Plaidant opportunément pour une marche de l'islam fondée sur l'apprentissage de la séparation entre le politique et le religieux, il considère qu'actuellement la confusion est totale. Anthropologue des religions et philosophe algérien né en 1953 à Skikda, Malek Chebel a étudié en Algérie, puis en France, où il s'est également essayé à la psychanalyse. Il vient de s'éteindre à Paris, à l'âge de 63 ans, des suites d'une longue maladie. Malek Chebel s'est fait connaître par ses multiples travaux et ses ouvrages sur l'Islam, sa culture, son histoire et sa vie intellectuelle et il a enseigné dans de nombreuses universités en Europe, notamment. Parmi les livres dont il est l'auteur on peut citer «Dictionnaire des symboles musulmans», «Les cent noms de l'amour», «Sagesse d'Islam», «Dictionnaire encyclopédique du Coran», «Les enfants d'Abraham», «l'Islam expliqué», «L'Islam et la raison, le combat des idées» etc. Il est également l'auteur de plusieurs enquêtes et analyses ainsi que d'articles de presse sur l'Islam et le monde musulman. Il a également traduit le Saint Coran en langue française avant de livrer son oeuvre ultime «l'inconscient de l'islam» qui a nourri, comme d'habitude, une vive polémique. Son objectif, expliquait-il, à travers ce livre, était de revenir au «fondement anthropologique et inconscient qui détermine les différentes expressions de l'islam contemporain». Contestable et contestée, cette thèse se propose de remonter aux racines de la religion et à l'histoire des califes, retraçant les «guerres saintes détournées, l'exacerbation de la figure du kamikaze, ou encore de la censure des li-vres». Surfant sur la vague islamophobe que connaissent la France et l'Europe depuis quelques années, il affirme que toutes les guerres menées par les différents califes et sultans, tant abbassides (750-1258) que mameloukes (1250-1517), puis ottomans, à partir du XVIe siècle, jusqu'à la chute du califat en 1923, n'avaient d'autre finalité que celle de peupler le harem du souverain avec les jeunes captives de confession autre que musulmane. «Exit l'idée de l'expansion de l'islam, l'heure était à l'assouvissement d'un désir de puissance et d'un désir sexuel», affirme-t-il en explicitant la thèse d'une armée musulmane non pas en quête de conversions à l'islam, mais motivée par le «festin céleste». C'est ce qui a donné lieu au phantasme mythique de l'esclave blanche qui a généré la métamorphose de la guerre sainte en une guerre pour les femmes. Plaidant opportunément pour une marche de l'islam fondée sur l'apprentissage de la séparation entre le politique et le religieux, il considère qu'actuellement la confusion est totale et partant de ce constat il déduit que le terrorisme assorti du radicalisme de certains groupes découle de cet état de fait. D'où son militantisme «pour un islam des lumières» dont l'avènement passe par la concrétisation de cette rupture, que ce soit dans les sociétés musulmanes ou dans d'autres pays où la religion est minoritaire. Il est certain que l'islamisme tel qu'on le donne à voir depuis quelques décennies est une caricature de l'islam en tant que religion révélée. Comme il est vrai que l'image qu'en donnent les musulmans à travers le monde n'est pas la meilleure démonstration de l'universalité du message. La thèse de Malek Chebel, à travers tous ses écrits, s'inscrit dans un contexte politique strictement hexagonal et en cela elle pèche par ses nombreux raccourcis et ses dérives plus ou moins contrôlées. Cela étant, il a eu le mérite d'oeuvrer à une réflexion qui éclaire, même sans convaincre, sur le chemin qu'il reste à parcourir pour une meilleure compréhension de l'islam et de sa vérité.