Une troïka de dirigeants arabes est chargée par le sommet de faire la promotion de ce plan au niveau international. Les travaux du dix-septième sommet de la Ligue arabe, entamés samedi au Palais des nations, ont été achevés hier au Palais des nations par l'adoption de la “Déclaration d'Alger” dans laquelle sont consignées vingt-six résolutions que le chef de l'Etat algérien, Abdelaziz Bouteflika, désormais président de l'Organisation panarabe, a résumées dans son discours de clôture. “L'attachement à la paix en tant que choix stratégique”, réaffirmé non sans une insistance sur “la pertinence du plan arabe de Beyrouth” reconduit à Alger, est considéré comme l'un des résultats les plus significatifs de ce sommet. D'autant que la désormais défunte initiative jordanienne annoncée fait planer le doute lors des réunions ministérielles préparatoires du conclave des chefs d'Etat. C'est ainsi que la Déclaration d'Alger renouvelle les conditionnalités de Beyrouth pour mettre fin au conflit arabo-israélien, à savoir le respect (par Tel-Aviv) des résolutions onusiennes, du processus de Madrid stipulant le principe de “la terre contre la paix”, le retrait “complet” d'Israël des territoires arabes occupés “en Palestine, dans le Golan arabe syrien (…) et jusqu'à la ligne du 4 juin 1967” et “l'institution d'un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale”. La question des réfugiés palestiniens doit également trouver, précise encore la Déclaration d'Alger, “une solution juste et négociée conformément à la résolution 195 de 1948 de l'Assemblée générale des Nations unies”. Le refus du règlement de cette question par une “naturalisation” des réfugiés dans les pays où ils se trouvent est justifié, explique la déclaration finale du sommet de la Ligue arabe, car “les principes du droit international et la situation particulière dans les pays d'accueil” interdisent de recourir à une telle solution. Autre résolution attendue du Sommet d'Alger, la mise en place du “mécanisme de suivi de la mise en œuvre des décisions” a été confirmée et devrait permettre, selon Abdelaziz Bouteflika, de donner à l'action de l'Organisation panarabe “le réalisme et l'efficacité”. Deux attributs dont tous s'accordent à dire qu'ils ont toujours manqués à la ligue et que M. Bouteflika souhaite voir s'“ériger en tradition à tous les niveaux de l'Organisation”. Ce mécanisme composé, en principe, de trois chefs d'Etat (Ben Ali, dont la Tunisie qui avait présidé le sommet précédent, Bouteflika en tant que président de la ligue et Hassan Omar El-Bachir, le président soudanais dont le pays accueillera le prochain sommet et héritera de la présidence de la ligue) et des trois ministres des Affaires étrangères de ces pays, ne sera installé qu'après des “consultations” devenues incontournables en raison du souhait exprimé par la Syrie, la Palestine et l'Irak de figurer dans sa composante. Lors des débats sur la question, il a été décidé de confier cette tâche à Abdelaziz Bouteflika qui devra trancher en concertation avec les pays concernés et sans doute le secrétaire général de la ligue, Amr Moussa qui, par ses fonctions, est également membre de la structure de suivi. Ce dernier, qui a animé une conférence de presse conjointement avec le ministre algérien des Affaires étrangères à l'issue des travaux du sommet, considère que ledit mécanisme de suivi est l'un des “trois acquis fondamentaux de la réforme de la ligue” obtenus à Alger, les deux autres étant, selon lui, “le parlement arabe et la nouvelle procédure de prise de décision”. Sur ces deux derniers points, M. Bouteflika n'en dit pas moins. Il considère que la création d'un parlement arabe comme un signe de détermination à “faire participer les peuples arabes, en tant que partenaires, à la construction de l'avenir commun” et que l'abandon de la prise de décision par consensus au profit du procédé électoral est “une réforme majeure” car à même de prémunir l'Organisation “contre tout risque de paralysie”. Démocratisation : doucement et… pas sûrement Abdelaziz Belkhadem a confirmé cette “volonté” d'impliquer la participation populaire en affirmant que l'institution d'un parlement arabe répond au même souci que celui qui a prévalu pour la réforme du Conseil économique et social en vertu de laquelle “ce conseil sera désormais ouvert aux patronats, aux syndicats et autres organisations professionnelles”. Entamée à Tunis par la création de ce même Conseil économique et social et appelée à se poursuivre lors de la prochaine escale à Khartoum, cette réforme n'a pu, du moins dans son étape algérienne, concrétiser l'institution d'une cour de justice arabe et d'un conseil arabe de la paix et de la sécurité. La Déclaration d'Alger fait, par ailleurs, état de “la nécessité de réformer l'ordre international” dans le sens d'“un renforcement de l'efficacité des Nations unies, de ses compétences et de ses capacités”. Un objectif que le Sommet d'Alger pense réalisable par, entre autres, “l'élargissement de la qualité de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU (…)”. Les Etats membres de la Ligue arabe avaient déjà fait connaître leur souhait de gagner un siège au Conseil de sécurité. Un souhait que ne partage pas le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, qui a déclaré hier à la réunion du sommet qu'il était plutôt favorable à “un transfert de prérogatives du Conseil de sécurité à l'Assemblée générale des Nations unies”, considérant que c'est là “une règle démocratique” que les pays arabes devraient tenter de faire valoir devant “ceux qui exigent de nous de mettre en pratique la démocratie”. Du reste, le dirigeant libyen a catégoriquement rejeté “les pressions exercées” par les capitales occidentales pour une démocratisation dans le monde arabe en soutenant que l'Occident “ne doit pas attenter à nos valeurs sacrées”. La Déclaration d'Alger, quant à elle, réaffirme “la poursuite du processus de développement et de modernisation dans la nation arabe, en consolidant la pratique démocratique, en élargissant la participation politique et en ancrant les valeurs de la citoyenneté et de la culture démocratique, ainsi que par la promotion des droits de l'Homme, l'ouverture de la voie aux initiatives de la société civile et en permettant à la femme de jouer un rôle prépondérant dans tous les domaines de la vie publique”. Les chefs d'Etat arabes réunis à Alger se disent, enfin, satisfaits des “étapes franchies dans le cadre de la réforme”, notamment par l'adoption du document intitulé “Stratégie de la famille arabe”, par la mise en route du projet qui consiste à doter le monde arabe d'un satellite pour l'observation de la Terre à des fins environnementales et pour la prévention des catastrophes naturelles. Un document que le chef de l'Etat algérien estime “de nature à favoriser notre adaptation aux nouvelles réalités mondiales tout en protégeant notre identité et nos valeurs”. Au plan économique, enfin, la déclaration sanctionnant la réunion d'Alger fait état de “la continuité des efforts afin de parvenir à une complémentarité arabe, à travers la réactivation des mécanismes de l'action commune et l'exécution des projets communs dans le domaine économique, notamment la grande zone arabe de libre-échange et le développement du partenariat et de l'investissement (…)”. Notons que durant ce sommet, la question du financement des projets de la ligue s'était posée en raison du manque de l'insuffisance des cotisations de certains des Etats membres. Mardi dernier, quatre parmi les pays concernés s'étaient engagés, selon Amr Moussa, à y remédier, lui faisant dire qu'il y a des raisons d'espérer. La réduction des cotisations fait subir à la Ligue arabe un manque à gagner qui s'élèverait à 124 millions de dollars, selon des sources diplomatiques égyptiennes. Ne disposant actuellement que de 35 millions de dollars, la Ligue arabe a toutefois consenti à un effort en direction de la Somalie qui bénéficiera d'une aide de 26 millions de dollars. F. L.