Des peshmergas en partance pour Mossoul Comme ils sont attaqués sur les fronts nord, sud et est de Mossoul, ses éléments devront nécessairement se ruer à travers la route de l'Ouest, en direction de Raqqa. Au moment où les forces irakiennes fortes de 30.000 hommes avancent sur trois fronts en direction de Mossoul, tous les regards sont braqués sur la ville «voisine» de Raqqa, en Syrie. Américains et Européens mesurent les enjeux stratégiques liés à la maîtrise de cet axe majeur qui représente la dernière carte de la coalition au Moyen-Orient sans laquelle le bilan définitif s'avérera bien faible. En admettant que l'offensive de tant de forces disparates, entre irakiens, peshmergas, turcs, coalisés etc, soit conclue au bout de quelques mois, les éléments de l'Etat islamique n'auront d'autre alternative que le combat à mort ou la fuite. Et comme ils sont attaqués sur les fronts nord, sud et est de Mossoul, ils devront nécessairement se ruer à travers la route de l'ouest en direction de Raqqa. Des sources concordantes ont indiqué que la fuite a déjà commencé et c'est pourquoi le chef d'état-major russe a mis en garde, voici quelques jours, contre cette nouvelle menace qui viendra s'ajouter au bras de fer à Alep entre l'armée syrienne et son allié russe, d'une part, et les groupes d'opposition parmi lesquels le front Al Nosra, alias Fath al Cham, qui a rejeté l'offre de sortie proposée par Damas, de peur d'une défaite consommée que redoutent aussi les mentors de la coalition internationale. Le président français François Hollande a d'ailleurs averti jeudi que Raqa, dans le nord de la Syrie, pourrait être «le prochain objectif» après la reprise de la ville irakienne de Mossoul si les dirigeants du groupe Etat islamique (EI) y trouvaient refuge. «La prise de Mossoul, c'est très important mais si on laisse partir, ce qui est un risque, les dirigeants de Daesh vers Raqa, c'est vrai que le prochain objectif peut être Raqa, en Syrie», a déclaré le chef de l'Etat français à son arrivée à un sommet européen à Bruxelles. Lors d'une conférence de presse clôturant la première journée du sommet, François Hollande a précisé qu'en cas d'offensive contre Raqa, la France «appuierait des forces qui pourraient être arabes, kurdes» et «rassembler des composantes modérées de l'opposition au régime». «Nous devons être exemplaires sur le plan de la poursuite des terroristes qui déjà quittent Mossoul pour rejoindre Raqqa», a-t-il conclu, répondant sans le savoir aux avertissements du général Guerassimov, chef d'état-major russe. Restait la réaction américaine. Elle n'a pas tardé avec la déclaration du secrétaire d'Etat adjoint américain Anthony Blinken qui a estimé hier qu'après l'offensive pour chasser les jihadistes du groupe Etat islamique de Mossoul, la coalition internationale devait «absolument» reprendre la ville de Raqa, «capitale» de l'EI en Syrie. «Nous avons devant nous un moment d'opportunité et d'urgence, avec Mossoul, mais également avec Raqa. Nous avons la chance de reprendre ce «califat géographique», d'éliminer ce califat (...) Il faut faire les deux choses, Mossoul en Irak et Raqa en Syrie», a déclaré M. Blinken sur la radio française RTL. «Après Mossoul, on verra Raqa, absolument. L'urgence, c'est Raqa, c'est de cette ville que Daesh (acronyme arabe de l'Etat islamique) planifie les attaques extérieures. Raqa, c'est la vraie capitale» de l'EI, a poursuivi le numéro deux de la diplomatie américaine. Raqqa est la capitale politique et administrative de l'EI. Daesh est arrivé dans la ville au milieu de l'année 2013. Quelques mois plus tard, il en a chassé les forces rebelles - islamistes et jihadistes inclus - qui remettaient en question son autorité, à la suite d'une bataille sanglante. Située au nord de l'Euphrate, la ville syrienne compterait aujourd'hui environ 200.000 habitants, beaucoup moins que les 1,5 million d'habitants de Mossoul, mais un chiffre conséquent. À Mossoul, les Américains ont misé sur les peshmergas en s'efforçant de rassurer la Turquie, tout en coordonnant avec Baghdad et les milices chiites, armées par l'Iran. Un jeu d'équilibre des plus risqués qui va sans doute peser fortement sur le destin futur de Mossoul... et de l'Irak. Or, la situation en Syrie sera totalement autre et Raqqa ne sera donc pas une simple balade dans le désert arabe. En agitant la carte des PYD, branche syrienne du PKK kurde qui irrite gravement Erdogan, à peine apaisé par la prise de Dabiq, une ville prophétique de l'apocalypse version jihadiste, et en hésitant à désavouer la présence d'Al Nosra à Alep, groupe terroriste liée à Al Qaïda, Washington et avec lui la coalition auront du mal à convaincre quant à la sincérité de leur position dans la guerre en Syrie. Surtout que Damas et ses alliés savent pertinemment quel enjeu représente Raqqa.