«Mohamed Cherif Messaâdia va bien et se remet rapidement de son opération». Par ces mots, l'entourage du président du Sénat remet les pendules à l'heure concernant l'état de santé du second personnage de la République. Messaâdia est traité au niveau d'un hôpital parisien, depuis une dizaine de jours, où il a subi une intervention chirurgicale qui s'est «très bien déroulée», selon les mêmes sources contactées par L'Expression. Le président de la seconde Chambre y était hospitalisé pour des complications respiratoires qui, dans son cas, n'étaient pas graves pour ceux qui connaissent son état de santé. Lorsqu'il a reçu le directeur de L'Expression avant son départ pour Paris, Mohamed Cherif Messaâdia paraissait en excellente forme pour un homme ayant dépassé largement la soixantaine et a même évoqué le sujet sans dramatisation. Souffrant des poumons depuis plus d'une trentaine d'années, Messaâdia a contracté sa maladie lors de ses études à l'université de Zeitouna à Tunis, mais qui n'a jamais suscité autant de remous même du temps où il dirigeait un FLN en proie à des luttes de clans où tous les coups bas étaient permis. Mais l'hospitalisation de Messaâdia pose une autre problématique plus complexe ayant trait à la dichotomie entre vie publique et privée, lorsqu'on est un personnage officiel et sur les effets de la médiatisation des ennuis de santé des dirigeants politiques. La problématique est assez délicate et ne se pose pas uniquement en Algérie puisque les bulletins médicaux des grands de ce monde sont aussi bien gardés que des codes de lancement de missiles nucléaires. La raison principale au secret qui entoure la santé des hommes politiques, surtout ceux qui exercent des charges importantes, tient du fait que leurs ennuis de santé deviennent des «enjeux de pouvoir» et peuvent influer sur la vie politique d'un pays et sur son opinion publique de manière désastreuse jusqu'à fragiliser ses structures et ses hommes. En Algérie, la pratique du lever du secret médical se généralise, voire se banalise, souvent avec des conséquences désastreuses. Depuis l'avènement du Président Bouteflika, la santé des hommes politiques algériens, spécialement les décideurs, est dans le collimateur des médias et des observateurs politiques. Le Président lui-même a fait l'objet d'une campagne soutenue quant à ses prétendus ennuis de santé et la presse nationale et surtout étrangère en ont fait leurs choux gras. Bouteflika a été présenté comme cardiaque, diabétique, dialysé ou ulcéreux, durant la campagne électorale et même après, avec l'«argument» politicien qu'il ne tiendrait pas la distance si jamais il était élu. En deux années et demie de gouvernance, le Président n'a non seulement montré aucun signe de faiblesse physique, ce qui est permis d'ailleurs, mais a surtout écoeuré son entourage et ses hôtes par son énergie, notamment lors de ses déplacements locaux ou internationaux. Ce fut alors le tour de Noureddine Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur et un proche de Bouteflika comme Messaâdia (y aurait-il un hasard dans cela?) d'être donné partant à chaque bruissement de sérail. Si sa gestion politique des affaires est critiquée, Zerhouni fait partie des personnages de l'Etat qui ont le plus été «critiqués» pour son état de santé, ce qui est en soi un paradoxe de la culture politique algérienne. Or, le démenti qu'apporte Zerhouni chaque jour est à la mesure de son activité débordante au sein de l'Exécutif. D'autres cas peuvent être cités comme celui de l'ancien Président Liamine Zeroual, dont l'intervention bénigne en Suisse sur la jambe s'est transformée en coma dans la rue algérienne via les médias. C'est le cas également du général Smaïn Lamari, qui fut pratiquement donné pour mort, alors qu'il est toujours en poste et bien portant... La problématique de la santé des dirigeants est devenue une donne politique nationale. Sous d'autres cieux, elle est moins déterminante du fait que le respect de la vie privée y est prononcé et du fait également que le pouvoir politique joue la transparence si ennuis de santé il y a. On pourrait citer des cas d'espèces comme celui du vice-président américain, Dick Cheney, qui, malgré un pontage coronarien délicat et une hospitalisation en pleine investiture républicaine, n'a pas suscité d'interrogations aussi alarmantes que le cas de Messaâdia. Cheney exerce normalement avec un coeur déficient comme Boris Eltsine tenait d'une main de fer le Kremlin avec un quintuple pontage et ce, durant des années. C'est le cas, enfin, de François Mitterrand, qui a donné, durant deux septennats, la preuve qu'on peut être atteint du cancer (prostate) et assurer l'exercice des responsabilités durant 14 années et ainsi mourir dans son lit comme un paisible retraité.