L'Office du tourisme de Tlemcen a organisé une conférence-débat, mercredi dernier, animée par M.Daoud Brixi Réda, anthropologue et muséologue, qui a raconté son odyssée en parlant de ce qu'il a vécu et vu lors de son voyage de Tlemcen à Tombouctou (Mali) et retour. Le circuit transaharien choisi par Réda est fantastique et fait rêver ceux qui ne connaissent pas le Sahara. Parti en voiture de Tlemcen-Alger-Constantine - Timimoun - Reggane - In Salah-Tamanrasset dans sa propre voiture, il commença l'aventure par les moyens existants, taxis de brousse, camions d'éleveurs pour aller à In Guezzam (400 km), Arlit (250 km), Niamey (Niger) (1 200 km), Gao (Mali) 450 km, et aboutir à Tombouctou (Mali) 500 km. Réda, qui a énormément lu les ouvrages existants sur la route du sel, a essayé avec ses propres moyens, son sac de voyage et son appareil photographique, de nous raconter cette histoire lointaine mais captivante. A l'ancienne époque, la région du Djouf surnommée par Ibn Battouta et Théodore Monod, «Majabat El Koubra» ainsi que le Tanezrouft étaient traversés par d'importantes caravanes. Ces caravanes de sel appelées «Azalaï», se livraient au troc du sel. il s'échangeait alors à son pesant d'or (1 quintal de sel pour 1 quintal d'or, précise le conférencier. La route du sel qui partait de Tlemcen, transitait par Sidjilmasa et le Touat pour faire le plein aux salines de Taoudéni, tout en continuant jusqu'à Tombouctou. En chemin inverse, l'axe Tombouctou, Taoudeni, Tlemcen, devenait la route de l'or. Outre le sel et l'or, les caravanes ne lésinaient pas sur les chargements de dattes, de soierie, de verroterie d'ivoire, d'oeufs d'autruche. Le port d'Honaine, en connexion avec Venise, Marseille et Carthagène jouait un rôle commercial dynamique avec Bilad Es Soudan, l'actuelle Mali. Les frères El Maqqari au milieu du XIIIe (13e siècle), entretenaient une liaison commerciale avec Bilad Es Soudan. Ils constituaient un véritable trust. Ils organisaient les caravanes qui partaient de Tlemcen en leur souscrivant une sorte d'assurance de protection. Ils avaient creusé des puits et convoyaient les marchandises. Un adage à leur époque disait qu'effectuer un voyage au Soudan vous enrichirait pour le reste de votre vie. Pendant son exposé et surtout lors du débat, Réda, un «amoureux» du Sahara, parla de l'état actuel de cette route du sel et de l'or. Il dira avec franchise: «Le désert est demeuré le même, les pistes ont évolué au gré du vent et des enjeux économiques mais les Sahariens et notamment les Touaregs dominent toujours ces espaces tout en se livrant aux mêmes formes de lutte pour la survie». Les salines de Tagaza, du Taoudéni ne sont plus les places fortes en relation avec le Maroc, la Mauritanie ou le nord de l'Algérie. Elles ont été mises en veilleuse avec les incessantes caravanes de Tombouctou (Azalaïs) en voie d'extinction qui une fois l'an ou tous les deux ans, entreprennent le péril de la route du sel. Daoud Brixi Réda, voyageur infatigable qui, a vu ce qu'est la soif dans le désert, a découvert sur le terrain qu'il reste à faire dans le travail de l'écriture de l'histoire commune entre les pays riverains le Niger, le Mali, le Ghana, le Sénégal et l'Algérie. Raconter l'épopée d'Abdelkrim Meghelli au Touat et jusqu'au Sénégal, expliquer la résistance d'Ahmed Baba, le héros de Tombouctou face à l'invasion marocaine en 1591 par le sultan Moulay Ahmed El Mansour, refaire le pèlerinage en 1496 de l'Askia Moh I avec ses 300.000 pièces d'or, etc... Réda se confie à L'Expression après avoir réalisé ce «pèlerinage» au désert: «Depuis l'indépendance, après la découverte d'Adrar, ce fut le coup de foudre. Une nouvelle raison d'existence se greffa sur mes sens. le Sahara et l'Afrique deviennent mon dada. L'absence de peur, l'assurance de soi et l'expérience de nombreux voyages me mettent à l'aise pour aller affronter l'inconnu. Pour un grand nombre, partir, c'est découvrir, apprendre, se refaire une virginité. Enfin, partir, c'est toujours réaliser un vieux rêve».