ne nous opprimez pas, comme l'homme l'a fait durant ces quarante dernières années», s'exclamera-t-il sous un tonnerre d'applaudissements. Le discours, véritable plaidoyer de bout en bout, rappellera que durant la très courte période qui a suivi l'indépendance, insignifiante dans la vie d'une nation, des avancées très notables ont été faites en faveur de la promotion et de la défense des droits de la femme. Ainsi, cette dernière a pu voter bien avant les citoyennes de certains pays européens. De même, l'éducation garantie pour tous, sans distinction de sexe, a désormais permis à la femme d'occuper tous les postes, y compris les plus importants, notamment au sein du gouvernement, des services de sécurité et de l'administration publique. «Il y en a même qui ont brigué celui de magistrat suprême de la République», dira Bouteflika en faisant allusion à Louisa Hanoune, une femme pour laquelle il a affiché publiquement et à plusieurs reprises, son incommensurable admiration. «Si j'en avais le pouvoir, je lui aurais laissé bien volontiers ce poste. Mais le peuple est souverain dans ses décisions», dira-t-il. Bien avant cela et dans le long chapelet des hommages rendus à la femme algérienne et, à travers elle, à toutes les du monde, Bouteflika tiendra à en rendre un, particulièrement appuyé, venu du fond de son coeur, à une dame se trouvant loin de cette salle et pour laquelle il voue une profonde estime. Il s'agissait de Louisa Hanoune. Une femme dont le nom reviendra systématiquement dans le discours, tel un leitmotiv. Dans sa réponse aux «critiques polies» de la vice-présidente du Sénat, Zohra Drif, Bouteflika prendra une fois de plus pour exemple la présidente du PT. Il dira d'abord que si Mme Drif était diplomate, «elle aurait évité de revendiquer le jour même où des acquis lui étaient accordés». Cela avant de préciser qu'en politique, il faut faire preuve de ténacité et de pugnacité. L'exemple nous en est fourni régulièrement par une dame comme Louisa Hanoune, «qui est femme politique et demie, véritablement hors pair». Cela avant d'enchaîner sur le nombre peu important de dans les hauts postes de responsabilité pour répondre à son interlocutrice ne pas avoir trouvé celles qu'il faut à la place qu'il faut, mais aussi avoir pris en ligne de compte toutes les propositions ou presque, qui lui ont été initialement soumises par elle. «Je ne peux pas décréter du jour au lendemain que la moitié des ministres doit être des . J'ai des charges et des obligations vis-à-vis du peuple qui a voté pour moi». Cela avant de s'exclamer «trouvez-moi une vingtaine de Louisa Hanoune et j'irai vers la parité gouvernementale entre les hommes et les ». Conscient d'en avoir trop dit, allant jusqu'à gêner une bonne partie des présentes, venues applaudir, des révisions qu'elles fustigeaient hier, revendiquant l'abrogation pure et simple du code de la famille, comme le fait toujours... Louisa Hanoune, Bouteflika tentera de s'expliquer tout en détendant quelque peu l'atmosphère en martelant qu' «il est pour le moins anormal qu'un président fasse la promotion de l'opposition, mais l'honnêteté intellectuelle veut que je dise les choses telles qu'elles sont». La rumeur qui faisait état du souhait que Louisa Hanoune entre au gouvernement, maintes fois réitéré, mais en vain, se confirme ainsi. Cette dame, qui force l'admiration, précisément parce qu'elle ne se complaît d'aucun retournement vestimentaire, garde la tête froidement sur les épaules, et continue son travail de fourmi en direction des couches les plus défavorisées de la population, à travers une mobilisation constante et de tous les jours. A la fin de son discours, au moment où le dîner se faisait attendre et pour ne pas laisser les présentes sur leur... faim, le président s'est livré à des annonces nouvelles. Il s'agit de la mise en place imminente du conseil national de la femme dont le décret est daté de 1997, de mesures de grâce prises avec l'accord du ministre de la Justice, d'appliquer l'accord africain conclu à Mobutu en 2003 et de parachever la mise en place de tout un arsenal juridique en faveur de la prise en charge de l'enfance à travers tous ses aspects.