Ammi El Hadj est un quinquagénaire appelé à s'expliquer sur les coups et blessures volontaires occasionnés au jeune Mahdi L. Depuis le lancement de cette petite rubrique du cadet des canards nationaux, vous aviez eu à suivre de drôles, graves, sérieuses affaires tournant autour de rixes, bagarres, parties de karaté, boxe violente dont les auteurs inculpés et victimes confondus sont des ados. Aujourd'hui, le prévenu dépasse la cinquantaine et la victime la vingtaine. C'est malheureux de le signaler, de nos jours, il y a des personnes qui adorent s'occuper des affaires des autres. Rabah L. dit «Ammi El Hadj» a un petit commerce à Larbaâ (Blida), et ne supporte jamais les jeunes hittistes abattus par l'oisiveté, le chômage et le dénuement. Le hic, c'est que certains s'adossent contre le mur qui fait face au local de Rabah, l'inculpé. Jamais peut-être au cours de sa carrière, Chaïb, le président du Tribunal de Larbaâ (Cour de Blida) n'a eu à gronder un inculpé de coups et blessures d'un - non pas un jeunot débile, agressif ou encore inconscient - mais un vieux qui semble être dérangé par la présence d'individus dans les alentours. «Vous aviez déclaré que vous ne permettez pas à des jeunes de vous faire face. La rue appartient à tous les enfants de cette belle localité», gronde le juge qui rejette du revers de la main l'idée que l'inculpé ait crié dix fois qu'il avait souffert de cette insupportable situation, qu'il avait chassé mille fois ces jeunes, en vain. C'est alors qu'El Hadj s'accroche à la provocation. Le magistrat ne veut pas de ces idées rétrogrades. «Il ne vous appartient pas d'empêcher les jeunes de rester où ils le désirent dans la rue», tonne Chaïb. Rabah évoque les grossièretés, les jets de pierre et autres insultes à tout instant. Gaci, le procureur s'en mêle et reproche à l'inculpé de ne pas avoir déposé plainte. Silence, motus et bouche cousue du prévenu qui s'est trouvé coincé par cette remarque. Il trouvera tout de même une petite «sortie» en racontant qu'il avait été agressé à l'intérieur de son magasin. «J'étais en légitime défense. Mahdi m'a même asséné des coups de gourdin, Rida m'a injurié et je...».? Le parquetier ricane et rétorque que les victimes n'étaient pas toutes à la barre pour une confrontation. «De toutes les façons, le président a sous les yeux les PV d'audition des victimes», ajoute le procureur qui demande un an de prison. Me Naïm Aïssi, le défenseur du vieux soulève, avant de réclamer les circonstances atténuantes suite aux provocations, l'âge de son client qui n'a en fait, que se défendre contre le laxisme et le laisser-aller de ceux qui sont chargés de maintenir l'ordre: «Mille fois, il est allé se plaindre. En vain, les jeunes de Larbaâ semblent se comporter comme ils l'entendent. Et ce qui devait arriver, est arrivé. Ils ont trouvé mon client sur leur chemin. La légitime défense a été imposée», conclut l'avocat qui apprendra avec soulagement l'année de prison assortie du sursis. Ouf!