La résolution finale, comportant des réformes algériennes importantes, devra être appliquée sous peine de voir la Ligue chuter de manière irrémédiable. Après des mois de suspense, des semaines de tractations, et des jours de débats harassants, le fameux Sommet arabe d'Alger s'ouvre enfin ce matin au Palais des Nations. La résolution finale, étalée sur une vingtaine de pages, vient carrément révolutionner le fonctionnement de la Ligue, afin de lui permettre de jouer un rôle plus actif dans les prises de décision à l'échelle internationale. L'Algérie, qui a oeuvré depuis près d'une année à l'accomplissement de cette oeuvre, est en droit de se sentir fière des résultats préliminaires couchés sur la déclaration finale, en attendant leur adoption par les chefs d'Etat et souverains arabes. Les Arabes, qui n'ont pas d'autre choix que de s'y conformer, au regard des pressions énormes qui pèsent sur eux du fait du GMO US, se trouvent face à une nouvelle croisée des chemins. Historique s'il en fut, le Sommet d'Alger sera celui d'une dynamique nouvelle, qui mettra sans doute pas mal de temps avant de pouvoir se mettre véritablement en place. En témoigne, à simple titre d'exemple, le fait qu'à la place du Parlement souhaité, il a été décidé de couper le poire en deux en mettant en place une instance transitoire, sur une durée de cinq années. Celle-ci sera composée de quatre délégués désignés, et non pas élus, représentant chacun des 22 Etats membres. D'ici à ce que le Parlement véritable soit mis en place, et que son rôle strictement consultatif soit élargi, beaucoup d'eau aura sans doute coulé sous les ponts puisque pas mal de royaumes, et même de Républiques, auront à réviser quasi fondamentalement leurs régimes. Pour notre chef de la diplomatie, Abdelaziz Belkhadem, les réformes obtenues constituent le principal objectif poursuivi lors de ce sommet. Le fait qu'elles aient pu passer les caps du conseil des experts et délégués permanents, ainsi que celui des chefs de la diplomatie, signifie qu'elles sont quasiment retenues, sauf grave incident de parcours. Ce dernier, d'ores et déjà, est écarté par les organisateurs algériens, lesquels ont tout fait pour que les travaux se déroulent, de bout en bout, dans le meilleur climat possible. Les travaux préliminaires ont donc convenu de modifier la charte de la Ligue, ce qui représente un pas inédit et historique depuis celui du Caire en 2000, afin que le vote se fasse désormais aux deux tiers pour les questions politiques et à la majorité simple concernant les affaires procédurières. Ce pas de géant, qui vient réduire à néant le droit de veto de fait dont jouissait chacun des Etats membres, devrait insuffler une dynamique nouvelle à la Ligue, avec la possibilité d'éviter les écueils des blocages constants qui ont, jusque-là, empêché la Ligue de décider quoi que ce soit avant d'aller jusqu'au bout de cette logique. La troisième modification, du reste, va dans le même sens, qui consiste à mettre en place une double troïka sous la forme d'un comité de suivi d'application des décisions, doté de larges prérogatives, à même de lui permettre d'exercer des mesures coercitives à l'encontre des «mauvais élèves». Les questions relatives à la situation qui prévaut au Liban, au Soudan, en Irak et en Palestine ont également été longuement débattues et feront l'objet de déclarations communes. Idem pour la problématique des trois îles dans le Golfe arabique revendiquées par l'Iran, ainsi que les sanctions dont est victime la Libye. Quant à la question syrienne, jamais programmée à l'ordre du jour, contenant pourtant la bagatelle de 16 points, elle a fait l'objet d'une rencontre «top secret» entre les chefs de la diplomatie de six Etats membres de la Ligue. Il s'agit, a-t-on pu apprendre, de la Syrie, du Liban, de l'Algérie, de l'Egypte, de l'Arabie Saoudite et de la Tunisie. Les débats, qui ont exploré différentes pistes, ont tenté de cristalliser une position commune et solidaire en direction des deux pays, censée être adoptée dans la déclaration finale des chefs d'Etat et souverains arabes, attendue ce mercredi-soir. Ici, les avis ont divergé entre ceux qui soutiennent la résolution onusienne 1559, mortelle pour la résistance contre Israël, ceux qui applaudissent à la démarche syrienne actuelle et ceux qui souhaitent un accord de Taêf bis, dont les contours restent encore à définir. Il ne fait aucun doute, du reste, que ce sujet va accaparer une bonne partie des débats entre les souverains et les présidents lors des séances à huis clos censées commencer dans le courant de cet après-midi. Dans tous les cas de figure, ce sommet, qui intervient dans une phase historique très particulière, vient sceller un tournant décisif pour la Ligue arabe. Celui-ci serait d'autant plus aisé à négocier que la démarche va se faire sous l'impulsion d'un diplomate chevronné comme Bouteflika, très apprécié en Occident et sous la présidence duquel les Arabes reprendront une partie de la place qui était la leur durant les années 70 et 80.